Pour sa première année de vie,
le mouvement « Me Too » a bénéficié de manifestations à la hauteur de
ses accomplissements. Fin septembre, des lignes de piquetage se sont formées
dans plusieurs succursales McDonald à travers les États-Unis avec des slogans
tels que « I’m not on the menu » ou encore « I’m not loving
it ». Ces manifestations ont un double objectif, d’abord celui de dénoncer
les abus sexuels qui sont monnaies courantes chez les superviseurs et managers du géant de la
restauration rapide. Mais aussi l’augmentation du salaire des employé.es à 15$
et un droit aux syndicats[1].
Cet événement est particulier puisqu’on
n’a pas l’habitude d’utiliser le piquetage comme outil de dénonciation des abus
sexuel dans le milieu du travail. En fait le phénomène ne s’était pas vu aux États-Unis
depuis 1912[2]
. C’est qu’on privilégie habituellement les négociations moins publiques pour
régler ce genre de dossiers. Mais les employé.es du McDonald, voyant leurs
multiples plaintes balayées du revers de la main, et leur revendications pour une augmentation salariale
ignorées, ont décidé d’agir. C’est donc que cette action prend en comte plusieurs
aspects de la vie des travailleurs.euses. Si on a tendance a considérer les agressions sexuelles comme un
« problème de femmes » et les salaires trop bas comme un « problème
de travailleurs », ces manifestations montrent bien les doubles luttes que
peuvent mener les travailleurs.euses et mêle l’économique à la justice sociale.
Et c’est efficace. Comme ça a été le cas pour le
« 15 and fairness » en Ontario, pour construire un mouvement
populaire fort, il faut d’abord une large base de travailleurs mobilisés, et ce
même à l’extérieur des syndicats. Mais il faut aussi, pour atteindre le niveau
régional ou national, que chaque localité ait une capacité d’organisation [3]. Ici,
les manifestant.es regroupé.es dans des municipalités de partout au pays, ne
sont pas syndiqué.es, le mouvement émane donc réellement des travailleurs.euses.
eux.elles. même. Et le piquetage
constitue ici la dernière forme d’action possible : amener les problèmes
dans l’espace public après l’échec des moyens traditionnels plus discrets.
On admet ici un système de travail ou
les employées vivent de multiples pressions : l’échange de faveurs
sexuelles pour éviter la perte d’un revenu de travail déjà considéré comme
précaire. Ce phénomène rejoint quelque part les théories du féminisme
matérialistes, selon lesquelles
patriarcat et capitalisme seraient intrinsèquement liés. Colette Guillaumin explique par exemple que l’appropriation
du corps et du travail est partie intégrante de ce système et que la violence peut
contribuer à le perpétuer [4]. Finalement,
il faut rappeler qu’il existe des divisions de race et de sexe au sein des
classes, c’est pourquoi le fait de placer ici la lutte pour l’émancipation des femmes
au même niveau que les luttes salariales est crucial.
On associe souvent le mouvement Me Too au milieu hollywoodien puisque
c’est là que le fameux hashtag a
été popularisé. En vérité le terme a plutôt été inventé par Tarana Burke, une
activiste des libertés civiles aux États-Unis et visait spécifiquement les
femmes racisées et à bas revenus[5]. On
peut donc dire que le mouvement transcende les classes, et qu’il a atteint son
objectif de départ. Les réponses de McDonalds restent à voir.
[1] LYDERSEN, Kari. “'I'm not on the menu': McDonald's workers strike
over 'rampant' sexual harassment”, The
Guardian. Mis à jour le 18 septembre 2018 <https://www.theguardian.com/business/2018/sep/18/mcdonalds-workers-strike-over-rampant-sexual-harassment>, consulté le 1 octobre 2018.
[2] ORLECK, Anneline.
« #Me too and McDonalds », Jacobin.
Mis à jour le 20 septembre 2018 <https://jacobinmag.com/2018/09/mcdonalds-strike-metoo-sexual-harassment-organizing>, consulté le 1 octobre 2018.
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