vendredi 12 octobre 2018

Compte rendu: Panel "Action publique et précarité au Québec: Enjeux actuels"


Entre le 27 et 29 Septembre a eu lieu la troisième édition du colloque internationale du GIREPS (Groupe de recherche interuniversitaire et interdisciplinaire sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale) avec le sujet « Le travail qui rend pauvre ». Dans le cadre de ce colloque, une séance a été consacrée aux développements récents au Québec dans la matière de l’action publique et de la précarité. Cette séance, structuré par trois présentations sur des sujets différents mais liés dans la thématique, m’a spécialement marqué par les similarités qui semblent exister entre mon pays d’origine, la Suisse, et la province du Québec.

Même si ce compte-rendu va se focaliser sur la troisième présentation de la séance, qui parlait des conditions de travail dans l’action communautaire autonome, les deux premières vont rapidement être présentées. La première parlait d’une recherche sur l’aide sociale au Québec et les questions de stigmate et d’intégration sociale. Les différentes lois sur l’aide sociale ont été présentées par Diane Gagné, avant que Anthony Desbiens a discuté un certain nombre de citations des personnes assistées. Malheureusement, cette dernière partie très intéressante a été limitée par le manque de temps, ne permettant pas d’aller dans le détail. Indépendamment de ceci, des similitudes avec la situation suisse se sont montrés. La deuxième présentation s’intéressait aux conditions de travail des travailleurs immigrants temporaires, ou les différences ente la situation des travailleurs agricoles (qui vivent et travaillent en groupe) et celle des travailleuses domestiques (qui vivent et travaillent de manière isolées) ont été mises en avant par Martin Gallié. De plus, une discussion théorique autour de la notion du « travail non-libre » a eu lieu. Vu qu’il n’existe plus de permis de travail saisonnier en Suisse depuis 1991 (respectivement 2002 pour les ressortissants de l’Union Européenne) et que les travailleuses domestiques ne sont pas soumises à des conditions d’immigration différentes que les travailleurs et travailleuses dans d’autres métiers, l’absence de protection légale garanti à ces personnes me semble scandaleux dans un pays dit « développé ».

Maintenant donc sur la troisième et dernière présentation de cette séance, qui portait le titre « L’action communautaire autonome au Québec : un portrait des conditions de travail ». Mylène Fauvel de l’Université de Montréal, Céline Métivier du Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) et Annik Patriarca de Au bas de l’échelle (ABE) ont toutes les trois présentées une partie de cette intervention (ce qui n’as malheureusement pas augmenté la qualité de la présentation). Dans une première étape, l’action communautaire autonome au Québec est présentée, avec ~60'000 emplois et plus que 425'000 bénévoles qui s’y engagent. La majorité des personnes qui y travaillent sont des femmes, souvent hautement qualifiées (comme c’est aussi le cas en Suisse). Selon Patriarca, le plus grand problème, comme probablement partout dans le monde dans le milieu associatif, est le manque de financements (stables) qui ne permet pas de payer de manière adéquate les employé(e)s  ou d’en engager assez pour la charge de travail qui existe (sans parler du manque de financement pour offrir leurs services à tout le monde qui en aurait éventuellement besoin). En plus, avec les politiques d’austérité qui se sont installés les derniers décennies, la charge de travail pour les différentes associations augmente car la population précarisée n’a plus accès aux services publiques, tant que le financement publique n’augmente pas ou que de manière largement insuffisante.
Dans une deuxième partie de la présentation, la recherche partenariale est rapidement présentée. Les deux buts de la recherche serait de dresser un portrait des conditions de travail dans l’action communautaire autonome ainsi que d’analyser les pratiques de gestion à l’intérieur de ces associations. Malheureusement, au moment du colloque, la recherche n’est pas encore assez avancée pour pouvoir traiter le deuxième aspect. La suite de la présentation se focalise donc sur les conditions de travail dans ce milieux, ou le salaire moyen est de 17,71$/h pour les employés en temps plein et de 16,27$/h pour les employés en temps partiel, clairement pas en lien avec le niveau de formation souvent universitaire des femmes qui y travaillent. En plus, les employé(e)s dépendent fortement du financement public, si ces derniers sont que de manière temporaire, les contrats de travail sont aussi des contrats non-permanents. Ceci après semble créer des différences importantes entre les employé(e)s permanent(e)s et non-permanent(e)s, selon les panelistes.
En dernière étape ont été rapidement présentées quelques déclarations des employé(e)s sur les aspects positifs et négatifs du travail dans ce milieu. Les éléments positifs cités souvent sont donc l’autonomie au travail, la conciliation travail-famille qui est rendu possible, et bien sûr les valeurs défendus à travers ce type de travail et l’idée que le travail qu’on fait chaque jour « a du sens ». Sur l’autre côté, le manque de financement et la surcharge de travail importante, combiné avec le fait qu’il n’existe souvent pas un responsable qui distribue le travail, fait que les employé(e)s prennent souvent une partie de leur travail à la maison et qu’il n’y a pas de « temps libre » clairement définit. Les panelistes mettent aussi l’accent sur le fait que ce type de travail est seulement possible dans des situations économiques spécifiques (si par exemple la jeune femme habite encore chez ses parents et ne doit pas payer un loyer) et que beaucoup des employé(e)s regrettent de ne pas pouvoir continuer ce type de travail dans le long terme.

Il est donc intéressant de voir que dans ce milieu qui lutte pour le respect des droits des populations précarisées, les droits des employé(e)s devraient aussi être défendus. Vu que les employé(e)s sont de manière quotidienne en contact avec des personnes qui sont dans des situations encore beaucoup plus précaires, il ne semble pas surprenant que c’est difficile pour eux de lutter pour leurs propres droits. Il serait donc très intéressant de voir la suite de la recherche sur les stratégies de gestion dans ce milieux et de voir si la protection des droits de leurs employé(e)s fait partie de l’agenda ou pas du tout.

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