jeudi 30 novembre 2017

Une « diversité » qui profite aux employeurs.

Toute une paire de manche attend celui ou celle qui pense pouvoir être en mesure de  teindre de syndicalisme ne serait-ce qu’au minimum une multinationale comme McDonald’s. En effet, l’entreprise semble disposer des tous les outils à la fois interne (système cellulaire de division des responsabilités, grandes firmes juridiques à sa solde etc.) et externe (main d’œuvre malléable et bon marché, zones grises législatives) pour pouvoir se passer d’être « union-friendly ». Si cette courte entrée de blogue s’attarde plus à la dynamique qui s’opère au sein même des travailleurs de l’industrie du fast-food, bien d’autres explications sont toutefois nécessaires à la quasi-invisibilité du syndicalisme dans ce milieu.
La réalité des travailleurs.
Un facteur essentiel caractérisant les travailleurs dans l’industrie du fast-food est sans doute l’hétérogénéité de leur milieu social, allant de donc de pair avec les différentes motivations qu’ils ont à travailler dans ce milieu. Par exemple, pour deux personnes occupant un même poste de caissière chez Burger King, peut-on simplement affirmer qu’Émilie (personne fictive), étudiante au Cégep du Vieux-Montréal, venant d’une famille à moyen revenu, ne travaillant qu’une quinzaine d’heures semaine peut être classée en situation précaire au même titre que Fatima (personne fictive), 41 ans, fraîchement débarquée du Maroc et ayant 3 enfants à élever? Cette question anodine nous ramène à ce que Guy Standing mentionnait dans son ouvrage « The Precariat » : nous n’entrons pas tous de la même manière dans les milieux de travail précaire. Les caractéristiques multiples entre les travailleurs dans l’industrie du fast-food constituent un obstacle majeur à leur propre organisation et les employeurs ne sont bien sûr pas dupes, ils jouent à souhait sur ce terrain qui leur est avantageux. Or, cette hétérogénéité de la main d’oeuvre dont disposent les chaînes de fast-food, pervertie à souhait à travers leur politique d’embauche se targuant d’être des mouvements de « diversité », leur permet en même temps de tenir les syndicats bien éloignés.
Les  différents besoins tournant autour d’un revenu aussi minime soit-il me laisse donc perplexe quant à la possibilité de pouvoir introduire une certaine solidarité au sein de cette classe de travailleurs. Le simple fait de s’impliquer à vouloir, en tant que travailleur, introduire un syndicat au sein d’une franchise de McDonald’s peut automatiquement susciter des réactions intérieures aussi diverses que « cool je vais pouvoir ajouter cela à mes expériences de travail » pour Émilie à, « vais-je perdre mon emploi et ne pas être en mesure de nourrir ma famille? » pour Fatima.
Par ailleurs, une autre réalité majeure qui rend la tâche difficile quant à la syndicalisation dans l’industrie du fast-food se trouve à être le fort taux de « turn-over », c’est-à-dire le taux de remplacement des postes le plus souvent au bas de l’échelle salariale de cette industrie. Certains auteurs (T. Royle, E. Schlosser) nous apprennent qu’à son plus haut, ce taux peut atteindre 400% par année ce qui veut dire une nouvelle personne à chaque poste tous les 3 mois. Cette réalité est en forte contradiction avec le syndicalisme américain ou canadien, organisé en unité et qui nécessite un vote en son sein pour continuer à pouvoir exercer des négociations avec le patronat. Or, même du point de vue des organisations syndicales, se disent-elles qu’il en vaut la peine de mettre de l’énergie à organiser des travailleurs qui quittent leur emploi tous les 3 mois, certainement que non.
Enfin, je suis donc d’avis qu’il existe une certaine mentalité au sein du précariat, une mentalité individualiste non pas par égoïsme mais par manque de connaissances sur le pouvoir effectif de la solidarité. Une mentalité qui pousse ainsi l’employé à quitter son poste une fois à bout pour recommencer un cycle similaire ailleurs dans un même type d’emploi. Le peu de culture collective qui règne au sein de cette classe les empêche de penser à organiser leur milieu de travail au lieu de le quitter le plus souvent qu’autrement sur un coup de tête.
Par Ludovic Chouachi 


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