Un article d’Andréanne Chevalier paru le 18 novembre dans Le
Devoir se pose la question de l’employabilité d’une femme enceinte et des
tabous qui entourent la question. À prime à bord, la question peut soulever un
choc pour certains alors que pour d’autres, poser la question c’est y répondre.
Cependant, tout ce qui entoure la question de la différence entre les femmes et
les hommes sur le marché du travail s’avère être d’une sensibilité. Un
directeur d’entreprise interrogé pour répondre à la question dit clairement son
point de vue qui va dans le sens d’une incompatibilité entre la période où la
femme est enceinte et le fait de postuler pour un emploi. Des arguments comme
la perte de temps et le fait qu’il devra engager deux employé(e)s pour combler
un seul poste est problématique pour lui. Par ailleurs, il soutient la thèse de
plusieurs autres interrogés qui trouvent la question très touchy
puisqu’il se trouve dans un dilemme entre son entreprise et l’aspect moral de
la question. Un autre directeur soutient que son patron ne serait pas en accord
avec la décision d’engager une femme enceinte. Par la suite, des femmes sont
aussi interrogées sur la question et leur point de vue est semblable à celui
des hommes. Étonnamment, les femmes interrogées ont une tendance vers le
scepticisme quant au fait de postuler pour un emploi alors qu’elles sont
enceintes. Le fait de débuter un emploi et de devoir abandonner pour un certain
moment semble les rendre mal à l’aise et la plupart s’entendre pour dire qu’a
la place du patron, elles n’engageraient probablement pas une femme enceinte.
Mais qu’en est-il d’un point de vue légal ? La Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse stipule dans l’article 10 de la
Charte des droits et libertés de la personne que la discrimination fondée sur
la grossesse est interdite, notamment à l’embauche. Exercer une telle pratique
serait répréhensible de poursuite en justice notamment pour des dommages
matériels, moraux et punitifs. En 2003, La Société de l’assurance automobile du
Québec a dû dédommager une femme qui avait postulé comme contrôleur routier et
elle a réussi à prouver qu’elle n’a pas eu l’emploi puisqu’elle était enceinte.
Elle a donc reçu la somme de 37 628,20 $ en plus des avantages sociaux. Un
professeur de l’UQAM au Département d’organisation et ressources humaines,
Denis Morin, dit que l’embauche de femmes enceintes est une pratique fréquente
dans les secteurs syndiqués, les grandes entreprises et la fonction publique.
La réticence est plutôt propre à la PME. L’une des hypothèse est le taux de
femme travaillant dans ses secteurs qui seraient plus sensibles à la cause.
Les femmes devraient-elles, dans
un cas où elles souhaitent travailler pendant leur grossesse, mentionner à leur
potentiel futur employeur leur statut ? Pour Denis Morin, l’entrevue est un bon
moment pour mentionner à l’employeur le statut de femme enceinte puisque ce
serait un moment important quant au contrat psychologique entre l’employé et
l’employeur. Cependant, le mentionner en premier lieu n’est pas nécessaire, car
une femme ne devrait pas se sentir coupable d’être dans cette condition.
On peut donc affirmer que malgré
les avancés sociaux, les différences physiologiques constituent encore une
cause des inégalités sociales qui persistent entre les femmes et les hommes. En
ce sens, les femmes désirant entamer une nouvelle carrière ou avoir un nouvel
emploi et qui sont enceintes se doivent, dans certains cas, faire un choix
important puisque trouver un emploi stable et permanent représente un certain
défi comparativement à l’homme. On peut donc faire un lien avec la
surreprésentation des femmes dans le travail atypique puisqu’il est plus facile
pour ses femmes de trouver des emplois temporaires, à temps partiels ou tout
simplement un contrat « en attendant ». Encore une fois, la femme est
désavantagée sur le marché du travail. Certaines femmes doivent mettre une
pause sur leur carrière ou tout simplement reporter le début de celle-ci au
détriment de la grossesse.
Par Jérémie Meynard
Lien : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/513322/engageriez-vous-une-femme-enceinte
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