Depuis quelques
années, au Québec, on remarque une opposition franche contre les politiques
d’austérité implantées par les gouvernements successifs. En effet, de coupes en
augmentation de tarifs, les Québécois en voient de toutes les couleurs. Des
organisations comme l’ASSÉ ou la Coalition Main Rouge propose d’autres
solutions et affirme que l’austérité est un choix idéologique. Il y a des
mouvements de grèves, de dénonciations, d’actions symboliques et de pétitions
au niveau national, régional ou local qui prennent forme. Nombreux sont ceux
qui doivent renégocier leurs conventions collectives dans ces conditions
d’austérité. Pourtant, ces politiques ne sont pas nouvelles et ne s’appliquent
pas seulement au Québec. Dès Mars 1998, Bourdieu écrira dans Le Monde Diplomatique que ces politiques
sont application pratique d’une utopie : le néo-libéralisme.[1]
Le néo-libéralisme et nos universités
De nos jours,
cette utopie s’est infiltrée jusque dans nos universités. Ce lieu qui semblait
perméable au marché est maintenant devenu une organisation de production de connaissances
et de recherches. On applique les mêmes méthodes privilégiées du
néolibéralisme, c’est-à-dire la réduction du coût de main-d’œuvre et de
flexibilisation du travail mais aussi, la dévalorisation de l’enseignement au
profit de la recherche.[2]
Cela favorise un changement radical de l'organisation du travail au sein des
universités : l’augmentation des emplois d’étudiants-salarié. Les
employés-étudiants ont de plus en plus de tâches qui leurs sont confiés car les
tâches habituelles d'un professeur doivent être faite. Le Syndicat des
Étudiants-Salariés de l’Université de Montréal, présentement en négociations,
tente de promouvoir le Rassemblement
Syndical en Éducation (RSÉ)
afin de créer un rapport de force intersyndical[3]
dans une lettre ouverte parue dans la Presse Gauche. Cet appel se fait un cri
du cœur alors qu’ils sont plusieurs syndicats à être en négociations et qu’ils
ressentent le mépris de leur employeur.[4]
Le SÉSUM
Le SÉSUM a été créé en 2007 lors de la
vague de syndicalisation dans les universités des dix dernières années. L'émergence de ces syndicats
dénote la multiplication des statuts d'emploi et de la segmentation du marché
du travail au sien d'une même université.[5]
Le
cas du SÉSUM et des autres syndicats de
ce genre est particulier car les membres
combinent leur d’éducation et de travail [6]et cela rend le travail
syndical parfois complexe et difficile, car ils sont petit et subisse un grand
roulement de leurs membres. Cela reflète ce que Bourdieu met de l’avant en
affirmant que ces politiques « [visent] à mettre en question toutes les
structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur :
[…] groupes de travail, avec, par exemple, l’individualisation des salaires et
des carrières en fonction des compétences individuelles et l’atomisation des
travailleurs qui en résulte ; collectifs de défense des droits des
travailleurs, syndicats, associations, coopératives […]». C’est d’ailleurs pour
cette raison que leur syndicalisation fut difficile. En effet, l’atomisation
des employés ont rendu la mobilisation ardue et la nécessité de tenir deux
référendums pour mener à leur accréditation en tant que syndicat.[7] Cela en fait donc un jeune
syndicat qui doit actuellement négocier des revendications dites minimum
comme la question salariale, la protection de l'emploi et la transparence
des contrats. [8]
Bourdieu
et les négociations du SÉSUM
Les trois principales demandes du SÉSUM,
énumérés précédemment, forment la preuve de ce que Bourdieu avançait en 1998.
Par exemple, il écrira : «Le fondement ultime de tout cet ordre économique
placé […] la violence structurale du chômage, de la précarité et de la menace
du licenciement qu’elle implique […].»[9] Cette précarité se fait
sentir au niveau de manque de protection d’emploi fourni par leur convention
collective qui ne fait que 30 pages – comparativement à celle du Syndicats des
professeurs de l’Université de Montréal qui fait près de 300 pages. La
précarité se fait également sentir au niveau de la question salariale qui ne
suffise pas dans certains cas. Dans d’autres cas, on retarde les paies et on
oblige les étudiants-salariés à fournir leur propre matériel.[10]
Cette «violence structurale» dont parle
Bourdieu s’objective dans les contrats de travail. En effet, les étudiants
commencent souvent à travailler avant même d’avoir signer de contrat de
travail.[11]
De plus, leur patron se trouve souvent à être leur directeur de recherche ce
qui se réfère au discours d’entreprise fondé sur la confiance et la loyauté et
fait en sorte de ne pas avoir de garanties temporelles dans leurs contrats.
Ainsi, la précarité de ceux-ci augmentent et le renvoie en tout temps est
possible.
En définitive, le cas du SÉSUM n’est pas unique, mais nous
touche actuellement plus que les autres syndicats. Ce sont nos conditions
d’études et la qualité de notre enseignement qui sont remises en cause.
Malheureusement, les cas des étudiants-salariés n’est pas unique. La
précarisation et la flexibilisation de la main-d’œuvre est aujourd’hui chose
courante. Cela nous prouve donc qu’une mobilisation, même difficile que celle
des travailleurs atypiques, est essentielle pour contrer le marché et la
logique de cette utopie, qui en réalité est celui du 1%.
[1] BOURDIEU, Pierre. L’essence du
néo-libéralisme. Le monde diplomatique,
Mars 1998
[2] Yanick Noiseux, « Transformation
du travail et innovations syndicales au Québec », Montréal : Presses de
l’Université du Québec, p.166
[3]SÉSUM. Dépasser le corporatisme pour un rapport de
force fondé sur la solidarité. Presse Gauche, en ligne au : http://www.pressegauche.org/spip.php?article23380. Consulté le 23 octobre 2015
[4] Se référer à la lettre de Amélie
Champagne et Laurent Paradis, étudiants-salariés de l’UQO parue en ligne au http://www.lapresse.ca/le-droit/opinions/votre-opinion/201510/06/01-4907038-luqo-et-le-mepris-des-etudiants-salaries.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B13b_votre-opinion_651_section_POS3
[5] Yanick Noiseux, «
Transformation du travail et innovations syndicales au Québec », Montréal : Presses
de l’Université du Québec, p.165
[6] Yanick Noiseux, « Transformation
du travail et innovations syndicales au Québec », Montréal : Presses de
l’Université du Québec, p.165
[7] Yanick Noiseux, « Transformation
du travail et innovations syndicales au Québec », Montréal : Presses de
l’Université du Québec, p.172
[8] Entretien avec un membre de
l’exécutif du SÉSUM, Octobre 2015
[9] BOURDIEU, Pierre. L’essence du
néo-libéralisme. Le monde diplomatique,
Mars 1998
[10] Se référer à la lettre de Amélie
Champagne et Laurent Paradis, étudiants-salariés de l’UQO parue en ligne au
http://www.lapresse.ca/le-droit/opinions/votre-opinion/201510/06/01-4907038-luqo-et-le-mepris-des-etudiants-salaries.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B13b_votre-opinion_651_section_POS3
[11] Entretien avec un membre de
l’exécutif du SÉSUM, Octobre 2015
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