vendredi 10 novembre 2017

LE MARCHÉ DU TRAVAIL ET LES FEMMES : ENTRE INÉGALITÉS, VIOLENCE SYMBOLIQUE ET ENJEUX SYNDICAUX


Un article de l’OBS paru le 2 novembre révélait les disparités salariales actuelles entre les hommes et les femmes dans les pays occidentaux. En moyenne, les femmes « gagneraient 15,8% de moins que les hommes[1] ». En France, par exemple, les inégalités à ce niveau sont si importantes que l’on estime qu’à compter du 3 novembre 2017 à 11h44, les femmes travailleraient bénévolement jusqu’à la fin de l’année si l’on compare leurs revenus à ceux de leurs homologues masculins[2]. Au Québec, on enregistre également un décalage entre la rémunération des hommes et celle des femmes : les femmes québécoises gagneraient, en moyenne, 2,93$ de l’heure de moins et seraient surreprésentés dans les emplois à faible rémunération, « soit dans les strates de 20$ de l’heure et moins [3]». Pourtant, de nombreuses mesures légales et politiques ont été mises sur pied, au courant des dernières décennies au Québec pour assurer, d’une part, un accès « relativement » équitable au marché du travail et, d’autre part, une équité salariale tant dans le secteur public que privé. Il est donc primmordial, dans ce contexte, de procéder à une brève analayse des dynamiques genrées dans le milieu du travail qui évoquent les limites du cadre légal et syndical actuel à l’ère du néolibéralisme.

Comprendre les causes profondes de l’inégalité salariale et de l’accessibilité à l’emploi : héritage historique, rapports sociaux et mondialisation néolibérale

Les inégalités entre les hommes et les femmes ont des causes historiques qui se matérialisent aujourd’hui sous la forme d’une « violence réelle »  ayant à la fois une rhétorique symbolique, étatique, culturelle et sociale[4]. Dans le cas canadien et québécois, le cadre juridique tente d’assurer une égalité homme-femme mais égalité des droits ne riment pas forcément avec égalité des faits. D’une part la socialisation du genre engendre, jusque dans une certaine mesure, le cantonnement des femmes dans des représentations sociales ce qui explique, entre autres, la charge du care qu’elles assument et qui peut limiter l’accessibilité à certaines professions/emplois[5] et leur surreprésentation dans des types d’emplois considérés comme « féminin » et souvent moins bien rémunérés. En effet, tel que rapporté par Boulet dans Même profession, salaires différents : les femmes professionnelles moins bien rémunérées, « les emplois typiquement féminins sont moins bien rémunérés que ceux typiquement masculins parce que les compétences et le travail des femmes ont toujours été sous-estimés[6] ». D’autre part, la dynamique entre de la classe sociale, les opportunités sociales et le genre ne doit pas être ignorée lorsqu’on cherche à comprendre l’inéquité salariale à l’ère du néolibéralisme au Québec[7]. En effet, tel que rapporté par Dufoix dans Le sexe de la Mondialisation : Genre, race et classe et nouvelle division sexuelle du travail, « les femmes sont touchées de manière différente des hommes » par le néolibéralisme et elles « constituent l’une des principales sources de profit pour le capitalisme global […][8]».  Le néolibéralisme et la mondialisation ont exacerbés les inégalités sociales et la division sexuelle du travail au détriment de certaines catégories de femmes qui se retrouvent à occuper des emplois de « bas échelle » et précaires sans possibilité d’ascension sociale. Un article de la Presse Canadienne publié en mars 2017 rapportait le même constat : « Les femmes se retrouvent aussi plus nombreuses dans les emplois moins rémunérés (…) Elles sont plus nombreuses dans des industries comme le commerce ainsi que l'hébergement et la restauration [9]».

Conclusion : Les enjeux syndicaux

Pour conclure, il est important de mentionner que l’équité salariale doit passer par des mesures politiques mais également par une action syndicale globale et centrée qui englobe à la fois le secteur public et le secteur privé. Une réflexion sur les dynamiques liées au genre s’impose également. Actuellement, au Québec et au Canada, dans le secteur public, l’équité salariale entre les hommes et femmes est relativement atteinte et le recours au « quota » est relativement courant pour assurer une représentation équitable. Or, dans le secteur privé, ces mesures ne sont pas forcément courantes et, dans certains cas, les possibilités d’ascension professionnelle des femmes sont, encore une fois, limitées.

Pour ce qui est des enjeux syndicaux, les centrales syndicales ainsi que les groupes de pression doivent continuer les négociations pour la syndicalisation des emplois considérés comme « féminin ». Par exemple, les éducatrices en CPE ou encore les femmes de ménage au sein des agences.


Par Justine Chenier

[1] L’OBS. « Mesdames, depuis 11h44 aujourd'hui, vous travaillez bénévolement ». Publié le 3 novembre 2017. En ligne :https://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20171102.OBS6855/mesdames-depuis-11h44-aujourd-hui-vous-travaillez-benevolement.html. Consulté le 9 novembre 2017

[2] Ibid.
[3] Radio-Canada. « Rémunération : les femmes font des gains, mais lentement ». La Presse Canadienne. Publié le 6 mars 2017. En ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1020714/remuneration-femmes-hommes-amelioration-dix-ans-annuaire-institut-statistique-quebec-equite-salariale. Consulté le 9 novembre 2017
[4]  Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, tome 2, L'expérience vécue, 1949, pp. 13-48
[5]  Lanctot.Aurélie. « Les libéraux n’aiment pas les femmes ». Lettres libres. Montréal. Octobre 2015.
[6] Boulet.Maude. « Même profession, salaires différents : les femmes professionnelles moins bien rémunérée ». Institut de la statisque du Québec. Mars 2014. En ligne : http://www.bdso.gouv.qc.ca/docs-ken/multimedia/PB01600FR_FemmeVsHomme2014H00F00.pdf
[7] En d’autres termes, lorsqu’on parle d’accessibilité à l’emploi et de conditions de travail, nombre de femmes sont confrontés à des inégalités liées à l’intersection entre le genre, la race et la classe.
[8]Falquet Jules, Hirata Helena, Kergoat Danièle et al.Le sexe de la mondialisation. Genre, classe, race et nouvelle division du travail. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), « Académique », 2010, 344 pages. En ligne : https://www.cairn.info/le-sexe-de-la-mondialisation--9782724611458.htm Consulté le 2 novembre 2017
[9] Radio-Canada. « Rémunération : les femmes font des gains, mais lentement ». La Presse Canadienne. Publié le 6 mars 2017. En ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1020714/remuneration-femmes-hommes-amelioration-dix-ans-annuaire-institut-statistique-quebec-equite-salariale. Consulté le 9 novembre 2017

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