Déficitaire depuis
2014, Sears Canada a annoncé son intention de fermer définitivement ses 140
magasins au pays. En juin dernier, l’entreprise s’était mise sous la protection
de la Loi sur les faillites mais ne serait pas parvenue à cibler et à mettre en
application une stratégie de restructuration qui lui permettrait de continuer
son activité et de rembourser ses créanciers. Un Tribunal ontarien ayant
accepté le 13 octobre dernier la demande de liquidation de Sears Canada, plusieurs
dizaines de milliers d’employé.es seront mis à pied d’ici le mois de décembre.
Une faillite prévisible;
les employé.és écopent
Selon les responsables des communications chez Sears Canada, la
faillite de l’entreprise au Canada serait imputable à « l’état du marché du commerce en
détail [1]». Or,
du côté des directeurs des magasins et de la compagnie mère, on blâme la
stratégie de réinvention qui n’était pas adaptée et le fait que l’entreprise
ait trop tardée avant de se mettre sous la protection de la Loi sur les
faillites. Par ailleurs, Sears Canada avait défrayé les manchettes en juin
dernier lors de l’annonce de l’octroi de primes totalisant 7.6 millions de
dollars à ses cadres alors que l’entreprise était, à ce moment, dans
l’incapacité de rembourser ses créanciers et venait de mettre à pied près de
2900 employé.es qui travaillaient à la vente au détail. La fermeture de la
chaine de magasin entrainera une perte d’emploi chez plus de 12 000
travailleurs.euses, dont la majorité travaillait à temps partiel. Selon les
premières estimations, ils n’auront accès qu’à 81% de leurs fonds de retraitre,
voire beaucoup moins, après que les « créanciers auront été dédomagés[2]» et plusieurs
d’entre eux ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. Du côté des retraités
de Sears Canada, les allocations mensuelles provenant de leur régime à
prestations déterminées risquent également d’être coupées.
Les compagnies privées au
Canada et la précarisation de l’emploi à l’ère du néolibéralisme
En ce qui a trait à la gestion de la faillite par les
entreprises privées au Canada, il n’existe aucune contrainte légale les obligeant
à verser l’intégralité des fonds de retraite et une indémité de salaire « décente »
à leurs employé.es avant de rembourser leurs créanciers. L’admissibilité à
l’assurance-emploi est également soumise à de nombreux critères ce qui limite la
possibilité des travailleur.euses occupant un « emploi au bas de
l’échelle [3]»,
c’est-à-dire au salaire minimum, sans qualification requise, à temps partiel et
non-syndiqué, d’y accéder. Par ailleurs, certains manquements au niveau de la régulation
et de la règlementation du marché au Canada engendrent un environnement
compétitif pour les entreprises ce qui augmente inévitablement la précarisation
de plusieurs emplois. En d’autres termes, le développement des entreprises par
l’entremise de politiques néolibérales fédérales et provinciales est prévilégié
au détriment des conditions sociales et des droits syndicaux des
travailleur.euses qui sont soumis.es indirectement aux fluctuations du marché
ce qui est directement relié à l’ « essence du néolibéralisme [4]»
évoqué par Bourdieu.
Le sort actuel réservé aux employé.es travaillant dans la
vente au détat de Sears Canada est d’ailleurs similaire à celui qu’a connu les 17
000 travailleur.euses de l’entreprise Target au Canada qui avait été mis à pied
en janvier 2015. Dans les deux cas, la majorité des employé.es n’étaient pas
admissibiles à l’assurance-emploi et, vu la période durant laquelle s’est
effectuée les licenciments, soit après la période d’achalandage des fêtes, la
recherche d’un nouvel emploi était relativement difficile. Il est donc
impératif, sur la base des cas de Sears et de Target, dans le contexte actuel
de mondialisation, que le gouvernement canadien modifie les lois relatives à la
gestion de la faillite des entreprises pour éviter que les droits des
travailleur.seuses soient baffoués par des entreprises privées qui en tirent
profit.
Par Justine Chenier
[1] Radio Canada. « Colère
et inquiétude chez les employés de Sears Canada » En ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1060779/sears-canada-fermeture-colere-confusion-employes. Consulté le 1 novembre 2017
[2] Radio-Canada. « Sears
Canada ferme et les fonds de retraite des employés fondent » En
ligne : http://www.rcinet.ca/fr/2017/10/11/sears-fermeture-faillite-employers-fonds-retraite-pensions/.
Consulté le 1 novembre 2017
[3] Boucher, Marie-Pierre et Yanick
Noiseux. 2018 (À paraître) « Quarante ans de politiques d’emploi néolibérales
au Québec », Octares, France. p.8
[4] Bourdieu, Pierre. Mars 1998. «
L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, Paris, p. 11-15. [en
ligne]
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