C’est à partir du 7 octobre que se déroule le Sommet
International sur les coopératives, qui se déroule cette année à Québec. Le Devoir a préparé un dossier spécial
sur le sujet, où il présente quelques constats mis de l’avant par ce sommet
ainsi que divers intervenants. Nous aborderons ici l’un des textes en
particuliers, intitulé « L’emploi dans les coopératives : une manne d’avenir[1]. »
On nous y présente principalement les intérêts du travail
coopératif en termes de création d’emploi et de stabilité. Ainsi, selon les
intervenants rencontrés, l’emploi coopératif serait particulièrement stable,
particulièrement dans les grandes entreprises coopératives comme le mouvement
Desjardins ou, à l’international, le groupe Mondragon. Cela serait notamment dû
au réinvestissement direct du profit dans l’entreprise, et l’investissement
particulier des travailleurs coopératifs qui sentent un plus grand attachement
à leur entreprise.
Il nous semble pertinent de nous arrêter un peu sur ce
modèle, qui semble à première vue opposé aux changements massifs des structures
d’emploi dans les sociétés occidentales. En effet, alors que l’heure est à la
précarité, le groupe Mondragon « arrive à redistribuer les travailleurs
dans d’autres coopératives lorsqu’une coopérative a un excès de main-d’œuvre au
moment d’une crise. Ce groupe coopératif n’a jamais mis quelqu’un à la porte,
du moins parmi les travailleurs membres ». Le groupe se veut un modèle
d’écon[2].
Ce genre de pratiques apparaître à contre-courant des pratiques actuelles dans
le marché de l’emploi.
omie participative, rassemblant tout un réseau de coopératives de divers
secteurs où les travailleurs sont partie prenante des décisions démocratiques
des entreprises, ainsi que du profit généré. Plus encore, le salaire était
réparti de manière la plus égalitaire possible, dans un ratio de 4,4 :1 à
une certaine époque, impliquant que les salariés les mieux payés ne recevaient
que 4.4 fois le salaire des salariés les moins payés
Plusieurs auteurs viennent néanmoins bousculer ce genre de
raisonnement. En effet, pour Cheney, les pressions actuelles du marché de l’emploi
ont percé dans la coopérative et de plus en plus de travailleurs temporaires,
sans statut de membre de la coopérative, ont été embauché. Les ratios de
salaires ont été élargis, et l’implication dans l’entreprise est devenue
semblable à celle que l’on demande aux employés des grandes compagnies, soit de
faire du succès de l’entreprise sont succès personnel. La participation, l’auto-contrôle
et la discipline sont devenus des normes ambiantes, comme nous le rapellent
Dardot et Laval[3].
On pourrait sans problème faire le parallèle avec le mouvement Desjardins au
Québec, qui s’est avec le temps éloigné de son modèle coopératif pour devenir
une grande entreprise financière semblable aux autres, dont les modèles d’emploi
et d’organisation sont les mêmes que dans le reste des entreprises. Il
semblerait donc que les grandes coopératives deviennent des lieux tout désignés
pour l’application des logiques de gestion néolibérales, avec un cœur de
travailleurs qualifiés et polyvalents attachés à l’entreprise, ayant en
périphérie de plus en plus de travailleurs précaires et sans statuts dans des
entreprises subalternes mises en réseau[4].
Dans cette optique, l’appellation de coopérative semble
devenir bien souvent une marque de commerce distinctive, comme le fait
remarquer un autre article du Devoir daté du 7 octobre[5].
Elle semble prendre alors les mêmes formes qu’une certification éthique ou un
sceau de qualité, comme l’affirment certains participants au sommet international
des coopératives : Les coops seraient plus stable, plus rentable pour les
employés, réduiraient le chômage, etc[6].
C’est exactement les constats mis de l’avant dans le Sommet, et repris par les
gouvernements locaux. Le Premier Ministre du Québec, Philippe Couillard,
annonçait par exemple, le 6 octobre dernier, qu’il misait sur le « secteur
coopératif » pour atteindre ses objectifs de création d’emploi.
Selon nous, il est donc nécessaire de questionner les
pratiques des coopératives, non pas pour en réduire l’importance (tout
particulièrement dans les petites coopératives qui restent encore
particulièrement intéressantes du point de vue de l’organisation collective),
mais plutôt justement pour empêcher les dérives des grandes entreprises
coopératives. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de conserver une place
important pour l’action syndicale même au cœur des entreprises coopératives, ce
qui permet de protéger les travailleurs, qu’ils en soient membres ou non. De la
même manière, adopter le coopératisme n’implique pas de cesser toute réflexion
sur les pratiques de travail et d’organisation. Il ne s’agit en effet pas d’un « secteur
coopératif », comme tend à le penser notre Premier Ministre, mais d’un
mode d’organisation du travail impliqué dans plusieurs secteurs de l’économie,
et qui implique donc intrinsèquement une réflexion sur l’organisation du
travail de chacun de ces secteurs.
[1]
Kettani, Assïa. «L’emploi dans les coopératives : une manne
d’avenir », Le Devoir, 2 octobre
2014, [En Ligne] http://www.ledevoir.com/economie/emploi/419842/l-emploi-dans-les-cooperatives-une-manne-d-avenir
[2] Strauss, George. « Values
at Work : Employee Participation Meets Markets Pressures at Mondragon »
Relations industrielles / Industrial
Relations, vol.55, no.3, 2000, p.537-539
[3]
Dardot, Pierre et Christian Laval. La
nouvelle raison du monde : essai sur la société néolibérale. 2009. La
Découverte, Paris
[4]
Strauss, George. Ibid.
[5]
Porter, Isabelle. « Coop, un secret trop bien gardé », Le Devoir, 7 octobre 2014
[6]
Ibid.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire