« La classe
moyenne anglaise et, en particulier, la classe industrielle qui s'enrichit
directement de la misère des travailleurs, ne veut rien savoir de cette misère
[...] elle ne veut pas avouer que les ouvriers sont misérables, parce que c'est
elle, la classe industrielle
possédante, qui devrait endosser la responsabilité morale de cette misère[1].»
Il y a environ un peu plus de deux semaines,
plusieurs articles ont été rédigé concernant la « victoire » du SITT-IWW[2] à
Montréal contre le patron du restaurant Frite
Alors!, situé sur la rue Rachel[3].
Le boss a congédié de manière brutale et sans préavis une de nos camarades parce qu'elle est l'une des personnes organisatrices du syndicat sur ce lieu de travail. Celle-ci
a été réengagée la journée où elle fut congédiée. À ce sujet, les articles
de journaux sont très intéressants, mais abordent plutôt l'enjeu à
travers une perspective générale et historique. L'objet de ce billet est différent
et vise à décrire, interpréter et partager mes réflexions ex post - bien entendu en lien avec notre séminaire et toujours selon
ma propre perspective[4] - à
propos de la mobilisation qui a permis la réembauche de notre camarade.
Tout d'abord, le 31 août, le SITT-IWW lance un appel
à la mobilisation pour exiger la réembauche immédiate de notre camarade, qui a
été congédiée lors de cette même journée. Dans mon cas, c'était la première
occasion de m'impliquer directement avec les wobs[5] et
de me familiariser avec leurs façons de faire. Par conséquent, j'ai répondu à
l'appel et je me suis déplacé au lieu de rencontre vers 13h.
Par ailleurs, quelques minutes après mon arrivée, la
camarade qui a été congédiée s'est présentée à nous et elle nous a expliqué
rapidement le déroulement ainsi que l'objectif de la mobilisation. À cet
instant, j'ai saisi à quel point l'empowerment
est un élément central dans la vision de la solidarité du SITT-IWW: il
s'agissait évidemment d'accompagner et d'aider notre camarade à se faire
réembaucher, mais surtout de respecter les modalités qu'elle a mises de l'avant
quant au déroulement la mobilisation. Par la suite, nous nous sommes dirigé-e-s
vers le Frite Alors! et nous avons
occuper le lieu de travail. Lors de l'occupation, il y a eu plusieurs prises de
paroles et discours se sont succédé en appui à notre camarade et aux
travailleurs et travailleuses du restaurant.
Dans cette optique, environ une heure plus tard, le
patron est rentré par la porte arrière du restaurant, sans adresser la parole à
personne et il s'est déplacé rapidement vers le comptoir avant. Après un
échange de quelques mots avec un-e employé-e, le patron est disparu, aussi vite
qu'il est arrivé, et nous attendions de ses nouvelles concernant la
réintégration de notre camarade. Une autre heure s'écoule et puis, aux
alentours de 15h, nous apprenons par l'intermédiaire d'une employée que le boss
accepte de réembaucher notre camarade.
Cependant... est-ce qu'on peut parler d'une victoire
totale? Pourquoi le patron ne s'est-il pas adressé directement à l'employée
congédiée pour lui faire part de sa réembauche? Ma réponse: parce qu'il n'avait
aucun intérêt à le faire. Le patron a eu peur de nous, il a pris un coup de gueule pour reprendre
l'expression du blogue. Il était conscient que le congédiement injustifié de
notre camarade était un acte antisyndical. Comme le souligne la citation en
début d'article: le patron ne voulait certainement pas endosser la
responsabilité morale de cet acte antisyndical dont il est l'auteur, notamment
devant un regroupement de travailleurs et travailleuses solidaire, qui n'a pas
attendu de gagner sa confiance pour s'organiser et lutter.
Suite à notre mobilisation, un wob a proposé que
nous nous cotisions - volontairement - pour remettre une certaine somme d'argent
aux travailleurs et aux travailleuses du restaurant, car il n'y a pas eu de
client-e-s pendant toute la durée de l'occupation. Cette proposition m'a amené
à me poser les questions suivantes: si le patron n'a pas les mêmes intérêts que
nous, alors à quoi devons-nous nous attendre de lui? Que faut-il faire
pour que le boss s'intéresse réellement aux conditions de travail de ses
employé-e-s? Les négociations étaient censées se dérouler lors de la semaine du 8 septembre, mais elles ont été repoussées par le patronat au 27 septembre. Cela reste donc à suivre, mais il faudrait rappeler au patron que c'est lui qui est responsable de l'état d'emploi précaire dans lequel se
retrouvent les employé-e-s de son restaurant. Je me suis dit que tout cela est probablement
trop difficile à admettre lorsqu'on n'est pas de la même classe sociale. Enfin, voilà pour ce qui est de ma prise de
conscience et de l'importance de se regrouper collectivement. Il semblerait que dans
ce cas et dans plusieurs autres, les patrons d'aujourd'hui ne sont pas plus responsables que ceux d'hier ou que ceux de
demain.
Et vous, est-ce que vous avez déjà fait confiance à votre patron?
Anthony Desbiens
Anthony Desbiens
[1] Engels, Friedrich. 1845. La situation de la classe laborieuse en
Angleterre, Coll. Classique des sciences sociales, UQAC, pp. 32-33.
[2] Je suis membre de la branche
montréalaise du Syndicat Industriel des Travailleuses et Travailleurs depuis un
peu plus d'un mois (Industriel Workers of
the World en anglais). De plus, je tiens également à souligner que je ne suis pas un employé du restaurant Frites Alors!.
[3] Il y a plusieurs articles sur le
sujet, des médias comme La Presse, Montreal Gazette et Ricochet ont dédié un
article à ce conflit de travail. À titre d'exemple, vous pouvez lire celui de La Presse
à l'adresse suivante: http://affaires.lapresse.ca/economie/quebec/201609/01/01-5016122-congediement-manifestation-et-reembauche-chez-frite-alors.php.
De même, pour connaître exactement les revendications du SITT-IWW, je vous
invite à consulter cet article qui date du 27 août 2016 https://sitt.wordpress.com/2016/08/27/les-employe-es-du-frite-alors-rachel-se-syndiquent-avec-les-iww/
[4]
Cet article est ma propre
initiative et non celle de notre syndicat. Ceci est donc ma propre
interprétation et je ne veux en aucun cas mettre des mots dans la bouche du
syndicat et/ou des camarades.
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