mardi 28 octobre 2014

Travail et droit d'auteur à l'heure d'internet


Dans le cadre d’un récent festival portant sur la culture vidéo-ludique, une série de conférence ont eu lieu autour de divers sujets. L’une d’entre elles, plus particulièrement, portait le titre « Travail et droit d’auteur à l’heure d’Internet », et nous semble poser une réflexion particulièrement intéressante dans le contexte actuel des modifications des marchés du travail.

L’une des parties de la conférence portait ainsi sur la question suivante : « Le droit d’auteur protège-t-il encore les auteurs? ».  En effet, alors que le but original du droit d’auteur était de protéger ces derniers contre les abus de la part des imprimeurs ou des compagnies de théâtre qui s’appropriaient les œuvres artistiques une fois publiées, il est peu à peu devenu une manière d’appropriation du contenu par les distributeurs marchands, et de manière largement plus flagrante sur internet. Son rôle semble donc avoir été renversé. Pour les différents conférenciers, cela est dû notamment au transfert du droit d’auteur d’une considération morale de contrôle sur l’œuvre à une considération proprement économique et, donc, marchandisable et appropriable par les grandes compagnies de diffusion.
On a néanmoins vu ces dernières années l’apparition de plus en plus de personnes qui diffusent, sur des chaînes internet (youtube principalement, mais aussi sur des blogs personnels) des contenus créatifs, que ce soient des critiques de musique ou de cinéma, des vidéos de jeux divers ou autre. Ces vidéos ont rapidement été investi par les grandes entreprises de diffusion, ainsi que par des réseaux publicitaires, qui voyaient là un nouveau mode de marketing pour leurs produits, plus proche des consommateurs et ciblant ceux-ci de manière plus efficace que les publicités traditionnelles.  Les vidéastes les plus populaires peuvent donc maintenant recevoir un salaire basé sur le nombre de visionnement de leurs vidéos, de souscriptions à leurs chaînes, de mention « j’aime » sur facebook, etc. En mettant de la publicité sur leurs vidéos, ils peuvent désormais être payés pour une création originale de contenu, entres autres puisqu’ils permettent de rassembler des données ciblées sur leur auditoire.

Or, comme les conférenciers l’ont présenté, le droit sur internet est une question extrêmement floue. Cela donne droit à une multiplicité de complications, et une grande difficulté pour ces vidéastes de faire reconnaître leur production comme telle. Ainsi, depuis peu, n’importe qui peut affirmer posséder les droits d’auteur sur un contenu sur youtube, par exemple même si ces droits ne concernent que, par exemple, le jeu qui est présenté ou l’interprétation d’une œuvre musicale. Il revient alors au vidéaste de défendre par lui-même son utilisation légale du contenu, par exemple, ou de défendre son droit de propriété sur l’oeuvre.

Là où le bât blesse, c’est que ce droit doit être défendu selon une multiplicité de régimes de droits, issus de la multiplicité des pays où est diffusé le vidéo. Il serait ainsi possible, pour une même création, de devoir se justifier selon les droits britannique, français et canadiens et ce, à la fois en français et en anglais. Pire encore, ces différents pays recoupent des droits d’auteurs différents (copyright pour les pays anglo-saxons, droit d’auteur pour le droit français, etc.) Il devient donc extrêmement difficile pour ces vidéastes de protéger efficacement leur production et, du même coup, leur revenu. On a là un exemple flagrant du travail pour le travail, par exemple, qui demande aux gens de travailleur pour reconnaître même leur travail comme tel.

Il existe des réseaux de diffuseurs (machinima, par exemple) qui agissent en quelques sortes en tant que « gérant » de ces vidéastes, demandant une cote et organisant en contrepartie des affaires légales. De la même manière, certains producteurs financent eux-mêmes les vidéastes selon leur nombre de vue, pour promouvoir leurs jeux. Or, ces pratiques ont des effets particulièrement pervers puisque les diffuseurs peuvent notamment demander aux vidéastes de travailler pro bono, comme on peut le voir avec les journalistes pigistes, en affirmant que la seule visibilité apportée par leur affiliation relève d’un avantage non négligeable. Les producteurs de jeux ou de musique, d’un autre côté, peuvent demander à des vidéastes de ne pas donner de mauvaise critique, de seulement montrer certains points bien spécifiques qui concordent avec leurs campagnes marketing, etc. Le manque de protection de ces travailleurs les oblige donc à rentrer dans ces mécanismes de dépendance vis-à-vis des grands diffuseurs ou producteurs, dans des endroits où ils ne peuvent bénéficier d’aucune protection et où l’organisation collective semble extrêmement inefficace puisque basée dans des pays complètement différent placés sous des régimes de droits spécifiques à chacun.


Il serait donc nécessaire, selon moi, d’explorer des nouveaux modèles de droit d’auteur en dehors des modèles traditionnels basés sur des supports de plus en plus désuets. Certains modèles, comme le creative common ou la licence globale, sont déjà en application par certaines personnes, mais il est facile de voir comment, en l’absence d’entente internationale sur le sujet, ces modèles ne peuvent gagner de l’importance.

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