Ce court billet est un résumé et une réflexion personnelle. Il s’inspire des éléments
théoriques abordés dans le cadre du cours et d’un texte intitulé Payer pour
travailler, travailler sans être payés. Ce texte a été rédigé par le Comité
unitaire sur le travail étudiant (CUTE) du cégep Marie Victorin le 12 mai 2016[1]. Selon moi, c’est un
excellent article qui illustre l'exploitation des étudiant-es lors de leurs
stages non-rémunérés (et même quand illes sont rémunéré-es...). Au Canada, environ 100 000 à 300 000 stages sont non rémunérés et depuis 1990, on observe une croissance de ces stages dans nos universités et dans nos cégeps...
Tout d'abord, les stages sont réservés à des emplois qui sont
permanents, pourtant, les étudiant-es y obtiennent un poste temporaire. On y réfléchit souvent comme si nous c'est un mal nécessaire, et puis qu'un stage, c’est
une belle ligne à ajouter sur notre CV! Pour ma part, c'est une question de fausse conscience. En fait, c'est une stratégie - parmi tant d'autres - d’exploitation apparente
pour dociliser la main-d'oeuvre et faire miroiter les possibilités aux gens un
jour d'avoir un emploi permanent à temps plein. Les organisations veulent
surtout diminuer leurs coûts de production à travers différentes formes de
flexibilisation. Par exemple, dans un contexte économique défavorable pour
toutes sortes de raison, une entreprise peut avoir des postes à temps
plein/partiel permanent pour les remplacer par des stages. L'inverse est
également valable: le texte contexte économique est favorable et on vous
embauche à titre de stagiaire à travers un programme gouvernemental/scolaire
pour faire encore plus de profits. Il n'y a presque aucun coût pour l'employeur
à vous former, parce que vous payez déjà votre formation. Alors, pourquoi
embaucher un-e salarié-e? Votre force de travail est sans coût[2] et lui convient
parfaitement. Il peut soit vous embaucher de façon permanente par la suite
parce que vous avez le capital humain dont il a besoin ou bien il peut vous jetez
aux ordures.
Par ailleurs, un stage étudiant, c'est aussi essentiellement
comme les autres stages, c’est un processus d'individualisation du travail.
Vous devez grimper la hiérarchie de la qualification et vous devez mériter
votre place dans l'organisation. Vous êtes dans la « contrainte-implication »: vous devez vous « forcer » pour avoir une bonne évaluation de votre employeur sinon,
vous n'aurez peut-être un prochain stage. On vous demande de vous investir toujours
plus en augmentant votre nombre tâches en pourcentage par rapport à un-e
professionne-lle à temps plein de votre secteur d'emploi. Sauf que vous n'avez encore
une fois aucune garantie. Sous la direction d'un gouvernement néolibéral, les
universités et les cégeps agissent presque comme des agences de placement de
luxe en payant les étudiant-e-s à coup de crédits scolaire (diplôme). Nous nous
endettons et nous payons pour notre propre exploitation.
À mon sens, nous pouvons affirmer
l’existence des flux du travail étudiant temporaire. Et comme il est démontré
dans ce texte, les jeunes, les femmes (notamment en enseignement) et les
immigrant-es en sont les premier-ères concerné-es. Pas facile « performer » quand on est aux intersections les plus
vulnérables, que notre employeur nous discrimine et nous menace en fonction de
différentes caractéristiques et surtout lorsqu’on n’a pas de ressources et peu
de support. Par conséquent, les stages étudiants comme stratégie de
revalorisation du capital reproduisent des rapports de dominations multiples
(division sexuelle et sociale du travail) au sein de catégories variées (race,
genre, âges).
Dans cette optique, le
gouvernement québécois crée un statut spécial aux étudiant-es et cela a pour
effet de nous mettre en compétition avec des travailleur-euses étudiant-es.
Pourquoi faire la lutte des classes entre nous et ne pas exiger que tous les
stages soient rémunéré? L’objectif du CUTE est de contrer ces phénomènes. Les
contraintes de marchés sont puissantes, c’est la loi du plus fort : celui
ou celle qui décroche le meilleur stage, qui aura la meilleure évaluation, qui
aura peut-être le privilège de décrocher un stage rémunéré après quelques
expériences, etc. Il y a une certaine rhétorique du sens commun qui stipule qu’un
stage étudiant c’est comme un emploi étudiant, que c’est un passage temporaire
et obligatoire. Ce type de discours banalise totalement une violence symbolique
et quotidienne que vivent certain-es étudiant-es : t’es en apprentissage, tu
ne produis pas de la richesse, ou du moins, des connaissances dites
scientifiques (il te manque ton papier quand même!).
Pour poursuivre sur cette contrainte
de statut, le statut de stagiaire engendre l'exclusion des étudiant-es de
certaines disposions prévues par la loi sur les normes du travail (LNT) parce
qu'illes n'ont pas le statut de salarié-es. Comme il est expliqué
dans le texte, cela permet aux employeurs de comprimer les coûts de production
et cela barre l’accès aux étudiant-es à la syndicalisation et aux des régimes
de prestations publics (assurance chômage, CSST, etc.). Si vous vous blessez
sur le lieu de travail, qui est votre employeur? L’Université? La commission
scolaire? Ainsi, on conditionne très tôt les étudiant-es à la précarité à
l'emploi – ou plutôt à la servitude volontaire reprendre
une partie du titre du livre de Jean-Pierre Durand - sous prétexte qu'illes ont des
responsabilités multiples, notamment celle d'acquérir des « qualifications »… À qui cela peut-il bien servir? Est-ce que le stage
contribue réellement à donner un sens (on pourrait plutôt dire des sens) au
travail? Peut-être devrait-on cesser d'utiliser le terme « stage » pour le remplacer par celui « d'emploi » ?
Anthony Desbiens
[1] Le texte est disponible en ligne à l’adresse suivante : https://dissident.es/payer-pour-travailler-travailler-sans-etre-paye-es/, Consulté le 2 décembre 2016.
[2] On pourrait m’objecter que
certains stages sont rémunérés et que j’exagère (en médecine, en droit, les
vraies professions là!). C’est tout à fait valide. Cependant, la majorité des
stages sont non rémunérés, et ceux qui le sont, par exemple en droit, sont souvent
rémunérés au salaire minimum… Ça fait en sorte de créer un idéal type de bons
stages et des bon-nes stagier-ères.
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