L’insertion professionnelle d’une femme dans un secteur
de travail qualifié de masculin vs l’insertion professionnelle d’un homme dans
un secteur de travail qualifié de féminin sont-elles perçues de la même manière
en 2018 par notre société? Les professions dîtes féminines sont-elles
revalorisées lorsqu’elles sont exercées par des hommes?
Louis Maltais, 31 ans, est le premier homme au Québec à
pratiquer la profession de sage-femme, un métier qui semble être exercé que par
des femmes. Il a été attiré par l’approche centrée sur le patient et les liens
noués avec ces derniers. En effet, M. Maltais est le premier Québécois à avoir
suivi le seul programme de formation universitaire de sage-femme au Québec. L’Association
canadienne des sages-femmes a répertorié qu’un seul autre homme sage-femme
ayant reçu sa formation au Canada. La demande pour avoir une sage-femme lors de
son accouchement est à la hausse. De nombreuses sages-femmes au Canada ont une
liste d’attente pour les patientes désirant leur service. Nathalie Pambrun,
présidente de l’Association canadienne des sages-femmes, désire que plus de
sages-femmes exercent leur métier au Canada quel que soit leur sexe. C’est donc
avec une grande joie qu’elle a accueilli M. Maltais dans leurs rangs. L’homme,
qui qualifie lui-même la profession de sage-femme comme étant féministe, ne
ressent pas le besoin de changer son titre, puisque le terme sage-femme veut
dire « avec une femme » en vieil anglais et c’est ce qu’il fait
lorsqu’il accompagne ses patientes. M. Maltais, qui est rendu à son 100e
accouchement, dit que sa présence a été bien reçue autant par ses collègues que
ses patientes. L’homme évalue qu’une femme sur 20 ne souhaite pas sa présence
lors de son accouchement et que la plupart d’entre elles sont réceptives et
deviennent plus à l’aise avec le temps. Un documentaire s’intitulant « Un
homme sage-femme » a été réalisé pour suivre son expérience. Il a permis
ce tournage pour partager son expérience avec les gens et les hommes qui
souhaiteraient se lancer dans cette profession.
À ce jour, il est connu que les métiers
traditionnellement masculins sont plus valorisés que les métiers
traditionnellement féminins. Les professions dîtes féminines sont même valorisées
davantage lorsqu’elles sont intégrées par des hommes. Les jeunes hommes sont
plus favorisés lors de leur transition école-emploi lorsqu’ils sont issus de
formations fortement féminisées[1]. En effet, un homme qui
gradue d’un baccalauréat en enseignement au primaire, un infirmier, un
secrétaire, etc., aura un avantage en terme d’insertion professionnelle. On
peut dire que les employeurs vont « s’arracher » cet homme. Selon une
étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications en France
(CEREQ), la transition école-emploi des femmes se fait plus difficilement que
leurs confrères. De plus, les femmes sont davantage pénalisées lorsqu’elles
occupent un emploi en dehors du secteur visé par leur formation éducative. La
probabilité des hommes d’échapper au chômage, d’avoir un emploi à temps
partiel, est plus faible, tandis que celle d’accéder aux échelons
socioprofessionnelles plus valorisés et d’avoir un salaire plus élevé est
supérieure que celle des femmes.
L’insertion des femmes dans les milieux masculins est le
fruit d’années de politique, de luttes féministes et de revendications.
Pourtant, ce n’est pas gagné! L’arrivée des hommes dans les milieux
« féminins » semblent revaloriser ces professions, tandis qu’à
l’opposé les femmes qui arrivent dans des milieux « masculins »
doivent constamment prouver leurs compétences (standard plus élevé que leurs
collègues masculins) et sont même sujettes à du sexisme constant tels que des
moqueries, et parfois victimes d’harcèlement psychologique et sexuel de la part
de leurs collègues et supérieurs masculins. Exemple, une femme qui est
opératrice de machinerie lourde se fait coller une étiquette de garçon manqué
ou de lesbienne. L’institut de la Statistique du Québec dévoilait en 2015 que
les femmes sont moins bien rémunérées que les hommes dans les entreprises
privées. Il y a un paradoxe, car les politiques anti-discrimination encouragent
les femmes à postuler pour ces emplois, mais les milieux en hausse du personnel
féminin affectent les femmes à des tâches typiquement féminines. Par exemple,
en médecine les femmes sont souvent obstétricienne (motricité fine qui est une
qualité dite féminine).
Bref, il reste un long chemin à parcourir avant de
qualifier chaque profession d’unisexe, car les divisions sexuelles du travail,
les chances d’insertion professionnelles selon le sexe et les inégalités
salariales sont toujours d’actualité.
Texte par Amélye Laperrière
Fafard
Bibliographie :
SOL2015 – Cours 5 –
Discriminations et inégalités sur les marchés du travail, Yanick Noiseux,
Automne 2018.
[1] Une formation fortement féminisée est une formation pour laquelle les
hommes représentent moins de 35 % des sortants. Leur proportion s'élève en
moyenne à 17% des diplômés des formations typiquement féminines.
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