samedi 9 novembre 2013

L'oeuf ou la poule? : Représentation d'une structure, le marché de l'emploi

Le présent billet est une conjonction de deux articles récemment publiés sur le Huffington Post Québec. D’une part, l’existence d’une classe chômeuse chez les jeunes diplômés universitaires, d’autre, ces derniers bénéficient d’une plus-value faisant d’eux, candidats de choix. On en vient à se demander, quel espace sépare ces deux visions?
La stabilité fut longtemps intrinsèquement associée à l’employabilité. Il apparaît que toute une génération s’en aliéneront subtilement : «Selon les données, 20% des jeunes finissants vont obtenir un emploi à temps partiel, et le tiers occuperont des emplois à statut précaire, présente-t-il comme chiffres. Ce qui a comme conséquence que 71% des jeunes en moyenne n’auront pas accès à l’assurance chômage». En ce sens, on peut comprendre la réalité future du marché du travail, comme un effet générationnel plutôt qu’un effet de jeunesse[1]. On assiste à une restructuration profonde du rapport à l’employeur. Les conditions d’emplois s’assouplissent et la mobilité des travailleurs ne sera plus jamais la même. Si la protection qu’offre le chômage fut un important gain par le passé, il faut tout de même se demander si la nouvelle diversification des emplois et des NTIC dans un paradigme sociétal d’une compétition incessante entre salaires, conditions et cadration. On peut supposer que la fragilité de l’emploi est en partie due à la perméabilité des postes, c’est-à-dire, qu’on « part et on vient ». Les plus jeunes, ne veulent pas signer vers le long terme et la contrepartie de ce mode de vie est un passage obligé vers le marché de l’emploi, ce, plus souvent qu’il y a trente ans. Inversement, on peut supposer qu’à une époque où la rétention des employés était inhérente à l’entreprise; l’état « sans-emploi » était hautement handicapant et l’institution du chômage servait à réintégrer ce marché, jadis plus fermé.
L’objectif présent n’est pas de faire l’apologie du conservatisme, du républicanisme ou des campagnes contre-chômage d’un certain parti d’un certain pays membre de l’OCDE. En fait, cette ouverture du marché ne concerne pas directement les travailleurs saisonniers, rattachés à des endroits bien précis. Le précédent paragraphe ne prône ni la « dérégionalisation » du Québec ou même l’arrivée de multinationales dans certains secteurs comme dans la pêche et l’agriculture. Ces emplois n’entrent pas dans ce qu’il est qualifié de « propre au marché ouvert de l’emploi ». Ce qui est explicitement dit est qu’il existe, surtout en grands centre, mais de plus en plus dans les villes alternatives, ou du moins dans les emplois du secteur tertiaire, une mobilité inhérente à toute la structure employeuse. Là n’est pas non plus l’occasion d’éliminer l’aide aux citoyens. Il s’agit simplement de redéfinir les défaites du marché de l’emploi. On jugera trop souvent les transitions comme néfastes, mais elles sont aujourd’hui nécessaires. Plus encore, elles sont souvent voulues.
Ceci étant dit, on peut apprécier cette transition structurelle dans la façon dont les jeunes sont absorbés par le marché du travail. Il semble qu’en effet, ces derniers s’y introduisent assez rapidement, dès l’adolescence. Louis-Philippe Tessier-Parent affirme que si « un jeune veut travailler en ce moment n’aura pas trop de difficulté à le faire. » Pourquoi alors existe-t-il en parallèle un taux de chômage plus élevé chez les 15-29 et pourquoi l’universitaire originaire d’Ottawa a-t-elle abandonné son domaine, malgré son baccalauréat pour garder un poste de serveuse? On avance que la nouvelle génération a relégué l’intérêt du travail derrière les loisirs ou la famille et les amis. Les études semblent dire le contraire. L’étudiante mentionnée plutôt offre une partie de la réponse : «Je suis maintenant serveuse étant donné qu'il s'agit d'un métier que j'avais déjà pratiqué et qui est le plus payant à court terme».
Il n’y a pas fort à analyser. Le nouveau marché de l’emploi nécessite une pensée de « l’employeur-entrepreneur ». Chaque individu devient responsable de sa carrière et la plupart des emplois sont à dénicher. L’employé doit être actif sur le marché et en situation d’entreprise. De plus, on pourrait aussi croire que toutes les trajectoires d’études n’offrent pas les mêmes options. Peut-être y a-t-il là un manque de transparence de la part des établissements scolaires, mais certainement aussi une incompréhension des enjeux du travail de la part de ceux qui s’engagent dans une carrière. Pour la plupart des trajectoires « carriérales » en sciences humaines, aucun poste n’est défini et pour reprendre l’expression populaire, « la balle est dans le camps » de l’étudiant. On peut alors interpréter la réflexion de l’étudiante comme un témoignage d’une grande incertitude de la part des nouveaux arrivés sur le marché du travail. On réalise plus souvent qu’autrement que ces derniers avaient choisis un domaine d’étude à des fins pratiques (un salaire, une stabilité, un statut). On peut alors comprendre que beaucoup d’entre eux se butent à un système révolue : où le travailleur, qu’il soit passionné ou pas, doit, dans la perspective la plus existentialiste qui soit, créer ses propres opportunités. En outre,  la question du chômage chez les jeunes ne doit pas se comprendre comme une « violence structurale », mais bien comme l’indicateur d’une évolution du marché et la nouvelle conception de la carrière imaginée en occident. Un nouveau système produisant désormais des sujets bien différents qu’une génération auparavant.


par Steven Patry

Articles du Huffington Post


[1] Hamel Jacques, « Pour une vue longitudinale sur les jeunes et le travail », Cahiers internationaux de sociologie, 2003/2 n° 115, p. 255-268. DOI : 10.3917/cis.115.0255

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