mercredi 16 novembre 2016

Un animateur en camp de vacance ça mange quoi en hiver?



Bonjour à tous,
Ça m’a pris un peu de temps avant de me lancer à l’eau, simplement que je ne savais pas de quel sujet je pourrai vous parler : la précarisation des emplois, le taux de chômage chez les nouveaux arrivants ou encore du taux d’endettement chez les étudiants. On va s’entendre ce n’est pas le choix qui manque. Après réflexion, j’ai décidé de vous parler de ma réalité, le monde des camps de vacances. Oui oui le monde des camps de vacances! Un monde que je connais que trop bien, j’y travaille depuis maintenant huit ans. Huit années où j’ai pratiquement fait tous les emplois possibles : animateurs, intervenants, spécialiste en intervention, coordonnateur adjoint, coordonnateur et j’en passe; et ce, auprès d’une clientèle aussi diversifiée. Alors, après toutes ces années, je fais un double constat sur cet univers. Le premier est que les conditions de travail sont dignes des années trente. Le deuxième est que malgré ces conditions, on revient année après année et on en redemande. Je vais vous arrêter tout de suite! Vous vous dites surement que j’exagère et que de toute façon il s’agit d’un simple emploi d’été. Un emploi qui consiste à jouer dehors avec des enfants. Et bien comme le dirait ma grand-mère : « vous êtes dans les patates »! Pour vous le prouver, je vous invite le temps de cet article à rentrer donc mon univers. Pour simplifier les choses, nous allons faire état uniquement de la réalité de l’animateur en camp de vacances[1]. Je vais donc aborder la réalité quotidienne de celui-ci, de la dureté du milieu de travail, mais aussi l’aspect salarial.

