Un article de
l’OBS paru le 2 novembre révélait les disparités salariales actuelles entre les
hommes et les femmes dans les pays occidentaux. En moyenne, les femmes « gagneraient 15,8% de moins que les hommes[1] ».
En France, par exemple, les inégalités à ce niveau sont si importantes que l’on
estime qu’à compter du 3 novembre 2017 à 11h44, les femmes travailleraient bénévolement
jusqu’à la fin de l’année si l’on compare leurs revenus à ceux de leurs
homologues masculins[2].
Au Québec, on enregistre également un décalage entre la rémunération des hommes
et celle des femmes : les femmes québécoises gagneraient, en moyenne, 2,93$
de l’heure de moins et seraient surreprésentés dans les emplois à faible
rémunération, « soit dans les strates de 20$ de l’heure et moins [3]».
Pourtant, de nombreuses mesures légales et politiques ont été mises sur pied,
au courant des dernières décennies au Québec pour assurer, d’une part, un accès
« relativement » équitable au marché du travail et, d’autre part, une
équité salariale tant dans le secteur public que privé. Il est donc
primmordial, dans ce contexte, de procéder à une brève analayse des dynamiques genrées
dans le milieu du travail qui évoquent les limites du cadre légal et syndical
actuel à l’ère du néolibéralisme.
Comprendre
les causes profondes de l’inégalité salariale et de l’accessibilité à l’emploi :
héritage historique, rapports sociaux et mondialisation néolibérale
Les inégalités
entre les hommes et les femmes ont des causes historiques qui se matérialisent
aujourd’hui sous la forme d’une « violence réelle » ayant à la
fois une rhétorique symbolique, étatique, culturelle et sociale[4].
Dans le cas canadien et québécois, le cadre juridique tente d’assurer une
égalité homme-femme mais égalité des droits ne riment pas forcément avec
égalité des faits. D’une part la socialisation du genre engendre, jusque dans
une certaine mesure, le cantonnement des femmes dans des représentations
sociales ce qui explique, entre autres, la charge du care qu’elles assument et
qui peut limiter l’accessibilité à certaines professions/emplois[5]
et leur surreprésentation dans des types d’emplois considérés comme « féminin »
et souvent moins bien rémunérés. En effet, tel que rapporté par Boulet dans Même profession, salaires différents
: les femmes professionnelles moins bien rémunérées, « les
emplois typiquement féminins sont moins bien rémunérés que ceux typiquement
masculins parce que les compétences et le travail des femmes ont toujours été
sous-estimés[6] ». D’autre part, la dynamique
entre de la classe sociale, les opportunités sociales et le genre ne doit pas
être ignorée lorsqu’on cherche à comprendre l’inéquité salariale à l’ère du
néolibéralisme au Québec[7]. En effet, tel que rapporté
par Dufoix dans Le sexe de la Mondialisation : Genre, race et
classe et nouvelle division sexuelle du travail, « les femmes sont touchées de
manière différente des hommes » par le néolibéralisme et elles
« constituent l’une des principales sources de profit pour le capitalisme
global […][8]». Le néolibéralisme et la mondialisation ont
exacerbés les inégalités sociales et la division sexuelle du travail au
détriment de certaines catégories de femmes qui se retrouvent à occuper des
emplois de « bas échelle » et précaires sans possibilité d’ascension
sociale. Un article de la Presse Canadienne publié en mars 2017 rapportait le
même constat : « Les femmes se retrouvent aussi plus nombreuses
dans les emplois moins rémunérés (…) Elles sont plus nombreuses dans des industries comme le
commerce ainsi que l'hébergement et la restauration [9]».
Conclusion : Les enjeux syndicaux
Pour
conclure, il est important de mentionner que l’équité salariale doit passer par
des mesures politiques mais également par une action syndicale globale et
centrée qui englobe à la fois le secteur public et le secteur privé. Une
réflexion sur les dynamiques liées au genre s’impose également. Actuellement,
au Québec et au Canada, dans le secteur public, l’équité salariale entre les
hommes et femmes est relativement atteinte et le recours au « quota »
est relativement courant pour assurer une représentation équitable. Or, dans le
secteur privé, ces mesures ne sont pas forcément courantes et, dans certains
cas, les possibilités d’ascension professionnelle des femmes sont, encore une
fois, limitées.
Pour
ce qui est des enjeux syndicaux, les centrales syndicales ainsi que les groupes
de pression doivent continuer les négociations pour la syndicalisation des
emplois considérés comme « féminin ». Par exemple, les éducatrices en
CPE ou encore les femmes de ménage au sein des agences.
Par Justine Chenier
[1] L’OBS. « Mesdames, depuis 11h44
aujourd'hui, vous travaillez bénévolement ». Publié le 3 novembre 2017. En
ligne :https://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20171102.OBS6855/mesdames-depuis-11h44-aujourd-hui-vous-travaillez-benevolement.html. Consulté
le 9 novembre 2017
[1] L’OBS. « Mesdames, depuis 11h44
aujourd'hui, vous travaillez bénévolement ». Publié le 3 novembre 2017. En
ligne :https://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20171102.OBS6855/mesdames-depuis-11h44-aujourd-hui-vous-travaillez-benevolement.html. Consulté
le 9 novembre 2017
[3] Radio-Canada. « Rémunération : les femmes
font des gains, mais lentement ». La Presse Canadienne. Publié le 6 mars
2017. En ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1020714/remuneration-femmes-hommes-amelioration-dix-ans-annuaire-institut-statistique-quebec-equite-salariale. Consulté le 9 novembre 2017
[5] Lanctot.Aurélie. « Les libéraux n’aiment
pas les femmes ». Lettres libres.
Montréal. Octobre 2015.
[6] Boulet.Maude. « Même
profession, salaires différents : les femmes professionnelles moins bien
rémunérée ». Institut de la
statisque du Québec. Mars 2014. En ligne : http://www.bdso.gouv.qc.ca/docs-ken/multimedia/PB01600FR_FemmeVsHomme2014H00F00.pdf
[7] En d’autres termes, lorsqu’on parle
d’accessibilité à l’emploi et de conditions de travail, nombre de femmes sont
confrontés à des inégalités liées à l’intersection entre le genre, la race et
la classe.
[8]Falquet Jules, Hirata Helena, Kergoat Danièle et
al., Le sexe de la
mondialisation. Genre, classe, race et nouvelle division du travail. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.),
« Académique », 2010, 344 pages. En ligne : https://www.cairn.info/le-sexe-de-la-mondialisation--9782724611458.htm
Consulté le 2 novembre 2017
[9] Radio-Canada. « Rémunération : les femmes
font des gains, mais lentement ». La Presse Canadienne. Publié le 6 mars
2017. En ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1020714/remuneration-femmes-hommes-amelioration-dix-ans-annuaire-institut-statistique-quebec-equite-salariale. Consulté le 9 novembre 2017
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