lundi 28 novembre 2016

La culture du bien-être

La vie rapporte plus : de la production à la préservation de la vitalité
Cette question du contrôle par la vie, qui a entre autres été soulevé par Foucault et son concept de biopolitique, illustre à quel point le capitalisme moderne s’est insidieusement lié à vie humaine. Cette vie profitable et plus précieuse que la dignité même s’est promeut au rang de valeur suprême. La vie en est même venue paradoxalement à surpasser la liberté. Les individus sont en quelque sorte dépossédés de leur vie. Elle n’a pas de prix sur le « stock market » en tant qu’entité, mais elle est parcellisée dans les innombrables manières de la produire et la protéger. Foucault nous dit qu’au Moyen-Âge le contrôle était effectué par la peur et la mort, par la torture et les exécutions sur la place publique. Aujourd’hui, c’est par les prisons, les hôpitaux, les psychologues, les coachs de vie, les patrons, les collègues, nous-mêmes, etc. que ce contrôle et cet autocontrôle se manifestent. Rien n’est plus précieux que la vie et questionner ce postulat pose l’individu au rang de déviant social. Les corps réifiés des travailleurs s’imposent comme matière première des entreprises et ces dernières mettent toutes les dispositions possibles en place afin de bien transformer en produit vendable et consommable leur ressource.
Comme le démontre cette bande dessinée caricaturale, les travailleurs-euses-mères-pères-consommateur-trices, se voit confronté-es à un monde de plus en plus axé sur la productivité et ce sont leurs corps tout entier qui sont en quelque sorte broyés sous le poids des impératifs de la « nouvelle combinatoire productive ». La flexibilisation du marché du travail vient d’une certaine manière coloniser toutes les sphères où la vie est présente et les individus se retrouvent malgré eux à préserver la vie de toutes les manières possible (aller au gym, manger sans gluten/gras/sucre/goût, devenir végétarien/végétalien/crudivore/frugivore, etc.). La vie est une ressource essentielle aux entreprises et quoi de mieux qu’une ressource qui se renouvelle par elle-même?
            C’est ce que soulève Carl Cederström et André Spicer dans leur ouvrage Le syndrome du bien-être, en effet pour ces derniers, la « quête du plaisir et du bien-être est devenue un impératif moral »[1]. Selon eux, « [p]our s’épanouir dans notre monde hyperconnecté et fondé sur les apparences, l’individu des temps modernes doit gérer sa vie comme une véritable petite entreprise en se montrant stratégique dans ses choix, en élaborant son propre plan de carrière et en assumant la pleine responsabilité de ses décisions »[2]. En effet, comme on l’a mentionné plus haut, c’est une flexibilisation et une colonisation des impératifs économiques et entrepreneuriaux sur la vie des gens. Pour Habermas, c’est à travers les processus de rationalisation instrumentale et communicationnelle que cette colonisation se comprend; le système colonise de plus en plus le monde vécu. La sphère privée et l’espace public dans lesquels l’individu pouvait s’exprimer librement s’effritent et laissent présager un monde où les systèmes économique et administratif dominent[3].

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