mercredi 14 septembre 2016

Bayer achète Monsanto : quand le fabricant d’aspirine donne des maux de tête


                66 milliards de dollars. Telle est la valeur estimée de la transaction qui verra le géant de la biotechnologie agricole se fondre au champion mondial des pesticides. Un bouleversement dans le mode de l’agroalimentaire qui laisse un gout amer. Cette transaction n’est pas vraiment surprenante, par contre : elle suit une tendance dans le marché. Comme vu sur le site web de la BBC, cette fusion suit celles de la Chinoise ChemChina et de la Suisse Syngenta, alors qu’aux États-Unis, la Dow Chemical et DuPont ont également unis leurs destinées.[1] Le marché mondial des semences et des pesticides est maintenant contrôlé par trois joueurs. Plus proche de nous, les deux grand de le potasse, Potash Corp de Saskatchewan et Agrium de l’Alberta, s’unissent pour former le plus grand fournisseur d’engrais au monde.

                Pratiquement toute la production agricole mondiale est maintenant sous le contrôle d’une poignée d’individus. Et pas nécessairement les plus sympathiques. Pour revenir à Monsanto et Bayer, il est légitime de se demander à quoi ressemblera les rejetons issus de l’union de ces deux monstres au passé plus que douteux.

                Monsanto est bien connue du grand public. Pour les mauvaises raisons. De très mauvaises raisons. La compagnie produit ou a produit des produits comme le PCB, le Roundup, l’agent Orange et l’aspartame. Les quatre produits sont associés à des troubles de santé assez grave tel que cancer, malformation congénitale et diabète. Dans tous les cas, Monsanto assure que ses produits sont totalement sécuritaires, même s’il a été prouvé que 1. C’était complètement faux dans certains cas et qu’on n’arrivait pas à prouver le contraire dans les autres, et que 2. Monsanto connaissait les risques et avait sciemment caché des informations compromettantes. Le quotidien français Le Monde citait le Washington Post en 2012 :

« La façon dont The Washington Post rapporte l'histoire est édifiante : "Des milliers de pages de documents de Monsanto – dont beaucoup sont estampillés 'CONFIDENTIEL : lire et détruire' – montrent que pendant des décennies, la multinationale a dissimulé ce qu'elle faisait et surtout ce qu'elle savait. En 1966, des responsables de l'entreprise avaient découvert que des poissons immergés dans ce ruisseau se retournaient sur le dos en moins de dix secondes, pissant le sang et perdant leur peau comme s'ils avaient été bouillis vivants. Ils ne l'ont dit à personne", raconte le quotidien américain. »[2]
Même chose pour l’agent Orange : la compagnie savait depuis des années que son produit était très dangereux pour la santé, mais l’a quand même vendu à l’armée Américaine pour la défoliation de la jungle durant la guerre du Viêt-Nam. Les effets se font encore sentir aujourd’hui.

                Tant qu’à parler de guerre, passons du côté de Bayer, qui durant la seconde guerre mondiale faisait partie du cartel allemand de la chimie IG Farben, fabricant du pesticide Zyklon-B, tristement célèbre pour son utilisation dans les chambres à gaz des camps de concentrations. À cette même époque, la compagnie allemande s’est livré au trafic humain en achetant des « lots » de femmes juives pour pratiquer des expérimentations dites « médicales ». C’est aussi Bayer qui a créé la gaz moutarde utilisé durant la première guerre mondiale et dont l’utilisation est à l’origine de la fameuse convention de Genève et le Tabun, un gaz neurotoxique semblable au sarin.

                La compagnie serait aussi impliquée dans le scandale de l’huile frelaté en Espagne au début des année 80 (plus de 20,000 malades et au moins 1,200 morts) et dans le scandale du sang contaminé qui a eu lieu à la même époque. Par laxisme ou par soif de profit, on a inoculé le VIH à des milliers d’hémophile à travers le monde. Ces thèses ne sont pas prouvées hors de tout doute, mais il y a anguille sous roche. Dans un registre un peu plus positif (quoi que...), noyons que Bayer est aussi la première compagnie à avoir synthétiser l’aspirine et l’héroïne. Dernièrement, sa ligne de contraceptifs oraux de quatrième génération Yaz (Yaz, Yasmin et Yasminelle) ont été jugées très dangereuses et présentait des risques accrus de thromboses.[3]

                Les deux entités seront maintenant regroupées en une seule. Si le passé est garant de l’avenir, il faudra vérifier à plusieurs reprises ce que l’on va trouver dans son assiette dans les prochaines années. Il est plutôt inquiétant de voir ce rapprochement entre la production alimentaire et la production pharmaceutique. Monsanto a créé l’aspartame. Bayer traite le diabète. Combien de rapprochement de genre pourra-t-on faire dans dix ans ?

Jocelyn Trottier



[1] BBC (7 septembre 2016), Le chimiste Bayer veut racheter Monsanto http://www.bbc.com/afrique/monde-37293636
[2] Seelow, Soren (16 février 2012), Monsanto, un demi-siècle de scandales sanitaires in  Le Monde.fr http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/02/16/monsanto-un-demi-siecle-de-scandales-sanitaires_1643081_3244.html#Gsr3ZZttDo3x7KyM.99
[3] Lejeune, Anicée (3 février 2013), Les bénéfices de Yaz et Yasmin remis en cause in Journal Métro http://journalmetro.com/plus/sante/233065/les-benefices-de-yaz-et-yasmin-remis-en-cause/

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