lundi 22 octobre 2018

Restauration, syndicat et pénurie de main-d’oeuvre


Un premier BurgerKing est syndiqué au Québec depuis février dernier et la CSN, qui représente désormais ces travailleurs, a exprimé son intention de syndiquer d’avantage de restaurants, notamment des chaînes de restauration rapides, au travers de son Syndicat des employé-es de la restauration.
 
L’enjeu de la syndicalisation en restauration n’est pas nouveau et a été confronté à plusieurs embûches. Ainsi, en 2009 le Syndicat industriel des travailleurs et travailleuses (SITT), mieux connu sous le nom de IWW, avait commencé à syndiquer des franchises de Starbucks (ironiquement, la CSN (et la FTQ) qui avait été approchée avant aurait refusé de se lancer à cause des mauvais salaires des employé-e-s). Cependant, la demande d'accréditation avait finalement été rejetée à cause de questions de procédures. Plus récemment, en 2016, le même syndicat a fait les manchettes en arrivant à syndiquer un Frite Alors! à Montréal après une longue lutte.

D’autres exemples existent au Québec, par exemple le McDonald désormais fermé ou les quatre Tim Horton de Sept-Îles, syndiqués depuis 2015 (un autre est déjà syndiqué à Montréal), qui ont obtenu leur première convention collective cet été après plus de 3 ans. Une convention qui est décevante, l’arbitre chargé de trancher ayant suivi l’employeur en accordant un gros 5 cents par année d’ancienneté... Entre ça et se faire cracher dans la face.

La syndicalisation d’un premier Burger King l’hiver dernier (et le fait qu’il n’y a toujours pas de convention collective) n’apparaît donc pas comme un accident de parcours, mais s’inscrit dans un phénomène plus large de contestation des conditions de travail particulièrement précaire dans ce milieu. Ainsi, dès 2013 des centrales québécoises sont interpellées par le sujet à l’occasion de protestations importantes aux États-Unis. À partir de 2014, le mouvement, qui vise particulièrement McDonald aux États-Unis, a commencé à s’internationaliser, des grèves étant prévues dans une trentaine de pays. En 2015, des manifestations étaient prévues dans 1000 villes américaines. Depuis, l’enjeu fait parler chaque automne, les mobilisations collectives recevant de nombreux appuis de groupes syndicaux comme l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et la syndicalisation dans le milieu de la restauration en général progresse petit à petit.

Conditions de travail

Il faut dire que les travailleur-e-s de la restauration (qu’elle soit rapide ou non) ont plusieurs bonnes raisons de vouloir s’organiser pour défendre leurs droits. Ainsi, aux salaires souvent insuffisants et aux horaires de travail trop chargé, de nombreux autres éléments s’ajoutent. Par exemple, des travailleur-e-s des Tim Horton de Sept-Îles relevaient, après s’être syndiqué, qu’ils ne pouvaient plus « aller à la toilette ou même de boire de l'eau sur leurs heures de travail. ». Les employé-e-s du Frite faisaient eux aussi état de conditions de travail et de salaires inacceptables. La Presse soulignait pour sa part dans un dossier que

Les cuisines sont souvent petites, voire minuscules, même dans les meilleures adresses de Montréal. Les heures de travail sont longues. La tâche est dure, quelques chefs le sont aussi, ce qui peut mener aux pires dérapages

On apprend aussi que « […] 20 % des employés en restauration consomment drogue ou alcool alors qu’ils sont au travail, souvent avec leurs collègues ou leur employeur, et 65 % consomment directement après le quart de travail. » Pas exactement un signe d’un milieu de travail sain quoi.

Il ne faut pas s’étonner après de la « pénurie de la main-d’oeuvre » qui touche particulièrement ce secteur d’activité, allant jusqu’à entraîner parfois la fermeture d’un McDonald ou d’un PFK (Quelle perte! J’en pleure.). Comme le souligne d’ailleurs certains auteurs, les conditions de travail dégradantes dans ce milieu y sont pour beaucoup et ne peuvent être simplement balayées de la main.

Il apparaît donc nécessaire de se pencher sur les conditions de travail des travailleur-e-s de la restauration, la fameuse pénurie de main-d’œuvre pouvant devenir un outil améliorant le rapport de force face à l’employeur. Ou alors on peut trouver que ces emplois cheap constituent une « belle opportunité » pour les nouveaux arrivants… comme quoi tout le monde n’est pas égal sur les marchés du travail où travail atypique et précarité se conjuguent au pluriel.

Heureusement, il existe des alternatives (avec toutes leurs limites) comme les coopératives de travail dans la restauration, certaines existant depuis plusieurs années. Sinon, pas le choix de se syndiquer semblerait.

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