En
ce début de semaine la nouvelle fait la une de tous les journaux : un accord a
été atteint quant à la forme finale du Partenariat transpacifique (PTP),
âprement négocié depuis plus de cinq ans entre douze pays pour la plupart
situés en Amérique du Nord et dans le Sud-Est asiatique. La longue durée du processus s’explique par
la profondeur des retombées économiques attendues, car par ce traité 40% de
l’économie mondiale se voit soumise à un régime de libre-échange, source de
reconfiguration des intérêts nationaux. Les
figures de proue du néolibéralisme se réjouissent sans surprise d’une telle
expansion de la logique de marché, à commencer par le FMI et les nombreux
représentants[1]
des ministères de l’économie ayant participé aux discussions marquées par un
manque de transparence. Les
réjouissances du monde des affaires ont été rapidement tempérées par de vertes
critiques aux inquiétudes fort variées, résultat de l’étendue des domaines
réformés. Alors que la blogosphère
américaine s’enflamme[2]
à l’idée d’une réduction des libertés digitales par une surveillance accrue des
activités des adresses IP, le Québec s’est
vu pris d’une polémique entourant l’industrie protégée qu’est l’agriculture[3],
plus précisément la production laitière.
Au
sein d’un argumentaire dominant faisant valoir les gains importants des
consommateurs par une hausse de leur pouvoir d’achat, le cas de figure de
l’agriculteur québécois apporte une dimension microsociale au débat et évoque
l’image d’un vécu réel, bousculé par les réformes globales en cours. Le Devoir a fait paraître à cet effet un
entretien avec un agriculteur laitier de longue date, Christian Castonguay,
pour qui le TPP représente le saccage de ses espoirs de retraite. À ses yeux, les indemnisations proposées afin
de pallier à l’entrée des producteurs étrangers sur le marché québécois (pour
une proportion de 3,25%) sont nettement insuffisantes pour éponger les pertes à
venir, estimées dans son cas à 13 000 $ par année. C’est là une baisse dramatique puisque ses
revenus sont acquis à titre de travailleur autonome, ou entrepreneur comme il
préfère l’annoncer. Hormis la faible
sécurité procurée par la valeur variable de son quota de production, M.
Castonguay se trouve face à la polyvalence de ses habiletés pour rendre
profitable son entreprise, une activité octroyant à sa conjointe et lui de 20
000 à 25 000 $ par année pour 50 heures de travail chacun. Sans profiter de la défense des fédérations
agricoles amorphes devant les annonces gouvernementales, il voit une
dévalorisation continue de sa profession.
Bien qu’elle représentait autrefois un métier stable doté de capitaux
immobiliers assurant un niveau de vie décent jusqu’à sa passation à la relève,
l’arrivée de la compétition mondiale dotée de ressources inégales (subventions
gigantesques dans le cas des États-Unis) le rend précaire et réduit la
prestance de sa contribution historique à la prospérité de la province. Par
le départ de son fils on assiste à un cas de figure toujours contemporain de
l’exil urbain des jeunes générations ne trouvant pas un environnement propice
au développement professionnel sur les terres familiales. Il est
frappant de constater la diffusion si large de la précarité au regard de cet exemple
somme toute banal : souvent attribuée à la jeunesse, aux femmes et aux
minorités ethniques, Christian n’en est pas moins un icône par la fragilité de
son travail autonome, privé de tout filet de sécurité face aux aléas du marché
mondial.
[1] http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/451838/partenariat-transpacifique-le-quebec-sort-gagnant-dit-le-gouvernement
[2]
https://www.eff.org/deeplinks/2012/08/dont-let-them-trade-away-our-internet-freedoms
[3]
http://www.ledevoir.com/politique/canada/451843/quand-l-agriculteur-s-estime-sacrifie
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