lundi 27 novembre 2017

L'esclavage au 21e siècle

Les discours naturalisant la pérennité d’inégalités et d’injustices à travers le monde sont nombreux et témoignent de l’attitude frivole des pays développés quant aux pays sous-développés ou en développement. En effet, il n’est pas rare lors de conversations d’entendre un propos un peu trop progressiste se faire nuancer par la simple intervention «c’est encore drôle, ce n’est pas le cas dans tous les pays...». Récemment, suite à la révélation des marchés aux esclaves libyens, des individus du monde entier (qu’il s’agisse de journalistes ou de citoyens lambda) soulignent le caractère invraisemblable des faits puisque trop contradictoires avec les idéaux humanistes qui traversent les sociétés en 2017. Si des écrits soutiennent encore que «la seule chose en Afrique qui ne soit pas en train d’évoluer à grande vitesse est peut-être tout simplement la perception que nous en avons» (1) , je dirais bien que c’est l’inverse qui se produit. Le monde semble avoir une représentation de l’Afrique notamment, teintée d’humanisme alors même que l’extrême réalité nous est bien cachée.

Si dans le cadre de ce cours, les concepts et théories abordées permettent de recouvrir des situations de travail précaires, aliénantes, dégradantes et dangereuses qui persistent encore et prennent de nouvelles formes ; l’esclavage et la torture des travailleurs n’y sont même pas évoqués puisqu’il est complètement aujourd’hui de l’ordre du bon sens que de ne pas user de violences physiques sur les travailleur.e.s. Une étude montre que «les femmes et les filles sont plus durement touchées par l’esclavage moderne, représentant près de 29 millions de personnes, soit 71 % du total. Les femmes représentaient 99 % des victimes de travail forcé dans l’industrie du sexe et 84 % des victimes de mariages forcés. Et ce fléau n’épargne pas les enfants, qui représentent un quart des victimes d'esclavage. Par ailleurs, selon l’OIT, environ 152 millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans étaient contraints au travail en 2016» (2) . On peut tout de suite 2 noter que les huit conventions fondamentales de l’OIT ne sont pas respectées, notamment puisque non sanctionnées.

Des conditions pareilles sont dues à plusieurs facteurs. Premièrement, les pays «du Nord» maintiennent une relation que l’on pourrait qualifier de «néo-coloniale» envers certains pays du Sud. Effectivement, certains pays d’Afrique se voient imposés encore aujourd’hui leur propre monnaie (franc CFA, dévalué depuis 1994) et leurs politiques publiques, qui doivent être axées autour de l’exportation. Ainsi donc, il n’est plus envisageable de récolter les bénéfices de son travail agricole, et celui-ci est même soumis à l’objectif occidental de productivité – d’autant plus que les multinationales pèsent sur les lieux. Sécheresse, famines et tensions politiques internes s’ensuivent.

Deuxièmement, le problème vient aussi de l’intérieur des pays d’Afrique eux-mêmes puisque la plupart vivent aujourd’hui les conséquences des Plans d’Ajustement Structurel des années 1990. Il s’agissait pour les pays du Nord d’imposer aux pays endettés des mesures drastiques afin de rééquilibrer leur balance des paiements. Cela passait par une réduction stricte du budget des politiques sociales, une austérité forcée mais limitée bousculant tout le marché de l’emploi et les conditions de vie des travailleurs, mais également les relations entre les gouvernements et leur société. Contestations civiles, manque de confiance en l’État, instabilité politique, répression, pauvreté, etc. sont autant de raisons qui forcent les citoyens à tenter d’améliorer la situation par eux-mêmes : développer des nouvelles formes de travail informel hors de toute administration, ou émigrer, lorsque le système politique empêche tout changement. 

C’est là que le trafic d’être humain naît en Libye. Ils sont appelés «diamants noirs» et représentent une source de revenu importante qui plus est facilitée puisque le trafic passe nécessairement hors de toute démarche administrative. Il fonctionne parce qu’il permet à certains de quitter la misère dans laquelle ils sont plongés, en émigrant de Libye ou en y immigrant depuis leur pays d’origine. Il fonctionne encore aujourd’hui puisqu’il est passé sous silence par les pays du Nord qui privilégient les campagnes électorales et l’accès à de nouveaux marchés pétroliers, au respect des droits humains. Les pays du Nord sont donc venus imposer leur présence, puis leur modèle, puis les conséquences de leurs décisions aux pays du Sud et l’on s’interroge aujourd’hui sur leur intervention dans ces derniers. 

Effectivement, les politiques interventionnistes du Nord et du Sud, sur le Sud ont mené à cette situation. Afin de mettre un terme à cette situation, on peut se demander s’il faut plutôt miser comme Hernando De Soto sur la capacité des populations à créer de nouvelles formes de travail qui permettraient de faire redémarrer l’économie locale au détriment de l’internationalisation des marchés, mais au risque de voir les choses empirer puisque les États pourront se déresponsabiliser de tout «dérapage» ? Faut-il à l’inverse, attendre des États qu’ils interviennent afin de d’assurer un meilleur déroulement des marchés et de reconstruire leur rapport aux populations ? Cette mesure vaut-elle pour l’intervention nationale ou internationale ? Est-ce vraiment ce que l’on peut souhaiter de meilleur à l’Afrique que de la voir modifier ses mesures afin d’établir une nouvelle relation entre ses État et leurs habitants qui ressemble de plus en plus à celle des sociétés occidentales néolibérales qui fonctionnent grâce à l’esprit entrepreneurial de l’individu autonome alors même que «l’esprit africain» est fondé autour du partage ? 

1 (DICKINSON, Elizabeth, «L’Afrique des classes moyennes», mis à jour le 06 Juin 2012, consulté le 23 Avril 2017, 
2 http://www.france24.com/fr/20171120-esclavage-moderne-libye-pays-monde-cnn-travail-sexuel-domestique-mariage-for) ce 

Par Amelie Rouleau
Sources : Le Fil d’Actu : https://www.youtube.com/watch?v=_D52iYTAkqE&feature=youtu.be

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