dimanche 4 novembre 2018

Retour sur le colloque: Réponses syndicales aux réformes néolibérales des lois du travail en Afrique de l’Ouest


Le 3e colloque international du GIREPS avait pour thème : Le travail qui rend pauvre: action publique, résistances et dialogues Nord-Sud. Dans ce texte, je voudrais revenir sur le Panel 6B qui s’intéressait au thème : « Organisation collective et travailleurs et travailleuses pauvres : enjeux et défis contemporains » et plus particulièrement sur l’intervention de M. Armel Brice Adanhounme (UQTR) qui avait pour tâche de nous entretenir sur les Réponses syndicales aux réformes néolibérales des lois du travail en Afrique de l’Ouest.  

Dès l’entame de son exposé, il s’est posé la question de savoir si le travail salarié a déjà rendu riche en Afrique subsaharienne. Pour y répondre, Il recourt au concept de la paupérisation anthropologique de l’historien Engelbert Mveng. Selon ce dernier, la colonisation a tout arraché à l’Africain notamment son identité, sa langue, sa culture, son histoire, son héritage spirituel, ses droits fondamentaux et sa dignité. Mveng ne pense pas que les indépendances aient pu restituer toutes ces choses aux noirs. Il arrive à la conclusion que la pauvreté de l’homme africain n’est pas seulement sur le plan matériel, mais aussi sur le plan social et politique. Cette pauvreté est également manifeste au niveau de sa condition humaine dans ses racines les plus profondes et dans ses droits fondamentaux[1].

Adanhoume s’appuie sur le fait que l’esclavage et le colonialisme sont venus désintégrer un système fait de relations d’échange, vu que l’Afrique précoloniale n’avait pas de travail salarié. Le travail colonial s’inscrit dans la logique du travail des nègres avec le travail   forcé[2].  Il faudra donc attendre septembre 1952 pour voir le début des droits permettant et encadrant la syndicalisation des droits de travail avec le code de travail des colonies. L’origine coloniale et l’exogénéité de ces droits de travail font qu’ils prennent moins en compte les réalités des travailleurs indigènes. Malheureusement, ce code va être reconduit après l’indépendance (1960), notamment au Dahomey (Benin) pour n’être modifié que 15 années plus tard.  Beaucoup d’observateurs comme Adanhoume reconnaissent le caractère hautement progressiste des textes régissant à ce jour les relations de travail dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest. Ils sont des copies conformes des textes en vigueur en France et restent à cet effet dans cette logique de non-adaptation aux réalités locales en dépit de l’intégration de certaines recommandations du BIT (Bureau international du Travail), elles-mêmes élaborées sous des prismes occidentaux. À cela, il a ajouté que la subordination de l’action syndicale au politique vide ces textes de leur substance et n’en font qu’une simple littérature incapable de protéger le travailleur et de lui garantir ses droits les plus élémentaires. Cette situation trouverait sa source elle aussi dans le passé colonial. En effet, les partis politiques qui ont conduit ces pays à l’indépendance sont principalement issus des mouvements syndicaux. C’est le cas du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) né du Syndicat Agricole Africain (SAA), un syndicat des planteurs. Une fois au pouvoir, ils ont réussi à fédérer et à inféoder les mouvements syndicaux dont les actions ne sont plus porteuses.

La solution viendrait-elle donc du délaissement de la législation d’emprunt dont l’inapplicabilité reste préjudiciable aux travailleurs et d’une réforme législative en profondeur emprunte des réalités locales?



[1] Ehua, P., (2011) Paupérisation et développement en Afrique. Par Engelbert Mveng https://philippehua.com/2011/07/27/pauperisation-et-developpement-en-afrique-par-engelbert-mveng/
Consulté le 23 octobre 2018.

[2] Selon l’article 2 de la Loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d'Outre-mer,    « Le terme "travail forcé ou obligatoire désigne tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré».

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