« Aujourd’hui,
quelque 2 millions de personnes vivent avec un trouble psychique sévère
(bipolarité, schizophrénie, dépression, burn-out, etc.) ». Ce nombre n’est
pas négligeable et il devient nécessaire de mettre l’emphase sur ce problème de
plus en plus présent dans notre société. En effet, ces troubles existent et
sont bien réels, cependant ils ne sont pas forcément pris en compte par les
entreprises qui font mine de ne rien voir. Pourtant, ce qui est rapporté par
Anne Rodier et selon le premier baromètre Santé mentale et emploi, 80% des
salariés interrogés pensent que les problèmes de santé mentale doivent être gérés
par l’entreprise. Par conséquent, c’est pour cette raison que l’Institut
Randstad et l’association Clubhouse France, qui sont spécialisées dans
l’accompagnement des personnes qui sont fragilisées psychiquement, ont publié
le mardi 10 octobre, le tout premier baromètre sur la santé mentale et
l’emploi, qui a été réalisé par l’institut Chrysippe. Ainsi, ce nouvel
instrument a été diffusé durant la Journée mondiale de la santé mentale afin de
mettre en place une prise de conscience autour de ces enjeux, que sont les
troubles psychiques au travail. L’objectif est donc de poser une réflexion sur
ce problème de plus en plus présent et d’assurer une meilleure prévention. De
plus, d’après Céline Aimetti, la déléguée générale de Clubhouse France, le
baromètre va être un nouveau moyen, outil afin de permettre aux employeurs de
mieux comprendre et mieux agir face à ces enjeux de société. On comprend donc
bien que c’est enjeu de taille dont on n’a pas encore véritablement les outils
nécessaires pour y faire face, alors que le problème est déjà bien présent. En
effet, dans une étude de la direction de la recherche, des études, de
l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé, publiée en mi
2014 ; il a été rapporté que 12% des femmes et 6% des hommes âgés de 30 à
55ans déclaraient être souffrant d’au moins un trouble mental, tel que le
trouble anxieux généralisé ou l’épisode dépressif caractérisé. Ainsi, cet
enjeu, nous fait de plus en plus nous interroger sur les conséquences que cela
peut avoir sur le maintien et la stabilité dans l’emploi de ces personnes
souffrants d’un trouble psychique. De ce fait, sur les personnes interrogées,
« plus de 20% invoquent une limitation d’activité » ; puis 20%
de ces individus qui étaient en emploi depuis 2006 et qui avaient déclaré
souffrir d’un trouble mental, avaient perdu leur emploi. Enfin, l’une des
principales caractéristiques de ce problème qui empêche sa prise de conscience
par les entreprises est son coût pour l’économie qui est jugé comme
« considérable ».
Par
conséquent, le titre de l’article prend tout son sens : « La
fragilité psychique des salariés cherche sa place dans le management ». Il
s’agit donc d’un enjeu en extension car un grand nombre de personnes sont
touchées et d’autres n’osent peut être pas encore en parler. Par ailleurs, ces
troubles mentaux de plus en plus présents dans les entreprises, découlent des
changements survenus au cours des années dans l’organisation du travail. En
effet, l’évolution de la technologie a occasionné des nouvelles formes
d’organisation et donc de nouvelles exigences de la part des employeurs. Comme
on a pu le voir avec l’organisation scientifique du travail de Taylor avec le
« one best way » et une division verticale du travail, dont le but
est d’aller vers une production déterminée par une action rationnelle. Puis,
avec une organisation scientifique du management, proposée par Fayol, sur une
base de réorganisation du management selon des principes militaires. Ou encore,
la chaîne de montage de Ford et son compromis fordisme, en passant par l’école
des relations humaines de Mayo. Ainsi, on a de nombreuses transformations du
travail, avec une triple rupture et donc une réduction de l’Etat, une
flexibilité de l’entreprise et une mise en réseau et l’accroissement de la
précarité des travailleurs. De ce fait, l’entreprise et l’employé sont de moins
en moins loyaux les uns envers les autres. On passe alors au néolibéralisme, vu
comme un programme de destruction des structures collectives au profit du
marché pur et un discours de domination qui favorise la précarisation des
employés selon Bourdieu. Et selon Dardot et Laval, le néolibéralisme est le
fruit d’une action continue et multiforme des états eux-mêmes sur leurs
manières de gouverner basé sur un principe de compétition entraînant
l’individualisation au travail. Cette mise en concurrence engendrée par le
néolibéralisme et le travail en miette, vu selon Friedman comme une
rationalisation du travail qui entraînerait la déqualification ouvrière, vont
entraîner les souffrances au travail, tel que le trouble mental et un sentiment
d’aliénation. Ainsi, l’instrumentalisation, les souffrances et la
déshumanisation du travail sont des dangers réels car elles peuvent projeter
l’emploi vers le marché périphérique du travail (travail atypique) comme on a
pu le voir avec la centrifugation de l’emploi de Durand. Donc, malgré les
progrès technologiques et l’automatisation, les charges de travail ne cessent
d’augmenter et c’est donc pour cela qu’il est plus que judicieux de réellement
prendre en compte les maux et les mots des employés souffrants dans les
entreprises.
Enfin,
le fait de toujours se trouver dans une logique productive, malgré les progrès
et les sensibilisations face aux troubles psychiques, nous empêche de changer
les choses car comme il est mentionné dans l’article, en France, « les
problèmes de santé mentale représentaient 15% des dépenses de la Caisse
nationale de l’assurance-maladie des travailleurs ». Ainsi, le but général
de la société et de produire toujours plus en minimisant les coûts et donc elle
ne peut se soucier du bien-être des travailleurs car cela engendrerait trop de
dépenses. Cependant, les souffrances, comme les troubles mentaux ou les TMS,
causés par la mise en concurrence et la surcharge de travail doivent être
prises en charge par l’entreprise et par l’Etat. Selon D’Argenson, ce sont les
patrons et le capitalisme qui exacerbe cette situation, car ils font un
diagnostic de l’élite fait pour l’élite.
Par Joy Pages
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