L'objectif de ces
textes, mettre en compétition les universités de France, par le
biais d'indicateurs quantitatifs macroscopiques, comme le nombre et
l'impact des publications des chercheurs ou le salaire moyen des diplômés de celles-ci, et ce, bien sure, afin d'établir une hiérarchisation de leurs rentabilités éducatives, susceptible de
guider l’État dans la délicate tâche d'attribuer ses subventions.
L'idéologie sous-jacente,
c'est celle de l'économie politique capitaliste, pour qui la
compétition, aussi connue sous le nom de "marché", est un
instrument vertueux triant l'ivraie du bon grain, et l'idéal à
atteindre, celui d'un marché universitaire à deux vitesses, divisés
entre pôles d'excellences attractifs et sélectifs (ou compétitifs),
et universités de secondes zones, contraintes à sacrifier la
qualité de leurs enseignements pour ne pas déposer le bilan. Cette
idéologie est à l’œuvre dans le monde entier, comme aux États
Unis, où l'enseignement supérieur se divise entre de prestigieuses
universités, véritable machine de guerre de l'éducation supérieur,
aux frais d'inscriptions astronomiques, et de frêles campus
communautaires. Ce débarquement néo-libérale en France ne s'est
pas fait sans heurt, la gratuité de l'enseignement étant un
principe fondateur, mais semble, maintenant, avoir atteint sa vitesse
de croisière.
Par ailleurs, ce sont
avant tout les méthodes employées pour atteindre cette objectif
tacite, et encore lointain, qui doivent être questionné.
L'application du nouveau management publique n'est pas sans
conséquence sur le travail des enseignants-chercheurs, sur la
qualité des enseignements dispensés, et plus généralement, la
qualité de vie au sein de ces établissements. Considérer
l'Université comme une entreprise, en permettant, par exemple, de
breveter les applications des découvertes de la recherche
fondamentale (permis aux États Unis par le Bay Dole Act depuis 1980),
réoriente en profondeur les buts de la recherche sur fonds
publiques, pour la placer au service du secteur privé. Évaluer les
chercheurs sur la base du nombre de leurs publications, et aux
nombres de citations, montrent une incompréhension incommensurable
du milieu de la recherche et détériore la qualité des publications
: personne n'est plus cité qu'un chercheur publiant une aberration,
ses confrères s'empressant de le corriger. Enfin, le surcout
managérial qu'implique l'augmentation de ces contrôles
productivistes prive de ces fonds d'autres secteurs de l'université,
et détériore de ce fait la qualité des cours en réduisant la part
de budget utilisés pour personnels enseignants, et les
enseignements, en faveur du personnels de direction (comme ce fut le
cas ces dernières années à l'Université de Montréal).
La crise de 2008 ayant
fait explosé la dette publique française, peut être n'existait-il
pas d'autre horizon, toutefois, en poussant les universités à
capter les souffles d'investissements du secteur privé, grâce aux
contrat de partenariat publique privé ou PPP, (le nombre de PPP
contracté étant un des indicateurs employés pour juger la
performance d'une université), le gouvernement a placé les
universités dans un rapport de force particulièrement inégalitaire,
les forçant à laisser la barre aux léviathans du capital, ou à
signer, les yeux bandés, de juteux pactes avec eux (en témoigne
l'affaire de l'Université Paris VII, et son contrat PPP avec
Bouygues).
Les résultats de cette
nouvelle politique, les voici : un certain nombre d'Universités de
provinces sont prises dans la tempête des restructurations en
chaînes, afin de rester à flot, pendant que dans leurs rangs
s'installent une ambiance délétère : le personnel contraint à
l'injonction productiviste managérial, par les tambours
assourdissants de la bibliométrie. Citons ici un article du Monde du
29 septembre, qui fait état de l'accroissement des cas de
souffrances au travail dans les Universités d'Aix-Marseille et de
Strasbourg, et un autre, de la même journée, dans le même journal,
rapportant le suicide d'un technicien de l'université Paris-VI
Pierre-et-Marie-Curie, rendu gravement anxieux par la perspective
presque certaine de perdre son emploi. Un climat qui n'est pas s'en
rappeler celui connu par France télécoms, devenu Orange, suite à sa
partielle privatisation.
En écoutant, une fois
encore, le chant des sirènes néo-libérales, il semblerait que les
pouvoir publique, en cédant aux vents de la dérégulation intempestives, ait laissé tombé les Universités de Charybde en Scylla. Elles partirent 500 universités (ou plutôt 73 en France,
en 2014), mais combien reviendront elles, de ce périlleux voyage uni
vers Cythère?
Aucun commentaire:
Publier un commentaire