vendredi 23 octobre 2015

Le néo-libéralisme dans nos universités et les négociations du SÉSUM



Depuis quelques années, au Québec, on remarque une opposition franche contre les politiques d’austérité implantées par les gouvernements successifs. En effet, de coupes en augmentation de tarifs, les Québécois en voient de toutes les couleurs. Des organisations comme l’ASSÉ ou la Coalition Main Rouge propose d’autres solutions et affirme que l’austérité est un choix idéologique. Il y a des mouvements de grèves, de dénonciations, d’actions symboliques et de pétitions au niveau national, régional ou local qui prennent forme. Nombreux sont ceux qui doivent renégocier leurs conventions collectives dans ces conditions d’austérité. Pourtant, ces politiques ne sont pas nouvelles et ne s’appliquent pas seulement au Québec. Dès Mars 1998, Bourdieu écrira dans Le Monde Diplomatique que ces politiques sont application pratique d’une utopie : le néo-libéralisme.[1]

Le néo-libéralisme et nos universités
De nos jours, cette utopie s’est infiltrée jusque dans nos universités. Ce lieu qui semblait perméable au marché est maintenant devenu une organisation de production de connaissances et de recherches. On applique les mêmes méthodes privilégiées du néolibéralisme, c’est-à-dire la réduction du coût de main-d’œuvre et de flexibilisation du travail mais aussi, la dévalorisation de l’enseignement au profit de la recherche.[2] Cela favorise un changement radical de l'organisation du travail au sein des universités : l’augmentation des emplois d’étudiants-salarié. Les employés-étudiants ont de plus en plus de tâches qui leurs sont confiés car les tâches habituelles d'un professeur doivent être faite. Le Syndicat des Étudiants-Salariés de l’Université de Montréal, présentement en négociations, tente de promouvoir le Rassemblement Syndical en Éducation (RSÉ)  afin de créer un rapport de force intersyndical[3] dans une lettre ouverte parue dans la Presse Gauche. Cet appel se fait un cri du cœur alors qu’ils sont plusieurs syndicats à être en négociations et qu’ils ressentent le mépris de leur employeur.[4]

Le SÉSUM
Le SÉSUM a été créé en 2007 lors de la vague de syndicalisation dans les universités des dix dernières années. L'émergence de ces syndicats dénote la multiplication des statuts d'emploi et de la segmentation du marché du travail au sien d'une même université.[5] Le cas du SÉSUM  et des autres syndicats de ce genre  est particulier car les membres combinent leur d’éducation et de travail [6]et cela rend le travail syndical parfois complexe et difficile, car ils sont petit et subisse un grand roulement de leurs membres. Cela reflète ce que Bourdieu met de l’avant en affirmant que ces politiques « [visent] à mettre en question toutes les structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur : […] groupes de travail, avec, par exemple, l’individualisation des salaires et des carrières en fonction des compétences individuelles et l’atomisation des travailleurs qui en résulte ; collectifs de défense des droits des travailleurs, syndicats, associations, coopératives […]». C’est d’ailleurs pour cette raison que leur syndicalisation fut difficile. En effet, l’atomisation des employés ont rendu la mobilisation ardue et la nécessité de tenir deux référendums pour mener à leur accréditation en tant que syndicat.[7] Cela en fait donc un jeune syndicat qui doit actuellement négocier des revendications dites minimum comme la question salariale, la protection de l'emploi et la transparence des contrats. [8]  

Bourdieu et les négociations du SÉSUM
Les trois principales demandes du SÉSUM, énumérés précédemment, forment la preuve de ce que Bourdieu avançait en 1998. Par exemple, il écrira : «Le fondement ultime de tout cet ordre économique placé […] la violence structurale du chômage, de la précarité et de la menace du licenciement qu’elle implique […].»[9] Cette précarité se fait sentir au niveau de manque de protection d’emploi fourni par leur convention collective qui ne fait que 30 pages – comparativement à celle du Syndicats des professeurs de l’Université de Montréal qui fait près de 300 pages. La précarité se fait également sentir au niveau de la question salariale qui ne suffise pas dans certains cas. Dans d’autres cas, on retarde les paies et on oblige les étudiants-salariés à fournir leur propre matériel.[10]

Cette «violence structurale» dont parle Bourdieu s’objective dans les contrats de travail. En effet, les étudiants commencent souvent à travailler avant même d’avoir signer de contrat de travail.[11] De plus, leur patron se trouve souvent à être leur directeur de recherche ce qui se réfère au discours d’entreprise fondé sur la confiance et la loyauté et fait en sorte de ne pas avoir de garanties temporelles dans leurs contrats. Ainsi, la précarité de ceux-ci augmentent et le renvoie en tout temps est possible.

En définitive,  le cas du SÉSUM n’est pas unique, mais nous touche actuellement plus que les autres syndicats. Ce sont nos conditions d’études et la qualité de notre enseignement qui sont remises en cause. Malheureusement, les cas des étudiants-salariés n’est pas unique. La précarisation et la flexibilisation de la main-d’œuvre est aujourd’hui chose courante. Cela nous prouve donc qu’une mobilisation, même difficile que celle des travailleurs atypiques, est essentielle pour contrer le marché et la logique de cette utopie, qui en réalité est celui du 1%.



[1] BOURDIEU, Pierre. L’essence du néo-libéralisme. Le monde diplomatique, Mars 1998
[2] Yanick Noiseux, « Transformation du travail et innovations syndicales au Québec », Montréal : Presses de l’Université du Québec, p.166

[3]SÉSUM. Dépasser le corporatisme pour un rapport de force fondé sur la solidarité. Presse Gauche, en ligne au : http://www.pressegauche.org/spip.php?article23380. Consulté le 23 octobre 2015

[4] Se référer à la lettre de Amélie Champagne et Laurent Paradis, étudiants-salariés de l’UQO parue en ligne au http://www.lapresse.ca/le-droit/opinions/votre-opinion/201510/06/01-4907038-luqo-et-le-mepris-des-etudiants-salaries.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B13b_votre-opinion_651_section_POS3
[5] Yanick Noiseux, « Transformation du travail et innovations syndicales au Québec », Montréal : Presses de l’Université du Québec, p.165
[6] Yanick Noiseux, « Transformation du travail et innovations syndicales au Québec », Montréal : Presses de l’Université du Québec, p.165
[7] Yanick Noiseux, « Transformation du travail et innovations syndicales au Québec », Montréal : Presses de l’Université du Québec, p.172
[8] Entretien avec un membre de l’exécutif du SÉSUM, Octobre 2015
[9] BOURDIEU, Pierre. L’essence du néo-libéralisme. Le monde diplomatique, Mars 1998
[10] Se référer à la lettre de Amélie Champagne et Laurent Paradis, étudiants-salariés de l’UQO parue en ligne au http://www.lapresse.ca/le-droit/opinions/votre-opinion/201510/06/01-4907038-luqo-et-le-mepris-des-etudiants-salaries.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B13b_votre-opinion_651_section_POS3
[11] Entretien avec un membre de l’exécutif du SÉSUM, Octobre 2015

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