dimanche 6 novembre 2016

Itélé en grève depuis trois semaines, l’avenir de la chaîne remis en question


Les salariés de la chaîne du groupe Canal+, réclament, outre le départ de l'animateur Jean-Marc Morandini, une charte éthique, un projet précis et des moyens accrus.



Les salariés d’Itélé, chaîne d’informations en continue française, sont en grève depuis la mi-octobre et ont voté le 2 novembre poursuite de cette dernière à plus de 78%[1]. Cette grève est d’une ampleur inédite pour le secteur de l’audiovisuel français[2].

Cette grève ne concerne pas une bataille pour améliorer des conditions de travail ou pour protester l’arrêt d’une activité. Non, elle est plus éthique que cela : il s’agit de protester contre l’arriver d’un animateur vedette, Jean-Marc Morandini, mis en examen pour corruption de mineur ![3] Dès l’annonce de l’arrivée de l’animateur, proche du propriétaire de la chaîne, les salariés ont voté une motion de défiance ; c’était le 11 octobre dernier[4]. Deux jours plus tard, la Société des journalistes d’i-Télé, par le biais d’une tribune demande à l’animateur de ne pas rejoindre la chaine, chose qu’il refuse invoquant le principe de présomption d’innocence[5]. C’est à l’occasion de la première émission présentée par Morandini que la grève débute entrainant dans son sillage le départ de plusieurs journalistes : Alexandre Ifi, directeur adjoint de la rédaction, Olivier Ravanello ou encore Amandine Bégot[6]. Des rencontres entre les salariés et la direction ont lieu mais le climat n’est pas optimal. L’émission en question est suspendue provisoirement en attendant la fin de la grève mais la direction ne cède rien aux grévistes[7].

Ce mouvement social tombe au plus mal car nous sommes en pleine campagne présidentielle en France et se déroule actuellement les  débats des primaires. I-Télé étant une chaine d’information en continue, elle diffuse ces dits débats. Dans ce contexte, les salariés avaient promis de s’engager à assurer les émissions avant et après le débat ; elles ont été annulées par la direction[8]. En effet, la chaîne ne diffuse depuis le début de la grève que des rediffusions.

Toutefois, le mal semble être plus profond et l’arrivée de Morandini, un simple prétexte, légitime, pour manifester. De fait en juin 2016, les salariés se sont mis en grève pour protester contre l’arriver de Serge Nedjar, autre proche du propriétaire, connu pour ses pratiques discutables en termes de management[9]. Pour cause, dès son arrivée, 53 contrats à durée déterminées ne sont pas renouvelés soit près d’un quart de l’effectif total[10]. Une motion de défiance a alors été votée conduisant à une grève de quatre jours[11]. Dès septembre, le directeur de la rédaction part sans être remplacé, les réductions budgétaires sont imposées signifiant moins de moyens pour les journalistes pour couvrir les sujets lointains mais néanmoins importants. Vincent Bolloré, propriétaire de la chaine mais également du groupe Vivendi regroupant plusieurs autres grands média, souhaite réunir ces derniers pour être l’accent sur les thèmes sport, divertissement, cinéma et international, qui sont les plus rentables[12]. Cette stratégie n’est pas s’en rappelée celle mise en place au Journal de Montréal il y a quelques années déjà ! En effet, les salariés d’i-Télé craignent pour leur indépendance avec l’arrivée de contenus plurirédactionnels[13]. Là encore, la situation n’est pas s’en rappeler celle du Journal de Montréal.

Pour résumer, les revendications des salariés de la chaîne sont simple : le départ de Morandini, la nomination d’un directeur de la rédaction différent du directeur de la chaîne afin d’éviter toute collusion et enfin la signature d’une charte éthique[14].

Nonobstant, la situation s’enlise car aucune des deux parties ne cède du terrain, il s’agit d’une véritable épreuve de force ![15] Chacun étant concentré sur sa bataille, la chaine ne fait que diffuser des retransmissions, c’est donc le téléspectateur qui en pâtit, délaissant peu à peu ce média : l’audience a chuté de 0.5% des parts de marchés depuis le début du conflit[16]. Ainsi, c’est l’avenir d’i-Télé qui est engagé puisque selon Patrick Eveno, historien des média, ce sont « deux projets éditoriaux qui s'affrontent et sont incompatibles. Soit c'est l'actionnaire qui gagne en faisant partir le plus de journalistes possible, soit ce sont les journalistes qui l'emportent, ce qui suppose que Bolloré accepte de dire +Je me suis trompé+, ce qui ne semble pas coller avec le personnage »[17].

Seul l’avenir pour dira si i-Télé se relèvera de cette bataille …


[1] Alexandre. Piquard. « La situation reste inflammable entre la direction et la rédaction d’i-Télé », Le Monde, 2 novembre 2016, maj le 3 novembre 2016, en ligne : [http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2016/11/02/les-salaries-reconduisent-la-greve-a-i-tele_5024171_3236.html], consulté le 6 novembre 2016.
[2] Anne-Aël. Durand. « Trois semaines de grève à i-Télé : comment en est-on arrivé là ? », Le Monde, 4 novembre 2016, maj le 5 novembre 2016, en ligne : [http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/11/04/trois-semaines-de-greve-a-i-tele-comment-en-est-on-arrive-la_5025721_4355770.html], consulté le 6 novembre 2016.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9] Ibid.
[10] Ibid.
[11] Ibid.
[12] Ibid.
[13] Ibid.
[14] Ibid.
[15] Alexis. Delcambre. « Pourquoi la crise s’enlise à i-Télé », Le Monde, 24 octobre 2016, maj le 25 octobre 2016, en ligne : [http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2016/10/24/pourquoi-la-crise-s-enlise-a-i-tele_5019515_3236.html], consulté le 6 novembre 2016.
[16] Ibid.
[17] L’Indépendant. « C’est l’impasse pour iTele, enlisée dans la grève … C’est l’avenir de la chaîne d’info qui est en question », L’indépendant, 5 novembre 2016, maj le 6 novembre 2016, en ligne : [http://www.lindependant.fr/2016/11/05/c-est-l-impasse-pour-itele-enlisee-dans-la-greve-c-est-l-avenir-de-la-chaine-d-info-qui-est-en-question,2275139.php], consulté le 6 novembre 2016.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire