mardi 27 septembre 2016

Si on n’en parle pas, c’est que ça n’existe pas

J’ai été bien heureux de tomber sur une copie de l’Ultimatum (journal de l’ASSÉ) de septembre 2016. J’invite les intéressés à aller s’en procurer une au local de l’ACSSUM. Le thème de cette édition est la précarité étudiante. Quatre articles sur huit portent sur ce sujet.

Pour un journal représentant l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ), on ne doit pas trop s’étonner de retrouver les thèmes précarité et étudiant dans ses pages, mais quand est-il des autres journaux? Je vous invite à faire le test d’inscrire le mot précarité sur Google et de chercher les articles d’actualité. Beaucoup d’articles seront répertoriés, principalement pour ce qui est des médias de France. Il m’a été très difficile de trouver avec Google des articles concernant le Québec.

J’ai alors décidé d’aller chercher sur le site internet de trois importants médias au Québec (le mot « importants » est ici compris en termes de nombres de lecteurs) : Le Journal de Montréal, La Presse et Le Devoir. Quoique l’on puisse s’attendre à ce que ce dernier donne plus de résultats que les deux premiers, ce n’est pas le cas. Deux conclusions importantes : 1) les articles concernant la précarité au Québec sont très rares dans les médias québécois et 2) le peu d’articles concernant la précarité ne l’aborde pas du tout de la même façon que les médias français.

Est-ce que cela signifie que la précarité est plus importante en France qu’au Québec? On pourrait débattre longtemps sur ce sujet. Cependant, ma réponse est que la précarité n’est pas plus importante en France. Il peut y avoir plusieurs raisons qui font que les médias français abordent davantage la précarité que leurs homologues québécois. Peut-être est-ce parce que la société française a reconnu la précarité comme un problème social ou, au contraire, parce que la société québécoise se refuse d’assembler les pièces du puzzle afin de mieux cerner ce phénomène.

Une autre hypothèse pourrait être que le phénomène est connu au Québec et qu’il y a des preuves suffisantes pour reconnaître la précarité comme problème social. Les médias n’en parlent tout simplement pas. Dans son film Elvis Gratton XXX : La Vengeance d’Elvis Wong, Pierre Falardeau propose une critique radicale des médias. Dans ce film, le Directeur de l’information de l’empire médiatique « Gratton média » apprend à Bob Gratton que les médias ont un pouvoir sur l’information : « Si on n’en parle pas, c’est que ça n’existe pas. »

Si on se base sur ma théorie, tout ce qui manque pour faire exister la précarité au Québec, c’est d’en parler dans les grands médias. Si des recherches ont été produites sur la situation de la précarité au Québec et que d’autres sont en routes, j’ai bien peur que ce concept aille du mal à sortir du monde universitaire et syndical surtout que les grands médias sont réticents à en parler.

Il y a cependant un autre acteur qui pourrait aider à faire reconnaître la précarité et c’est le gouvernement. Il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un gouvernement peut facilement faire apparaître un phénomène et en faire disparaître un autre.

Pour ce qui est de la reconnaissance d’une précarité croissance, je ne me fierai pas sur notre gouvernement pour le faire. En plus d’avoir joué un rôle actif dans la précarisation d’une multitude de gens, le premier ministre actuel avait déclaré, lorsqu’il était accusé de diriger un gouvernement prônant l’austérité, que « L’austérité est une vue de l’esprit ».

Il ne faut pas oublier qu’il y a un autre truc que l’on peut utiliser pour calmer l’élan d’un phénomène qui prend trop d’ampleur : « si on en parle trop, changeons son sens pour que le mot ne désigne plus la chose! »


Maxime Flibotte

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