vendredi 2 novembre 2018

Dure dure le métier de Préposée aux bénéficiaires


*Le féminin est utilisé pour la rédaction de ce texte, car la majorité des personnes occupant ce métier est des femmes.

« Menacé(e)s »[1], « intimidation »[2], « manque de personnel »[3], « difficiles négociations locales »[4], « épuisement »[5]; sont les mots clés qui reviennent après une courte recherche web à propos du métier de préposée aux bénéficiaires. Alors que ces travailleuses veillent sur des personnes vulnérables; malades ou en perte d’autonomie, leurs conditions de travail sont défavorables à la pratique des soins de santé demandés. « Elles réalisent de 80 % à 90 % des actes de soin envers les patients, et ce, tant dans les centres hospitaliers et les institutions gériatriques qu’à domicile ».[6] Même qu’elles contribuent au travail relationnel (le care) restant souvent dans.[7] Le métier de préposée aux bénéficiaires est surtout occupé par des femmes. Aussi, il est favorable pour les nouveaux arrivants, car la formation est assez rapide (10 mois pour l’obtention d’un D.E.P[8]) et demande peu de qualification (secondaire 3). Ces deux catégories sont les plus à risques d’avoir un type de travail précaire.

Flexibilisation et précarité d’emploi : Public Vs Privé
Comment expliquer ce phénomène de flexibilisation et de précarisation ? La pénurie de main-d’œuvre[9] ? Selon les données ministérielles, il y a 21,9% de démission dans la première année de travail et après 5 ans, seulement 38% des préposées restent en poste.[10] Donc 62% des préposées démissionnent dans les 5 premières années de carrière. Pourquoi démissionne-t-elle, alors qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre ? Il semble que ce soit à cause d’un rapport de force en faveur des employeurs.

À première vue, on penserait qu’un emploi dans le secteur public serait favorable aux bonnes conditions de travail. En effet, les salaires dans ce domaine sont entre 19,86$ et 21,80$ par heure travaillée.[11] Pourtant, le secteur public fait appel à des étudiantes en stage[12] ou à des agences de placement privées, afin de combler la  pénurie de main-d’œuvre. Ces agences de placement sont plus à risque d’occasionner une instabilité d’emploi. Aussi, les heures de travail des employées du public peuvent être longues. D’ailleurs, on a déjà imposé par intimidation un deuxième quart de travail dans une même journée afin de combler des absences.[13] Étant donné que le processus d’embauche à temps plein dure quelques années dans le public, on va souvent se tourner vers le privé.[14] Le statut de travailleuses à temps plein est souhaitable, car il permet une sécurité d’emploi et de meilleurs avantages sociaux. Même l’État employeur offre des emplois à temps partiel et des emplois temporaires. Dans le public, comme pour le privé, si les travailleuses refusent des quarts de travail sur appel ou refusent leur horaire confectionné par leur cadre, elles peuvent avoir des sanctions (renvoi ou heure coupée). Ces travailleuses doivent rester flexibles (jour, soir et nuit), même si elles doivent s’occuper de leurs proches, leurs enfants et leur propre vie.

Selon Radio-Canada, le salaire moyen des travailleuses du privé est 13$/ heure. Il est question d’un salaire assez bas malgré l’importance du travail (1$ plus haut que le salaire minimum). Il y a aussi une absence de sécurité d’emploi (renvoi pour conflit d’horaire et haut taux de roulement des employées). L’accès à la syndicalisation est difficile. Les congés sur demande sont rares, ainsi que les horaires stables (les congés sont considérés comme une non-volonté de travailler). On parle ici d’emplois précaires. Or, dans les institutions privées, on va retrouver de multiples profils de travailleuses. Des préposées avec une formation professionnelle agréée, des étudiantes en stage, ou du personnel formé sur place détenant au moins un certificat de principe pour le déplacement sécuritaire des bénéficiaires. Ce certificat peut être obtenu après une fin de semaine de formation. Là aussi, quand il y a un manque de personnel, on peut se référer à une agence de placement. Ces travailleuses peuvent être très peu qualifiées. Ces femmes doivent aussi accepter du travail sur appel et accepter les conditions de vie qui viennent avec. Ces multitudes de profils laissent les employées dans un flou considérant les tâches à effectuer d’une institution à l’autre. Certaines employées mieux formées que d’autres doivent donc compenser l'inconvénient dû aux lacunes d’expérience et de qualification des collègues. Les employeurs se permettent même d’imposer des pratiques illégales (donner de l’insuline en allant à l’encontre de la loi encadrant les pratiques des préposées aux bénéficiaires; ou empêcher aux employées de porter des gants).

Revendications et solutions
Les revendications ont clairement été énoncées par le personnel et les syndicats. On veut : « un meilleur salaire, une stabilité d’emploi, une formation plus réaliste et un véritable respect de l[’] intégrité physique et mentale »[15]. François Aubry, un sociologue qui a étudié la problématique, est clair : « [p]our alléger le climat de travail, selon les principaux intéressés, il faudrait plus de personnel, un meilleur salaire, une formation réaliste, davantage de postes permanents, de stabilité, de temps, de liberté. Mais à travers tout ça, il faudrait aussi un espace pour ventiler. » [16]





[1] https://www.ledevoir.com/societe/sante/535420/des-preposes-aux-beneficiaires-menaces-par-leurs-patrons-denonce-la-csn
[2] https://urbania.ca/article/quand-lintimidation-pousse-les-prepose-e-s-aux-beneficiaires-a-la-demission/
[3] https://www.ledevoir.com/societe/sante/535432/chsld-sainte-dorothee
[4] https://www.ledevoir.com/societe/sante/538495/difficiles-negociations-locales-en-sante
[5] https://www.lapresse.ca/actualites/sante/201802/02/01-5152464-au-tour-des-preposes-aux-beneficiaires-de-crier-a-lepuisement.php
[6] Aubry, François et Couturier, Yves. Préposés aux bénéficiaires et aides-soignantes Entre domination et autonomie, Collection santé et société, Presses de l’université du Québec, 2014.
[7] Aubry, François et Couturier, Yves. Préposés aux bénéficiaires et aides-soignantes Entre domination et autonomie […]
[8] Diplôme d’études professionnelles.
[9] https://www.ledevoir.com/societe/sante/535432/chsld-sainte-dorothee
[10] https://urbania.ca/article/gros-plan-les-preposes-aux-beneficiaires/
[11] https://urbania.ca/article/gros-plan-les-preposes-aux-beneficiaires/
[12] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1053999/preposes-beneficiaire-cisss-chsld-formation-professionnelle
[13] https://www.ledevoir.com/societe/sante/535432/chsld-sainte-dorothee
[14] https://urbania.ca/article/gros-plan-les-preposes-aux-beneficiaires/
[15] https://urbania.ca/article/quand-lintimidation-pousse-les-prepose-e-s-aux-beneficiaires-a-la-demission/
[16] Ibid.

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