mardi 14 octobre 2014

Les chômeurs ne cherchent plus d'emplois



" Il faut renforcer les contrôles. Il faut qu'il y ait, à un moment, une sanction". F. Rebsamen, ministre français du travail et de l'emploi

Le ministre du travail et de l'emploi, François Rebsamen, déclarait en septembre que Pôle Emploi (l'agence de recherche d'emploi en France) devait accroitre le contrôle des chômeurs inscrits sur ses listes. Par là, il entend sanctionner, donc radier, les individus n'étant pas activement à la recherche d'un emploi. Selon lui, dans un pays qui tente de se redresser économiquement "ce comportement n'est pas possible".

Il est plutôt difficile de lire ce genre de déclarations sans réagir. Pour comprendre la sévérité de ces paroles et pouvoir les commenter de façon justifiée, il nous faut dans un premier temps dresser le contexte de la France qui se trouve aujourd'hui dans un état économique et social critique. En effet, le chômage de masse poursuit inexorablement sa progression et nous pouvons chiffrer aujourd’hui le nombre de chômeurs de longue durée, qui ne cesse d'augmenter depuis bientôt dix ans, à presque 2,5 millions, dont la durée moyenne d'inactivité se chiffre à 532 jours (1).
Nous parlons donc ici d'une société dans laquelle les individus n'ont plus la force de chercher un nouveau travail. Travail qui, comme nous le savons, occupe une place centrale dans la vie des individus depuis des centaines d’années et fait partie intégrante de l'identité individuelle, occupe le quotidien, procure un revenu mais également un sentiment d'utilité sociale. M. Rebsamen voudrait donc radier des individus qui ne recherchent plus tout cela. Mais n’y a t il pas la un paradoxe ? N’est il pas nécessaire de nous poser la question « pourquoi » ils ne le recherchent plus ?

Nous ne parlons pas d'individus, du moins pour la majorité, qui ne veulent pas travailler pour profiter du système mais d'individus qui ne veulent plus travailler. Il s'agit de découragement et de désespoir. La plupart sont  "à bout de forces", éreintés par les démarches administratives, les refus, les échecs. Nous savons tous par notre expérience ou celle de notre entourage que chercher un emploi par l’intermédiaire de ce type d’agence relève d’un véritable parcours du combattant. Les démarches administratives sont souvent compliquées par le zèle et la rigidité dont font preuve un grand nombre de responsables dans les agences.  Cela étant, beaucoup peuvent être découragés par le phénomène du déclassement, situation dans laquelle l’emploi occupé n’est pas au niveau de sa formation mais que l’on accepte par besoin de revenus ou tout simplement pour faire partie à nouveau d’un collectif. Finalement, la plupart des chômeurs qui ne cherchent plus d’emplois sont simplement découragés. Partant de ce constat, est il est raisonnable de prendre le problème dans ce sens la ? Ce type de déclaration n’est-elle pas la preuve que les autorités publiques « attaquent le problème » par le mauvais côté ? Les syndicats se sont par ailleurs mobilisés et font savoir leur profond désaccord avec l’idée de sanctionner les chômeurs qui ne cherchent pas activement du travail. Et pour cause, à la vue d’une telle déclaration et lorsque l’on connaît la situation du pays d’un point de vue politique, on pourrait croire qu’il ne s’agit au fond que de faire baisser les chiffres du chômage après l’échec de la politique de l’emploi depuis le début du quinquennat. Il semble pourtant qu’il serait plus raisonnable d’opter pour une procédure d’accompagnement et d’encouragement du chômeur plutôt que de procéder à une stricte radiation des listes. Face à ce type de situation, la priorité des autorités devrait être de remobiliser  les chômeurs en les rapprochant d’un conseiller personnel qui pourrait les accompagner dans leur démarche. La radiation ne devrait alors concerner que les individus fraudeurs donc l’inactivité est motivée par l’intérêt et le profit.

Enfin, une étude récente de Pôle Emploi a montré que 20% des personnes inscrites sur ses listes ne cherchaient pas d’emploi (étude menée à Toulon et Manosque auprès de 2600 chômeurs). Il est difficile de tirer une conclusion à une échelle si réduite mais les chiffres nationaux de l’enquête définitive sortiront ce mercredi. Nous pouvons déjà prévoir qu’ils ne seront pas brillants. Si le constat national se révèle être le même que le résultat local, se posera alors la question des moyens qu’il faudra mettre en place pour effectivement renforcer le contrôle des chômeurs.

 Laurène Conte 

 (1) http://www.lesechos.fr/journal20141010/lec1_france/0203845001330-pole-emploi-se-prepare-a-generaliser-le-controle-renforce-des-chomeurs-1051991.php#



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