Alors, ça fait quoi un animateur en camp de vacances pendant la journée? Sa joue dehors avec les enfants et ça chante des chansons à ne plus finir. Quoi d’autre? Il s’assure que les enfants mangent, prennent leurs douches et qu’ils se brossent les dents trois fois par jour. Au final, une « job » assez facile. Pourtant le rôle de l’animateur va bien plus loin qu’un simple gardien, c’est
« un médecin, un avocat, un psychologue, un comédien et un général. Il est un spécialiste de l’enfance qui n’a aucunement besoin d’une formation en pédo-psychologue. Il est un gardien sous-payé, disciplinaire mais qui a toujours la petite étincelle dans l’œil. Il est la personne qui a toutes les réponses mais qui a autant de questions que ses campeurs. Il est un arbitre, un coach, un enseignant et un conseiller. Il est l’exemple de ce qu’est un adulte tout en portant des sandales, un cotton-ouatté trop grand et une tuque en été. (…) Il est une personne réconfortante dans une tente qui coule et un ami qui a prêté sa dernière paire de bas secs. Il est un guide en forêt pendant qu’il a les deux pieds dans l’herbe à puce. (…) Il est capable de réparer les amitiés brisées, les nez cassés et les jeans troués. Il est le seul à être capable de trouver un maillot perdu, de réparer une hache d’expé et de jouer de la guitare tout en oubliant une trousse de premiers soins, son heure de repas ou le couvre-feu. [C’est] est le héros qui se lève pendant une nuit pluvieuse pour accompagner un campeur aux toilettes. (…) Il est le magicien qui trouve le remède à l’ennui, aux piqûres de moustiques et aux cœurs brisés. (…) [C’est celui qui] répare en 13 jours les 10 ans de dommage fait à la petite Julie, il transforme Kevin en un nouvel homme, il permet à Tom d’être lui-même et à Marie de se retrouver »[2].
C’est avec à peine d’exagération que cet extrait de la lettre de Yannick Blier nous montre l’ampleur de la tache accomplie. En d’autres mots, le rôle de l’animateur est de mettre les enfants à l’avant plan et de les aider à s’épanouir, et ce, en développent par exemple leur estime de soi ou encore en les conscientisent sur les enjeux environnementaux. C’est ce qu’en a conclu une étude de l’Université Waterloo sur l’expérience en camp de vacances[3]. Bien que l’étude n’en fasse pas mention, le travail d’animateur permet aussi de grandir et de se découvrir.
Bon une bonne chose de faite, vous avez réalisé que la réalité quotidienne de l’animateur n’est pas aussi simple qu’il peut y paraitre, mais quand est-il de son milieu de travail? Celui-ci se résume au camp. Un endroit assez particulier quand on y pense, pour les trois mois que dure de l’été il devient une véritable deuxième maison pour l’animateur. Il va y dormir, manger et bien sûr y travailler. Le camp est habituellement situé en plein milieu du bois, alors on oublie la sangria du vendredi soir sur la terrasse avec les amis. Vous devez vous dire que c’est un bien pour un mal de passer l’été dans le bois avec les mouches noires et les étoiles. Que de toute façon l’animateur n’est pas plaindre, il est logé-nourri, il n’a pas besoin de jouer dans le trafic le matin, ni de réfléchir comment s’habiller ou à penser faire les repas et encore moins la vaisselle. Que de toute façon le soir une fois les jeunes couchers il doit siroter sa bière autour du feu avec les autres. Je vais dégonfler votre « baloon » assez vite, la vie de camp n’est pas si rose que ça. Bien que chaque camp a ses propres règles, l’alcool, la drogue et le sexe sont habituellement défendus et passibles de renvoi. Pourquoi? Pour une question d’éthique, l’animateur se doit d’être un modèle en tout temps. Il ne l’est plus quand la petite Mégane trouve des animateurs en pleine action pendant sa partie de cache-cache. Bon, OK, OK, je ne peux pas dire qu’il n’y a pas de party, mais ceux-ci se font habituellement à la fin de séjours et à l’extérieur du camp. Pour la nourriture, chaque camp est véritablement différent : du bar à salade au junk food. Quand ce n’est pas la qualité[4] qui pose problème, c’est la quantité. Il n’est pas rare que l’animateur se couche avec l’impression d’avoir le ventre vide, parce qu’il a laissé la dernière portion de lasagne au petit Jonathan. Vous devez vous dire qu’il a juste à faire des réserves ou d’aller faire un tour à l’épicerie. L’animateur n’a souvent pas accès à un frigo et encore moins à la cuisine, disons que ça restreint des beaucoup les possibilités alimentaires. Pour l’épicerie, vous avez oublié que le camp est en plein milieu du bois et que la plus proche est à 45 minutes en autos. De toute façon, l’animateur n’a souvent pas le temps de se rendre, parce qu’il finit à 21 h et que l’épicerie ferme à 21 h 30. Malgré les heures de travail à ne plus finir et les estomacs affamés, vivre au camp n’est souvent pas gratuit. Il y a le plus souvent il y a des frais de pension qui servent à couvrir l’hébergement et la nourriture. Bien que modiques, ceux-ci se sont élevés à 200 $ à ma dernière saison. Ce qui représente beaucoup pour un animateur qui gagne 70 $ par jour. L’animateur n’a pas moyens dans réchappé, de choisir de dormir dans sa tente à la place d’un lit dur comme de la roche, ils sont obligatoires.
Parlons maintenant argent, être animateur n’est pas un emploi que nous pouvons qualifier de payant, en fait c’est tout le contraire. Une journée normale de travail tourne près de quinze heures avec les enfants[5], à cela s’ajoute le temps de réunion et de préparation des activités avenir. Ce qui totalise des petites journées de seize ou dix-huit heures. Le salaire lui n’est pas plus reluisant, en moyenne un animateur gagne entre 65 et 85 $ par jour. Vous devez vous dire que les pauses et les congés sont nombreux, et ce, question de ne pas être brulé après une semaine. Eh bien non, les pauses tournent autour d’une heure par jour et elle rime plus avec planification que dodo. Les congés se résument à se retrouver 5 dans une voiture surchargée pour un « 42 heures », et ce, après, douze jours de travail. Mais bon l’animateur est en plein milieu du bois, alors il doit facilement pouvoir économiser. La majorité de la paye de celui-ci passe dans la nourriture qu’il achète pendant son congé, question de pouvoir survivre au prochain séjour. Une autre partie passe pour le matériel pour les activités et dans les gugusses pour les enfants. Et non ce n’est pas rembourser par l’employeur, par manque de budget[6] ou juger non essentiel. Toutefois, l’employeur encourage l’animateur à monter et préparer ses activités avec son matériel. Ce qui donne droit à un double standard qui en dit long sur la réalité de l’animateur.
Maintenant, récapitulons : de longues heures de travail, un salaire non représentatif, et des conditions de travail qui ne sont pas toujours faciles. Alors pourquoi l’animateur ne se syndique-t-il pas? Par ce que l’animateur est le plus souvent étudiant et donc il travaille au camp seulement pendant la saison estivale, il méconnait la chose et au final il n’en voie pas l’intérêt. Une autre raison est que le travail d’animateur fait partie de la grande famille du « care ». Il en ressort une relation particulière entre l’animateur, le client et l’employeur. Ce qui ramène l’animateur au camp, et ce, été après été. Je ne vais pas aller plus loin dans cet article, quitte à vous laisser sur votre faim. Pour quoi? Simplement que je vais faire mon travail de session sur cette thématique et que je veux vous laisser de quoi lire pour la prochaine fois. Bien que je finisse de façon abrupte, je tiens à souligner que malgré tout, le travail d’animateur est le plus beau travail au monde. Vous savez, ce travail permet de faire une véritable différence dans la vie des enfants et c’est leur sourire qui fait la paye de l’animateur.

Bibliographie

BLIER, Yannick. «Qu’est-ce qu’un moniteur de camp de vacance». 2p
GLOVER, Troy; Chapeskie, Amy; Mock, Steven et Mannel, Roger. «The Canadian Summer ». 2011, 20p. URL: http://www.ahs.uwaterloo.ca/~tdglover/PDF%20Files/CSCRP%202011.pdf




[1] Il est important de distinguer la différence entre le camp de jour et le camp de vacances. Bien que les impératifs de l’un et de l’autre soient semblables, la temporalité du camp de jour permet de nombreux avantages : dormir dans un lit confortable ou encore d’avoir ses fins de semaine.
[2] BLIER, Yannick. «Qu’est-ce qu’un moniteur de camp de vacance».
[3] GLOVER, Troy. 2011. «The Canadian Summer ».
[4] Je ne suis pas quelqu’un de difficile, mais quand je ne sais pas si je mange du poisson ou du poulet, c’est qu’il y a un problème. Au final c’était du porc.
[5] De 7 h le matin à 22 h le soir.
[6] La grande majorité des camps sont des organismes sans but lucratif (OSBL)

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