lundi 25 novembre 2013

L’emploi public à l’heure du néolibéralisme


Qui est Bertrand ? Employé de pôle emploi, s’occupe au quotidien d’individus vivant en périphérie du marché du travail, les chômeurs. Mais pourquoi tient-il à témoigner et partager son quotidien ? Simplement parce que Bertrand employé consciencieux et soucieux de bien faire son travail est arrivé à un constat, celui que malgré tous les efforts déployés, les heures supplémentaires et les pauses raccourcit ; en dépit de la polyvalence et de la double formation qu’il possède, il ne parvient plus à effectuer sa tâche et assurer la qualité du travail qu’il doit fournir. Dans l’article ci-joint, il nous livre un aperçu de sa journée, nous décrit les efforts qu’il déploie et surtout nous fait part d’une prise de conscience: celle du paradoxe de sa société et de cette gestion néolibérale défectueuse, exigeante et  irréaliste qui se révèle inefficace devant la charge de travail à accomplir en ces temps de crise de l’emploi. Enfin, son témoignage nous éclaire sur le statut actuel de l’emploi dont la détérioration touche même les emplois du secteur public pourtant réputés stables.
Pôle emploi, l’entreprise dans laquelle Bertrand travaille est le résultat de la fusion en 2008 de deux institutions publiques françaises, les Assedic et l’ANPE autrefois toutes deux chargées du suivi des chômeurs. L’objectif  de la fusion était alors de simplifier le suivi des demandeurs d’emploi en leur présentant  un « seul interlocuteur pour la gestion des offres d’emploi et de leur allocation ». [1]  Or avec la fusion de ces deux institutions ce sont également deux fonctions différentes, deux métiers, que les employés de Pôle emploi doivent réaliser. Cependant, comme le soulève l’auteur, peu de ces employés ont reçu une formation complémentaire. Dès lors, outre la surcharge des employés, c’est  l’efficacité et la qualité des aides  fournies aux chômeurs qui s’est vue réduite.
Néanmoins Bertrand, si l’on se réfère au modèle d’Atkinson[2], est « un salarié du cœur de la firme »  c’est-à-dire qu’il dispose d’un emploi relativement bien rémunéré et d’une sécurité d’emploi. La flexibilité de son emploi est par ailleurs uniquement fonctionnelle. Bertrand dispose donc d’une situation convenable. Or, la réalité dépeinte par celui-ci nous livre un constat moins optimiste : celui de la globalité du déclin de la qualité de l’emploi.  En effet, les politiques de gestion néolibérale qu’applique pôle emploi visent, comme le soulignent Dardot et Laval, à «  créer des conditions particulières qui les (salariés) obligent à travailler et à se comporter comme des agents rationnels »[3]. Pour Bertrand cela se traduit par des emplois du temps chargés et soigneusement millimétrés avec  un temps précis pour réaliser une tâche et des bureaux variant selon celle-ci. Ainsi, les appels sont chronométrés, tout comme les entrevues ou encore le temps alloué au suivi des dossiers. Les employés sont ici en théorie autonomes dans la réalisation de leurs tâches, quoique celles-ci soient divisées et strictement organisées. Ces politiques en conférant aux employés une « autonomie contrôlée» exercent un contrôle indirect et font peser sur les individus la responsabilité de la baisse de qualité comme révélateur d'un manque d’adaptation au système ou un manque de compétences de la part de l'employé.
Le constat est donc peu réjouissant avec d’une part un marché du travail dont la détérioration est globale, des travailleurs épuisés au bord du burn-out. Et d’autres parts, des politiques néolibérales s’infiltrant dans tous les secteurs  de l’emploi y compris le secteur public et imposant sur leur passage les lois impitoyables du marché et les contraintes qui les accompagnent.

Par Bensiali Célia 






[2]Durand, Jean-Pierre. 2004. « Les réformes structurelles de l’entreprise : L’intégration réticulaire et le flux tendu »,dans La chaîne invisible, travailler aujourd’hui : Flux tendu et servitude volontaire,Éditions du Seuil, Paris. Pp 183
[3]Dardot, Pierre et Christian Laval. 2009. La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, la découverte, Paris.Pp 311

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