La vie rapporte
plus : de la production à la préservation de la vitalité
Cette
question du contrôle par la vie, qui a entre autres été soulevé par Foucault et
son concept de biopolitique, illustre
à quel point le capitalisme moderne s’est insidieusement lié à vie humaine. Cette
vie profitable et plus précieuse que la dignité même s’est promeut au rang de
valeur suprême. La vie en est même venue paradoxalement à surpasser la liberté.
Les individus sont en quelque sorte dépossédés de leur vie. Elle n’a pas de
prix sur le « stock market » en tant qu’entité, mais elle est
parcellisée dans les innombrables manières de la produire et la protéger.
Foucault nous dit qu’au Moyen-Âge le contrôle était effectué par la peur et la
mort, par la torture et les exécutions sur la place publique. Aujourd’hui,
c’est par les prisons, les hôpitaux, les psychologues, les coachs de vie, les
patrons, les collègues, nous-mêmes, etc. que ce contrôle et cet autocontrôle se
manifestent. Rien n’est plus précieux que la vie et questionner ce postulat
pose l’individu au rang de déviant social. Les corps réifiés des travailleurs
s’imposent comme matière première des entreprises et ces dernières mettent
toutes les dispositions possibles en place afin de bien transformer en produit
vendable et consommable leur ressource.
Comme
le démontre cette bande dessinée caricaturale, les travailleurs-euses-mères-pères-consommateur-trices,
se voit confronté-es à un monde de plus en plus axé sur la productivité et ce
sont leurs corps tout entier qui sont en quelque sorte broyés sous le poids des
impératifs de la « nouvelle combinatoire productive ». La
flexibilisation du marché du travail vient d’une certaine manière coloniser
toutes les sphères où la vie est présente et les individus se retrouvent malgré
eux à préserver la vie de toutes les manières possible (aller au gym, manger
sans gluten/gras/sucre/goût, devenir végétarien/végétalien/crudivore/frugivore,
etc.). La vie est une ressource essentielle aux entreprises et quoi de mieux
qu’une ressource qui se renouvelle par elle-même?
C’est ce que soulève Carl Cederström
et André Spicer dans leur ouvrage Le
syndrome du bien-être, en effet pour ces derniers, la « quête du
plaisir et du bien-être est devenue un impératif moral »[1].
Selon eux, « [p]our s’épanouir dans notre monde hyperconnecté et fondé sur
les apparences, l’individu des temps modernes doit gérer sa vie comme une
véritable petite entreprise en se montrant stratégique dans ses choix, en
élaborant son propre plan de carrière et en assumant la pleine responsabilité
de ses décisions »[2].
En effet, comme on l’a mentionné plus haut, c’est une flexibilisation et une
colonisation des impératifs économiques et entrepreneuriaux sur la vie des
gens. Pour Habermas, c’est à travers les processus de rationalisation
instrumentale et communicationnelle que cette colonisation se comprend; le
système colonise de plus en plus le monde vécu. La sphère privée et l’espace
public dans lesquels l’individu pouvait s’exprimer librement s’effritent et
laissent présager un monde où les systèmes économique et administratif dominent[3].
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