Les oubliés – se
revendiquent, fortement
“Some city-council people are really awesome,
but most are uninspired. I meet with them as little as possible.”
Travis Kalanick - Uber / CEO & co-founder
Le 28 octobre 2016 marque une victoire sans précédent dans la lutte des
travailleurs atypiques contractés avec les entreprises de la « gig-Economy ».
Le tribunal d’emploi à Londres a condamné l’entreprise Uber d’avoir octroyé le
statut d’employés à ses « chauffeurs – partenaires ».
Le procès a été
initié par deux chauffeurs londoniens avec le soutien du GMB[1]
(General union of workers in Britain). Le GMB a voulu achever un gain stratégique
qui pourra consolider ses efforts pour syndiquer des travailleurs contractés par
la compagnie. L’origine de cette initiative remonte à 2015 où le GMB a trouvé qu’un
de ses membres qui travaillait, à temps plein, comme chauffeur d’Uber touchait £5.03
par heure, ce qui est explicitement au-dessous du salaire minimum.
Un des plaignants, M. James Farrar[2],
réclame que ce verdict a mis fin au cauchemar des chauffeurs-es d’Uber à
Londres qui étaient obligés-es de travailler entre 80 et 100 heures par semaine
pour obtenir le montant nécessaire pour mener une vie « décente ». Ceci
était leur seul moyen d’adaptation aux tactiques de majorations des tarifs et l’augmentation
du nombre des chauffeurs actifs à travers la plateforme.
Ainsi, une lecture approfondie du contenu du verdict pourra nous informer davantage
sur les condamnations portées par le tribunal et leurs impacts, à court terme,
sur le mode d’opération d’Uber à Londres et leurs utilisations stratégiques
dans la lutte contemporaine des travailleurs.
Dans ce qui suit, on présente le verdict tout en soulignant les gains majeurs
achevés :
1.
Le juge a rejeté les réclamations qui identifient
Uber en tant qu’une entreprise de développement des logiciels informatiques et
non une entreprise de transportations. Il s’est référé à la déclaration faite
par Travis Kalanick (Février, 2, 2016), CEO d’Uber, qui a mentionné que « Uber
began its life as a black car services…. Today we are a transportation network
spanning 400 cities… ». Le verdict reconnait Uber en tant qu’un phénomène
économique moderne et qu’une entreprise qui fournit des services de transports à
travers une plateforme électronique (para 89). C’est la deuxième défaite d’Uber,
à ce niveau, après le verdict de la cour du Californie en été dernier[3].
2.
Pour éviter le dilemme administratif et légal régissant
du fait qu’Uber s’opère à travers des compagnies affiliées, le juge a déclaré que
le verdict désigne Uber comme le « brand » ou l’organisation qui
englobe toutes les compagnies affiliées. Ce labyrinthe administratif est
adressé par le juge qui conclut qu’Uber utilise une « armée
d’avocats » pour produire des documents qui défendent leurs intérêts et
dénaturent les obligations et droits d’autres parties (para 96). Dans ce contexte, le verdict analyse l’architecture
administrative d’Uber et ses entreprises affiliées et affirme que la relation
contractuelle, entre Uber et ses chauffeurs, est sous le mandat des lois
d’Angleterre et pays de Wales (para 105). Cela protège les parties les plus
vulnérables (les travailleurs dans ce cas) en face d’un potentiel
« conflit de lois » qui peut affaiblir leur capacité à défendre leur
intérêts (para 102 – 120) tout en préservant les mandats des législations
locales qui définissent les conditions de travail des travailleurs, le salaire
minimum et les heures supplémentaires.
3.
Le verdict a détaillé le mécanisme d’opération du
modèle d’Uber tout en soulignant des observations clés au niveau de
l’engagement limité des chauffeurs dans l’identification des clients, le choix
du trajet, le mode de paiement et les tarifs, le système de notation des
chauffeurs, l’interdiction du pourboire, le service à la clientèle et la
gestion des griefs. Cette présentation révèle l’intervention minimale des
chauffeurs dans la totalité du processus (paras 15 – 27).
4.
La relation de « partenariat » entre
Uber et ses chauffeurs est questionnée par le juge, qui affirme, après avoir
présenté une analyse critique des paras qui définissent la relation contractuelle,
qu’une fois les chauffeurs-es sont branché-e sur l’application et capables de
fournir leurs services, ils ont le statut de « travailleur » d’Uber. Le
juge conclue que les chauffeurs –es ont un minimum de contrôle sur les
relations contractuelles et ne peuvent jamais se substituer au cours de leur
services. En plus, des preuves des formalités de recrutements étaient
identifiées par le juge qui a démontré que les chauffeurs sont contractés après
avoir passé une entrevue de travail qui inclut un mécanisme d’évaluation, nomination
et une formation de base (paras 40- 43, 86, 92,93). Les relations entre Uber et
ses chauffeurs – es sont classifiés en tant que relation de travail dépendant,
le verdict affirme qu’aucune relation entre deux businesses indépendants n’est
établie (para 94).
5.
Le juge a explicitement exprimé son scepticisme
envers la compagnie et ses réclamations basées sur les changements « choquants »
des terminologies et la classification adoptés par la compagnie, en octobre 2015,
qui re-classifient les chauffeurs en tant que « clients » d’Uber qui achètent
les services d’information de géolocalisation des passagers. En plus, l’identification
des chauffeurs-es en tant qu’une entreprise indépendante qui achète les
services d’Uber a été identifiée comme une revendication
« ridicule ». Des expressions telles que « documentation to
fiction » et « twisted language » et « bran new
terminologie » étaient utilisées pour décrire l’approche d’Uber (paras 85
– 87).
6.
Uber est accusée de faire une affirmation « non
réelle » lorsqu’elle se présente comme un « mosaic of 30k small
businesses », cela est considéré par la cour comme « ridicule ».
De plus, le juge trouve que les instructions fournies par Uber pour démontrer
qu’une relation contractuelle entre les chauffeurs et leurs passagers est une
« pure fiction » qui ne reflète guère la réalité des opérations (paras 90,91).
7.
Les horaires du travail des chauffeurs ont été
précisés comme équivalent à la période de temps branché sur l’application et
disponible pour répondre aux demandes. La rémunération des chauffeurs a été classifiée
sous le mandat du règlement national du salaire minimum. Le verdict affirme,
plus précisément, que la rémunération des chauffeurs d’Uber diffère de celle du
travail par production « output work » ou temps du travail
« time work » (para 125 – 128).
Le texte du verdict s’étale sur 40 pages surchargées d’un lexique légal et
technique mais qui représente un point de repère pour de nouvelles
revendications remises par les travailleurs du « gig economy » dites
les « Cybertariat » (Huws, 2014).
Dans ce contexte, ce gain juridique et syndical, se corrélâtes avec d’autres demandes de lutte
et de plaintes juridiques en France, en Allemagne, aux Etats Unis et au Royaume
Unis où le gouvernement a lancé des investigations détaillées[4]
sur les opérations des entreprises du « gig economy » et où des centaines
d’employées déguisés sous la classification de « travailleurs autonomes »
se préparent à lancer des plaintes contre Uber et d’autres entreprises[5].
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