Il y
a quelques semaines de cela, un article de La Presse nous apprenait que la controversée
loi 70 était adoptée. Selon l’article de Jocelyne Richer, du 10 novembre
dernier, cette loi permet au gouvernement de « couper du tiers la
prestation de base mensuelle de 623 $ des nouveaux demandeurs d’aide sociale
jugés aptes à travailler qui refusent d’entreprendre un parcours de recherche
d’emploi ». Françoise David, élue de Québec Solidaire, conteste la loi et
l’attitude paternaliste qui la sous-tend, argumentant que les jeunes concernés
vivent souvent une importante détresse psychologique qu’ils doivent confronter
avant de pouvoir se lancer dans la recherche d’un emploi. Le ministe Blais,
responsable du projet, demeure quant à lui convaincu qu’on doit forcer les
prestataires à la recherche d’emploi, ce qui favoriserait leur réinsertion
sociale.
Ce
genre de prise de position en ce qui concerne l’emploi et les chômeurs,
partagée par plusieurs, les chercheurs européens Carl Cederström et André
Spicer l’abordent dans un ouvrage critique dont la traduction française est
récemment parue : « Le syndrôme du bien-être ». Selon les
auteurs, l’idée de bien-être, suprême dans nos sociétés occidentales
contemporaires, entraîne non seulement des désirs d’avancement professionnel et
de consommation, mais s’oppose aussi à la réflexion critique en faisant la
promotion de l’écoute de son corps et de la résignation.
Nous
devons accepter notre condition afin de ne pas se sentir trouble. Nous sommes
de surcroît encouragés à devenir les heureux athlètes de la productivité
capitaliste. La pression qui nous somme de se sentir bien agit à titre
d’injonction morale et décourage l’engagement politique. On ne devrait qu’écouter
que son corps. Le bien-être constitue, pour les populations précaires dont font
partie les prestataires de l’aide sociale concernés par l’article susmentionné,
un labeur émotionnel supplémentaire. Malgré la précarité dans laquelle ils se
trouvent, ces individus doivent maintenir une personnalité confiante, fun, mais surtout employable.
Le
bien-être serait devenu une idéologie, qu’on comprend mieux lorsqu’on s’attarde
aux attitudes à l’égard de ceux qui ne réussissent pas à l’atteindre. Ils sont
stigmatisés et perçus comme paresseux, faibles et de peu de volonté. Le remède
à leurs maux ne devrait pas prendre la forme de logements convenables ou d’un revenu de base, mais plutôt de cours de
cuisine ! Tout comme le mouvement de la pensée positive avant elle, l’idéologie
du bien-être stipule qu’on peut devenir ce que l’on veut, et que tout
manquement ne peut être que la faute de soi-même. Dans un exemple donné dans le
livre, on mentionne le cas de chercheurs d’emploi anglais à qui on a recommandé
de ne pas s’informer de l’actualité pour ne pas avoir l’humeur maussade. La raison
véritable derrière cette stratégie serait plutôt de s’assurer que les chômeurs
ne réalisent surtout pas que leur condition est attribuable au contexte
économique et qu’ils ne sont pas seuls dans leur situation. On préfère que
chacun jette le blâme sur soi. Le culte du bien-être tient de
l’ultralibéralisme.
__________
Cederström,
Carl et André Spicer (2016). Le syndrôme
du bien-être (traduit par Édouard Jacquemoud). Paris : Éditions L’Échappée,
165 p.
Richer,
J. (2016, 10 novembre). Loi 70 adoptée : des assistés sociaux devront
vivre avec 399$ par mois. La Presse.
Repéré à http://www.lapresse.ca/actualites/national/201611/10/01-5039872-loi-70-adoptee-des-assistes-sociaux-devront-vivre-avec-399-par-mois.php
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