lundi 7 novembre 2016

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L’expression « gig – économie » est utilisée pour qualifier  les transactions commerciales opérées à travers des plateformes digitales comme Uber, AirBnB, TaskRabit, Mechanical Turk ...etc. Le terme « gig » est fréquemment utilisé, en tant qu’adjectif qualitatif, afin de classifier les actions ainsi que les individus impliqués dans des relations contractuelles à travers ces plateformes et les tâches qu’ils accomplissent. Ainsi, des expressions telles que « gig works », « gig jobs» et même « gig workers » sont de plus en plus employés dans le jargon lexical adopté par des chercheurs, des journalistes et même des activistes.
Dans ce qui suit, je discuterai  des connotations, intentionnelles ou non,  attribuées au mot « gig » à travers ses utilisations dans le domaine économique et notamment en tant qu’une terminologie adoptée pour décrire les relations précaires du travail qui sont en perpétuel accroissement.
Le terme « gig »  était utilisé pour  désigner, à l’origine, un type de charrette légère à deux roues, tirée par un cheval, utilisée pour se déplacer à  grande vitesse. Plus tard, le mot est employé dans le domaine des performances musicales pour décrire un engagement direct, à temps limité,  d’un artiste ou d’une bande.  Alors, afin de mieux comprendre les connotations possibles de l’utilisation de ce mot parmi le jargon socioéconomique, on a recours au concept de « signe linguistique[1] », élaboré par Ferdinand Saussure (1916),   qui attribue aux mots utilisés dans le langage une identité composée d’un signifiant (l’empreinte sonore du mot qui constitue sa composition matérielle, charrette pour le terme qu’on aborde) et d’un signifié (la notion ou le concept qui constitue le sens attribué au mot utilisé. Ce sens peut avoir plusieurs connotations, ex : léger, rapide, instable et  temporaire).
Une investigation sur la sémiotique des mots composés tels que « gig-economy » ou « gig work » nous aide à mieux comprendre le sens complexe de ces mots  et leurs « signes linguistiques »  à travers deux questions essentielles[2] :
·         Qu’est-ce qu’on combine ?  - Dans le cas de « gig-work », une combinaison directe est faite entre le mot « gig » et le mot « work ».
·         Qu’est-ce qu’on construit ? – On pourrait assumer qu’une relation de description et de qualification résulte de la combinaison entre les mots « work » qui désigne l’action effectuée et le mot « gig », l’adjectif qualitatif, qui décrit les caractéristiques de cette action. 
Cela nous pousse à assumer que le jargon lexical utilisé pour désigner les transformations contemporaines du travail porte une connotation négative du travail. Cette terminologie émergente redéfinit le « signe linguistique » du travail et des travailleurs tout en les identifiant par rapport aux qualités de la rapidité, la légèreté, l’instabilité et la temporalité. De plus, cette terminologie entre en tension direct avec les termes utilisés, actuellement, pour désigner les formes du travail qui posent une précarisation des conditions d’opération. Les termes comme  atypique, informelle, autonome, temporaire qualifient des formes de travail contradictoires  aux normes.   C’est cette forme de réfutation, au niveau lexical,  de la normalisation de précarisation du travail qu’on risque de perdre à travers  la terminologie adoptée par  le courant de pensée dominant les recherches sur les nouvelles formes du travail dites « gig économie ».     Cependant, les entreprises engagées dans le gig economy et les investissements ciblant ses entreprises échappent à cette nouvelle terminologie. On ne trouve jamais une expression pour désigner la volatilité des entreprises, telles qu’Uber ou AirBnb, qui enregistrent une croissance exponentielle dans leurs opérations et leurs valeurs marchande dans moins d’une décennie. Dans ce contexte, on se demande, si on est en face de la nouvelle bulle capitaliste qui pourrait éclater, telle que la bulle des immobiliers, après avoir transformé le concept du travail.      



[1]Simon Fraser university, Introduction à la linguistique, http://www.sfu.ca/fren270/semiologie/page2_5.html#start
[2] Otero P. Gamallo, 1998, Construction conceptuelle d’expressions complexes : traitement de la combinaison "nom-adjectif", Thèse de Doctorat, Université Blaise Pascal Clermont 2, http://gramatica.usc.es/~gamallo/artigos-web/these.pdf  

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