Le présent billet est une conjonction de deux articles récemment publiés
sur le Huffington Post Québec. D’une
part, l’existence d’une classe chômeuse chez les jeunes diplômés
universitaires, d’autre, ces derniers bénéficient d’une plus-value faisant
d’eux, candidats de choix. On en vient à se demander, quel espace sépare ces
deux visions?
La stabilité fut longtemps
intrinsèquement associée à l’employabilité. Il apparaît que toute une génération
s’en aliéneront subtilement : «Selon les données,
20% des jeunes finissants vont obtenir un emploi à temps partiel, et le tiers
occuperont des emplois à statut précaire, présente-t-il comme chiffres. Ce qui
a comme conséquence que 71% des jeunes en moyenne n’auront pas accès à
l’assurance chômage». En ce sens, on peut comprendre la réalité future du
marché du travail, comme un effet générationnel plutôt qu’un effet de jeunesse[1]. On assiste à une
restructuration profonde du rapport à l’employeur. Les conditions d’emplois
s’assouplissent et la mobilité des travailleurs ne sera plus jamais la même. Si
la protection qu’offre le chômage fut un important gain par le passé, il faut
tout de même se demander si la nouvelle diversification des emplois et des NTIC
dans un paradigme sociétal d’une compétition incessante entre salaires,
conditions et cadration. On peut supposer que la fragilité de l’emploi est en
partie due à la perméabilité des postes, c’est-à-dire, qu’on « part et on
vient ». Les plus jeunes, ne veulent pas signer vers le long terme et la
contrepartie de ce mode de vie est un passage obligé vers le marché de
l’emploi, ce, plus souvent qu’il y a trente ans. Inversement, on peut supposer
qu’à une époque où la rétention des employés était inhérente à l’entreprise;
l’état « sans-emploi » était hautement handicapant et l’institution
du chômage servait à réintégrer ce marché, jadis plus fermé.
L’objectif présent
n’est pas de faire l’apologie du conservatisme, du républicanisme ou des
campagnes contre-chômage d’un certain parti d’un certain pays membre de l’OCDE.
En fait, cette ouverture du marché ne concerne pas directement les travailleurs
saisonniers, rattachés à des endroits bien précis. Le précédent paragraphe ne
prône ni la « dérégionalisation » du Québec ou même l’arrivée de
multinationales dans certains secteurs comme dans la pêche et l’agriculture.
Ces emplois n’entrent pas dans ce qu’il est qualifié de « propre au marché
ouvert de l’emploi ». Ce qui est explicitement dit est qu’il existe,
surtout en grands centre, mais de plus en plus dans les villes alternatives, ou
du moins dans les emplois du secteur tertiaire, une mobilité inhérente à toute
la structure employeuse. Là n’est pas non plus l’occasion d’éliminer l’aide aux
citoyens. Il s’agit simplement de redéfinir les défaites du marché de l’emploi.
On jugera trop souvent les transitions comme néfastes, mais elles sont
aujourd’hui nécessaires. Plus encore, elles sont souvent voulues.
Ceci étant dit, on peut apprécier cette transition structurelle dans la
façon dont les jeunes sont absorbés par le marché du travail. Il semble qu’en
effet, ces derniers s’y introduisent assez rapidement, dès l’adolescence.
Louis-Philippe Tessier-Parent affirme que si « un jeune veut travailler en
ce moment n’aura pas trop de difficulté à le faire. » Pourquoi alors
existe-t-il en parallèle un taux de chômage plus élevé chez les 15-29 et
pourquoi l’universitaire originaire d’Ottawa a-t-elle abandonné son domaine,
malgré son baccalauréat pour garder un poste de serveuse? On avance que la
nouvelle génération a relégué l’intérêt du travail derrière les loisirs ou la
famille et les amis. Les études semblent dire le contraire. L’étudiante
mentionnée plutôt offre une partie de la réponse : «Je suis maintenant
serveuse étant donné qu'il s'agit d'un métier que j'avais déjà pratiqué et qui
est le plus payant à court terme».
Il n’y a pas fort à analyser. Le nouveau marché de l’emploi nécessite
une pensée de « l’employeur-entrepreneur ». Chaque individu devient
responsable de sa carrière et la plupart des emplois sont à dénicher. L’employé
doit être actif sur le marché et en situation d’entreprise. De plus, on
pourrait aussi croire que toutes les trajectoires d’études n’offrent pas les
mêmes options. Peut-être y a-t-il là un manque de transparence de la part des
établissements scolaires, mais certainement aussi une incompréhension des
enjeux du travail de la part de ceux qui s’engagent dans une carrière. Pour la
plupart des trajectoires « carriérales » en sciences humaines, aucun
poste n’est défini et pour reprendre l’expression populaire, « la balle
est dans le camps » de l’étudiant. On peut alors interpréter la réflexion
de l’étudiante comme un témoignage d’une grande incertitude de la part des
nouveaux arrivés sur le marché du travail. On réalise plus souvent qu’autrement
que ces derniers avaient choisis un domaine d’étude à des fins pratiques (un
salaire, une stabilité, un statut). On peut alors comprendre que beaucoup d’entre
eux se butent à un système révolue : où le travailleur, qu’il soit
passionné ou pas, doit, dans la perspective la plus existentialiste qui soit,
créer ses propres opportunités. En outre, la question du chômage chez les jeunes ne doit
pas se comprendre comme une « violence structurale », mais bien comme
l’indicateur d’une évolution du marché et la nouvelle conception de la carrière
imaginée en occident. Un nouveau système produisant désormais des sujets bien
différents qu’une génération auparavant.
par Steven Patry
Articles du Huffington Post:
[1] Hamel Jacques, « Pour une vue
longitudinale sur les jeunes et le travail », Cahiers internationaux de
sociologie, 2003/2 n° 115, p. 255-268. DOI : 10.3917/cis.115.0255
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