Le
site français d'information rue89 a récemment publié un article
sur les communautés de pêcheurs et de pêcheuses de Sanary-sur-Mer
[1]. Ces petits groupements portent un nom : prud’homie. On y
élit des prud’hommes qui réglementeront les conditions de pêche.
Il n'est pas question de lourdes décisions bureaucratiques, mais
simplement que les membres se répartissent l'espace de pêche afin
que l'ensemble de la communauté puisse profiter de la mer. Ils et
elles partent du principe que la mer est un bien commun est que
toutes et tous doivent pouvoir vivre de leur métier. Pas de
productivisme en vu, l'idée est que tout le monde profite en faisant
attention de ne pas épuiser les ressources. Cette conception du
partage d'un bien entre utilisateurs et utilisatrices est appelée un
Commun.
Réalité
historique, les communs existent depuis toujours. On peut prendre
pour exemple les prud'homies qui existent depuis le moyen âge [2].
On peut aussi parler du système d'irrigation d'Oman qui existe
depuis environ 1500 ans. La gestion des 5 systèmes d'irrigation se
fait par les collectivités qui en dépendent [3]. Le système a pour
but de faire un partage équitable des ressources. Loin du pessimisme
de Garrett
Hardin et
de sa tragédie des communs, théorie qu'il développe à la fin des
années 60 où il explique que les biens communs finissent toujours
par être surexploité et qu'il
ne resterait plus qu'à privatiser ou qu'à
nationaliser l'ensemble des ressources [4]. Cette idée, qui est
majoritairement
répandue dans l'imaginaire politique,
n'est pas la seule solution. Le travail de l'économiste Elinor
Ostrom fait aujourd'hui référence dans le domaine des communs. En
s'appuyant sur l'observation des pratiques locales, elle fait
ressortir plusieurs conditions nécessaires à la bonne gestion d'un
commun [5]. Ces règles sont la définition des groupes concernés,
la prise en compte des besoins locaux, la capacité de l'ensemble des
acteurs à pouvoir modifier ces règles, l'accessibilité
aux outils de résolution des conflits
à tous et toutes et surtout le respect de ces règles par les
instances supérieures tels
les états. La gestion d'un commun est une autre manière de travailler ensemble autour d'une ressource.
Cette
utilisation des ressources pourrait être appliquée à de nombreux
domaine, que ce soit dans le partage d'une ressource naturelle comme
pourrait l'être les forêts, les océans ou les abeilles, qui
disparaissent [6] déclenchant un effet domino sur les arbres
fruitiers. La notion de commun est réapparue en premier lieu sur les
internets. La communauté open source s'appuie sur des règles
semblables où l'ensemble des utilisateurs et utilisatrices ont accès
à l'application, aux codes sources et peuvent les modifier [7]. Les
licences Creative Commons proposent des conditions
d'utilisation encouragent le partage et l'utilisation à des fins non
commerciales [8]. On retrouve des entreprises comme Google ou Flickr
qui proposent ce type de licences dans leurs produits. Wikipédia
offre une perspective très intéressante dans le domaine du partage
de savoirs et de la vulgarisation de par son fonctionnement incitant
au débat entre les rédacteurs et rédactrices pendant la démarche
de modification.
Ce
mode de fonctionnement propose une nouvelle approche du travail dans
une communauté. Le partage des outils, la capacité des membres à
prendre des décisions touchantes directement leur condition. Le
partage de la ressource et la gestion de celle-ci par ceux qui
l'utilisent encouragent à penser le commun sur le long terme, en
prenant en compte les besoins de tous et toutes. D'un point de vue
réel, la prise en compte du local se révèle essentielle pour que
ceux et celles qui utilisent une ressource. L'application des normes
à des niveaux continentale montre aujourd'hui ces limites, imposant
des conditions bureaucratiques absurdes dans un contexte local [10].
Utopique de penser local dans la mondialisation ? Nécessaire,
pour préserver nos ressources. Sur le web, on imagine déjà de
nouvelles manières de créer, ensemble, sans frontières, en
incluant ceux et celles qui désirent participer comme dans des
projets de santé publique comme celui de l'Open Source Drug
Discovery (OSDD) [11].
Et
l'argent dans tout cela ? L'accès aux ressources autant
virtuelles que naturelles permet de créer et donc ensuite
commercialiser ces biens, non pas à un niveau mondial, mais plutôt
local en laissant la place aux autres. D'autres idées se
développent, comme celle d'un salaire à vie de Bernard Friot,
estimant que le travail n'est pas uniquement salarié (aujourd'hui,
seulement celui qui créer du capital est reconnu), sans prendre en
compte le travail conjugal ou bénévole. En conséquence, nous
mériterions toutes et tous un salaire [12].Il propose, par ailleurs,
la gestion des outils de productions (par exemple des usines) par
ceux et celles qui l'utilisent. Alors, pourquoi ne pas aussi voir les
biens de production comme des communs ?
Des
solutions alternatives existent et se développent aujourd'hui autour
des communs. L'entre aide et le partage me paraissent une bonne
solution d'avenir.
Leo Marti
[1]
NOYON, Rémo, « « La mer n’appartient à personne » :
et si ces pêcheurs avaient tout compris ? », Rue8,
05.10.2015.
[2]
Ibid.
[3]
Patrimoine mondiale, « Systèmes d’irrigation aflaj d’Oman »,
UNESCO. En ligne au <http://whc.unesco.org/fr/list/1207>,
consulté le 5 octobre 2015.
[4]
Fabien
Locher, « Les
pâturages de la Guerre froide : Garrett Hardin et la « Tragédie
des communs » »,
Revue
d'histoire moderne et contemporaine,
vol. 2013, no 1,
2013, p. 7-36.
[5]
Hervé Le Crosnier. « Elinor Ostrom ou la réinvention des
biens communs ». Le Monde diplomatique, juin 2012.
[6]
MARCEAU, Ginette et Lou SAUVAJON, « Le péril des abeilles »,
Ici Radio-Canada,
25.02.2015. En ligne au
<http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2015/02/abeilles/>,
consulté le 5 octobre 2015.
[7]
Free Software Fondation (FSF), « What is free software »,
FSF. En ligne au <https://www.fsf.org/about/what-is-free-software>,
consulté le 5 octobre 2015.
[8]
Creative Commons, « About », Creative Commons. En ligne
au <http://creativecommons.org/about>, consulté le 5 octobre
2015.
[9]
Wikipedia, « Wikipédia en bref »,
Wikipédia. En ligne au
<https://fr.wikipedia.org/wiki/Aide:Wikip%C3%A9dia_en_bref>,
consulté le 5 octobre 2015.
[10]
NOYON, Rémo, Loc. cit.
[11]
CASTRO,
Christophe, « Tuberculose : la résistance s’organise sur le
Web », Inrality, 24.03.2013.
En ligne au
<http://www.inriality.fr/sante/open-source/collaboration/tuberculose-la-resistance/>,
consulté le 5 octobre 2015.
[12]
FRIOT, Bernard, L'enjeu du salaire, 2012, Paris, éd. La
Dispute.
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