jeudi 15 décembre 2016

Agacé par un Lagacé agacé par la STM

                Cette semaine, les chauffeurs d’autobus de la STM postés au garage d’Anjou ont refusé de sortir travailler. La raison invoquée pour ce refus de travail était l’arrivée d’un formulaire remanié que les chauffeurs doivent remplir avant de quitter le garage. Le nouveau formulaire est presque identique à l’ancien, mais on a prétexté le manque d’information et le risque de recevoir une amende de 350$ si le dit formulaire était mal rempli. Les chauffeurs de tous les autres garages, ainsi que ceux de Laval et de Longueuil sont tous partis normalement sur la route. Malheureusement, l’arrivée de ce « nouveau » formulaire s’est faite le même jour que la première neige de la saison. Et comme par hasard, toujours la même journée le service du métro a été interrompu deux fois. Plusieurs personnes n’ont pas pu se rendre à leur destination.

                Le lendemain, Patrick Lagacé écrivait dans La Presse une chronique sur le sujet. Dans son texte intitulé « Message à des chauffeurs de la STM »[1] il expliquait comment cette décision prise par « 84 chauffeurs divorcés du réel » avait empêché un nombre important de travailleurs non-syndiqués de se rendre au travail. Des gens qui ont probablement perdu une journée de travail et qui, selon lui, ne se sentent pas solidaire du travailleur syndiqué. Lagacé fait mine de donner la véritable raison du refus de travail, mais s’arrête tout juste avant de dévoiler le pot-aux-roses, pensant qu’on « s’en contre-sacre, des raisons ». Il a à peine fait allusion à des conflits internes potentiels, mais sans vraiment en dire plus.

                Pour avoir travaillé pour la Ville de Montréal en milieu syndiqué, je suis plutôt d’accord avec Lagacé sur l’idée que la raison invoquée en cache une autre : les changements apportés au formulaire en question me semblent minimes et la ville avait malgré tout crée une campagne d’information sur le sujet. Je suis par contre en total désaccord quand il dit qu’on n’en a que faire des raisons. Point de vue qu’il se fermer de généraliser et de prêter à tout le monde, à l’exception, bien sûr de 84 chauffeurs d’autobus.

                Non, je ne m’en sacre pas des raisons. Je ne me fous pas des vraies raisons. Mais quelles sont-elles, ces vraies raisons? On ne le saura sans doute jamais. Et c’est bien dommage, car c’est important de comprendre une situation pour s’en faire une idée juste. Mais le syndicat ne les donne pas et Lagacé propose qu’on s’en fout.

                Pour ma part, je trouve toute cette histoire assez révélatrice à propos de notre perception du travail et du syndicalisme au Québec. Plus profondément, c’est peut-être même le signe qu’il y a bel et bien chez nous, à l’instar des États-Unis, de la France, de l’Angleterre de l’Allemagne voire, de l’Occident au complet d’un virage à droite dans les mentalités. Il ne faut pas entraver l’économie. Donc, il ne faut pas entraver le travail. Et quiconque se permet de nuire à la bonne marche des opérations est automatiquement taxé d’être un trouble-fête, un parasite, un être « divorcé du réel ».

                Et le syndicat ne fait pas exception. Très conscient des (sur?)réactions probables de l’opinion publique si brillamment explicité (proposée? statuée? Imposée?) par Lagacé, entre autres, il préfère faire passer ses membres pour des parfaits illettrés, incapable de comprendre par eux-mêmes un changement mineur sur un formulaire qu’ils utilisent à tous les jours, plutôt que d’exposer la situation réelle. Proche du politique, on peut se demander si les travailleurs municipaux n’auraient pas tendance à verser dans l’univers post-factuel de leurs employeurs. Devant des élus privilégiant de plus en plus l’émotion à la vérité factuelle, on pourrait comprendre la volonté du syndicat à ne pas fournir de munitions à l’opposant en ne révélant pas les teneurs et aboutissant de la situation réelle. Mais est-ce vraiment une nouvelle façon de faire que de chercher à convaincre les masses par le biais des émotions? Il me semble que c’était déjà à la mode dans l’Allemagne des années 30. Et voilà que je tombe moi-même dans le mouvement en prouvant encore une fois la fameuse loi de Godwin ; «[P]rincipe énoncé par Mike Godwin en 1990 : selon lui, plus une discussion sur un forum Internet dure, plus il y a de risque d'y trouver une référence aux nazis ou à Adolphe (sic) Hitler. Cette règle a ensuite été étendue à toute conversation. »[2]



[1] Lagacé, Patrick (2016) Message à des chauffeurs de la STM dans La Presse du 22 novembre 2016, trouvé en ligne à l’URL http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/201611/22/01-5043867-message-a-des-chauffeurs-de-la-stm.php

[2] Linternaute (2016) Loi de Godwin dans Dictionnaire de linternaute trouvé en ligne le 15 décembre 2016 à l’URL http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/loi-de-godwin/

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