Dans un article paru dans le journal La
Presse, on parle d’une initiative prise en Suède qui vise à réduire les
journées de travail à 6 heures par jour. Cette mesure aurait pour effet de
réduire le nombre de journées de maladie et d’augmenter la productivité des
travailleurs. Nous le savons tous, le but d’une entreprise est d’être la plus
productive possible afin d’être le plus rentable possible. En ce sens, on
n’oserait croire qu’elle se mettrait dans une situation qui la mènerait dans une
direction opposée. Plusieurs questionnements me viennent en tête lorsque
j’entends des propositions comme celle-ci. Si le nombre d’heure est réduit,
est-ce que le salaire restera le même ? Et par rapport à la charge de
travail, est-ce que celle-ci sera diminuée en fonction des coupures de temps,
ou alors faudra-t-il condenser la charge de travail actuelle dans des journées
qui ont deux heures de moins ? L’accumulation de ces deux heures par jour
fait au total dix heures de moins par semaine. On l’a toujours dit, le temps,
c’est de l’argent et dix heures de travail dans une semaine c’est beaucoup.
C’est pourquoi il est difficile à croire qu’une entreprise soit prête à faire
disparaître dix heures de travail par semaine afin d’offrir de meilleurs
conditions à ses travailleurs, et ce, en espérant conserver le même niveau de
productivité, et même de l’améliorer. Cette initiative de la Suède peut sembler
très avant-gardiste et très avantageuse aux premier abords mais lorsqu’on
rentre plus dans les détails, on se rend compte qu’une réforme du genre
implique beaucoup plus d’enjeux qu’on ne le pense. Et si au lieu de faire
un pas en avant on faisait un pas en arrière en instaurant des mesures comme
celle-ci. Essayons de voir cette
proposition dans le contexte du Québec.
Depuis le 20e siècle, on
a établi des standards quant aux nombre d’heures que devrait faire un
travailleur par semaine. Dans l’article, on révèle qu’au Québec, la plupart des
travailleurs font 37,5 heures de travail hebdomadairement. Bien certainement,
ceux-ci on le salaire qui vient avec. Le 20e siècle marque également
l’apparition de la conception du travailleur en tant que consommateur. Ceci a
commencé avec le mouvement du célèbre Henry Ford qui, en Janvier 1914, propose
le « five dollar day » qui consiste à payer ses employés cinq dollars
par jour en plus de réduire leur nombre d’heure de travail, passant ainsi de
neuf à huit heures par jour[1]. Cette
initiative a été prise dans l’optique de garder les employés au sein de
l’entreprise mais aussi de faire en sorte que ceux-ci soient capables de
prendre place dans le marché de la consommation, et de cette manière, contribuer
eux aussi à l’économie. Cette initiative de Ford a fait son chemin et est aujourd’hui
bien implantée dans la société québécoise. En effet, les travailleurs
d’aujourd’hui consomment plus que jamais. La majorité des gens possèdent un
automobile, ont une maison ou un loyer à payer, aiment se payer des voyages,
etc. Qu’est-ce qui fait que les gens peuvent autant consommer
aujourd’hui ? Et oui, leur salaire.
Ce que la Suède propose ici va dans le même sens que ce qu’a fait Ford
il y a plus de cent ans. Mais est-ce que cela veut-dire que l’effet sera le
même ? J’en doute puisque le contexte actuel est bien différent de celui
de 1914. À cette époque, on assistait à la création du pouvoir de consommation
des travailleurs, on créait un mouvement. Aujourd’hui, ce mouvement est bien
installé, nous sommes dans la consommation par-dessus la tête, nous baignons
dedans. C’est une espèce de cercle vicieux et il est difficile de s’en sortir.
Diminuer le nombre d’heures des travailleurs ne serait-il pas nuire à ceux-ci
dans cette société de surconsommation ? Cela pourrait en effet être une
source de stress de savoir que le salaire est affecté par cette diminution d’heures
de travail, ou qu’il faut réaliser la charge de travail qu’on a l’habitude de
faire, mais en moins de temps. Je vois en effet quelques sources de stress
potentiel qui sont en liens avec des mesures comme celle-ci. Si l’on se
fie au texte de Lauren Baritz The Servants of Power, qui parle de l’intégration
de la psychologie dans les entreprises, le stress chez les travailleurs
affecterait leur niveau de productivité en le diminuant. En effet, ce sentiment d’angoisse pourrait
faire en sorte que les travailleurs ne sont pas capables de donner leur 100%
dans ce qu’ils font, en plus d’avoir moins de temps pour réaliser leurs tâches.
Cette initiative me fait aussi beaucoup penser
à celle des semaines de quatre jours. Il serait intéressant de comparer les
pours et les contres de ces deux mesures afin de voir laquelle a le plus grand
potentiel d’augmenter la productivité et de diminuer le taux de stress des
travailleurs.
Rosalie Couture-Fillion, SOL2015
Lien
vers l’article :
Massé,
I. (2016, 12 septembre). Le pour et le contre des six heures de travail par
jour. La Presse.ca. Repéré à http://affaires.lapresse.ca/cv/vie-au-travail/201609/12/01-5019553-le-pour-et-le-contre-des-six-heures-de-travail-par-jour.php
Baritz,
Loren. 1960. The servants of power. A history of the use of social science in
American industry, Wesleyan University Press, Middletown, Connecticut. Pp.
191-210.
[1] Biographie.com Editors
(2014). Henry Ford Biography [En ligne]. Repéré à http://www.biography.com/people/henry-ford-9298747
Aucun commentaire:
Publier un commentaire