Afin
de diversifier les nouvelles, j’ai décidé de faire un petit topo sur une lutte
syndicale qui a lieu présentement au Québec et dont les lecteurs de ce blogue n’ont fort
probablement pas eu vent. En effet, sur le plan syndical, ces derniers temps, nous avons surtout entendu parler du conflit chez Couche-tard ou de
la grève qui vient de s’entamer dans plusieurs succursales de Renaud-Bray, par
exemple. C’est pourquoi je tenais à faire la lumière sur un conflit de travail
qui oppose les employés de garage de 25 concessionnaires automobiles à leurs
patrons, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce sont 450 employés de garage qui sont en
lock-out depuis le 5 mars 2013, lock-out qui s’était entamé le 21 février dans
quelques uns de ces garages. Ils tiennent ainsi des lignes de piquetage depuis
près de 9 mois et il n’y a même pas de discussions entamées entre les deux
parties. Ces employés, membres du Syndicat des employés de garage, affilié à la
CSD (Centrale des syndicats démocratiques) font en plus face à une
judiciarisation importante du conflit de la part des concessionnaires. Plusieurs
tactiques de ce genre sont, en effet, utilisées par les employeurs pour briser
la solidarité et la confiance des syndiqués, plusieurs employés ont ainsi reçu
des avis de comparution pour outrage au tribunal et même des lettres de
congédiement (CSD,
2013a).
La
convention collective proposée par les concessionnaires automobiles avait alors
été rejeté à 99.1% lors d’un vote en assemblée générale, c’est dire à quel
point les positions sont campées. Tous les avantages sociaux accumulés au cours
des années et des négociations se retrouvaient annulés par cette proposition.
Grossièrement, cette convention collective visait à distinguer les employés
avec un statut à temps partiel de ceux à temps plein, augmenter les heures de
travail des employés, diminuer les tâches qui leur sont spécifiquement attitrées
et permettre l’augmentation du recours à la sous-traitance (CSD, 2013b). Il aurait clairement
résulté de cette proposition des pertes d’emplois dues à l’augmentation du
recours à la sous-traitance ainsi qu’à la diminution de leurs tâches réservées et
une plus grande précarité pour les travailleurs qui n’auraient pas le statut
d’employé à temps plein. Cette proposition était donc nettement inacceptable
pour des travailleurs qui veulent conserver leur dignité et des conditions de
travail décentes.
Depuis
le mois de mars passé, les concessionnaires automobiles leur mènent la vie dure
en multipliant les recours judiciaires visant notamment à les empêcher de tenir
des piquets de grève de plus de cinq personnes sur leurs terrains et les
accusant d’intimider leurs potentiels clients (Le
Quotidien, 2013b). Les concessionnaires ont même déposé une plainte à
l’hôtel de ville de Saguenay pour déloger les abris temporaires installés par
les syndiqués en bordure de la route, ce à quoi le maire de Saguenay a répondu
par un appel à la tolérance (Le
Quotidien 2013c).
Le
rapport de force est très difficile à établir pour les employés en lock-out
puisqu’en plus d’être peu nombreux dans chacun des garages, ils sont dispersés
à travers la région, c’est à dire sur une étendue de plus de 130 km. Par
ailleurs, les concessionnaires automobiles continuent de faire des ventes
puisque les grévistes ne peuvent pas entraver l’accès au commerce et que la
population ne maintient pas un boycott aussi serré que le voudrait le syndicat.
De plus, les travaux mécaniques sont réalisés par des cadres, parfois devant
les grévistes qui piquètent ce qui a bien souvent augmenté la tension entre les
deux parties, ou par des garages indépendants en sous-traitance. Ainsi, les
concessionnaires perdent peu d’argent et font durer le conflit dans le temps
tout en ayant recours aux tribunaux contre les travailleurs.
La
CSD appuie fortement les employés en lock-out, mais elle ne dispose clairement
pas des moyens financiers et organisationnels nécessaires à une opposition
féroce des travailleurs envers les concessionnaires qui refusent de négocier. Plusieurs
syndicats ont signifié leur appui aux lock-outés et récemment, ces derniers ont
reçu un important appui
financier de part du Local 1500 du Syndicat canadien de la fonction
publique (SCFP) représentant les techniciens d’Hydro-Québec qui leur a remis un
chèque de 20 240$ (Le Quotidien, 2013a). Cela constitue le plus gros appui
depuis le début du conflit, il s’agit d’un appui, non seulement financier, mais
également symbolique puisque c’est un syndicat affilié à la FTQ et que les
guerres entre les différentes centrales syndicales viennent souvent entraver ce
genre de geste. Cette marque de solidarité a amené un vent d’espoir chez les
lock-outés qui ont des dizaines de recours en justice contre eux, en plus de
voir le conflit s’éterniser dans le temps.
La
situation est très difficile à tenir pour les travailleurs en lock-out étant
donné la difficulté d’établir un réel rapport de force envers leurs employeurs
et les faibles moyens financiers dont ils disposent. Il y a, effectivement,
très peu d’actions concrètes qui sont prises par le syndicat pour tenter de
faire changer d’avis les concessionnaires qui ont même refusé de négocier en
présence d’un conciliateur du ministère du travail (CSD, 2013a). Les moyens de
pression devront clairement s’intensifier dans les prochains mois si les
travailleurs veulent en venir à une entente convenable et éviter la barre
fatidique des 12 mois sans convention collective. Un appui tel que celui offert
par le Local 1500- SCFP vient évidemment redorer la confiance des lock-outés,
mais ils devront être plusieurs à faire de même pour que la lutte aboutisse sans
dépouiller complètement les employés de garage. Les syndiqués devront certainement
renforcer leur cohésion et rivaliser d’ingéniosité pour trouver des façons de
faire pression sur leurs employeurs, jouer sur le plan de l’opinion publique en
remportant l’appui indéfectible de la population régionale pourrait être un bon
début.
Références
CSD, 2013a, Les
lock-outés répondent à la judiciarisation du conflit par encore plus de
démocratie et de transparence, Centrale des syndicats démocratiques, [En
ligne], http://www.csd.qc.ca/les-lock-outes-repondent-a-la-judiciarisation-du-conflit-par-encore-plus-de-democratie-et-de-transparence/
(page consultée le 13 novembre 2013).
CSD, 2013b, Un
lock-out qui se prolonge pour les membres du SDEG Saguenay-Lac-St-Jean CSD,
Centrale des syndicats démocratiques, [En ligne], http://www.csd.qc.ca/lock-outsdeg/
(page consultée le 13 novembre 2013).
LE QUOTIDIEN, 2013a, Un
appui moral et financier, Le Quotidien, [En ligne], http://www.lapresse.ca/le-quotidien/actualites/201311/07/01-4708492-un-appui-moral-et-financier.php
(page consulté le 13 novembre 2013).
LE QUOTIDIEN, 2013b, Un
employé devant le tribunal, Le Quotidien, [En ligne], http://www.lapresse.ca/le-quotidien/justice-et-faits-divers/201310/21/01-4702021-un-employe-devant-le-tribunal.php
(page consultée le 13 novembre 2013).
LE QUOTIDIEN, 2013c, Jean Tremblay appelle à la tolérance,
Le Quotidien, [En ligne], http://www.lapresse.ca/le-quotidien/actualites/201310/06/01-4696980-jean-tremblay-appelle-a-la-tolerance.php
(page consultée le 13 novembre 2013).
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