dimanche 5 novembre 2017

Fermeture de Sears Canada : Les employé.es se sentent trahis par l’entreprise

Déficitaire depuis 2014, Sears Canada a annoncé son intention de fermer définitivement ses 140 magasins au pays. En juin dernier, l’entreprise s’était mise sous la protection de la Loi sur les faillites mais ne serait pas parvenue à cibler et à mettre en application une stratégie de restructuration qui lui permettrait de continuer son activité et de rembourser ses créanciers. Un Tribunal ontarien ayant accepté le 13 octobre dernier la demande de liquidation de Sears Canada, plusieurs dizaines de milliers d’employé.es seront mis à pied d’ici le mois de décembre.

Une faillite prévisible; les employé.és écopent
Selon les responsables des communications chez Sears Canada, la faillite de l’entreprise au Canada serait imputable  à « l’état du marché du commerce en détail [1]». Or, du côté des directeurs des magasins et de la compagnie mère, on blâme la stratégie de réinvention qui n’était pas adaptée et le fait que l’entreprise ait trop tardée avant de se mettre sous la protection de la Loi sur les faillites. Par ailleurs, Sears Canada avait défrayé les manchettes en juin dernier lors de l’annonce de l’octroi de primes totalisant 7.6 millions de dollars à ses cadres alors que l’entreprise était, à ce moment, dans l’incapacité de rembourser ses créanciers et venait de mettre à pied près de 2900 employé.es qui travaillaient à la vente au détail. La fermeture de la chaine de magasin entrainera une perte d’emploi chez plus de 12 000 travailleurs.euses, dont la majorité travaillait à temps partiel. Selon les premières estimations, ils n’auront accès qu’à 81% de leurs fonds de retraitre, voire beaucoup moins, après que les « créanciers auront été dédomagés[2]» et plusieurs d’entre eux ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. Du côté des retraités de Sears Canada, les allocations mensuelles provenant de leur régime à prestations déterminées risquent également d’être coupées.

Les compagnies privées au Canada et la précarisation de l’emploi à l’ère du néolibéralisme
En ce qui a trait à la gestion de la faillite par les entreprises privées au Canada, il n’existe aucune contrainte légale les obligeant à verser l’intégralité des fonds de retraite et une indémité de salaire « décente » à leurs employé.es avant de rembourser leurs créanciers. L’admissibilité à l’assurance-emploi est également soumise à de nombreux critères ce qui limite la possibilité des travailleur.euses occupant un « emploi au bas de l’échelle [3]», c’est-à-dire au salaire minimum, sans qualification requise, à temps partiel et non-syndiqué, d’y accéder. Par ailleurs, certains manquements au niveau de la régulation et de la règlementation du marché au Canada engendrent un environnement compétitif pour les entreprises ce qui augmente inévitablement la précarisation de plusieurs emplois. En d’autres termes, le développement des entreprises par l’entremise de politiques néolibérales fédérales et provinciales est prévilégié au détriment des conditions sociales et des droits syndicaux des travailleur.euses qui sont soumis.es indirectement aux fluctuations du marché ce qui est directement relié à l’ « essence du néolibéralisme [4]» évoqué par Bourdieu.

Le sort actuel réservé aux employé.es travaillant dans la vente au détat de Sears Canada est d’ailleurs similaire à celui qu’a connu les 17 000 travailleur.euses de l’entreprise Target au Canada qui avait été mis à pied en janvier 2015. Dans les deux cas, la majorité des employé.es n’étaient pas admissibiles à l’assurance-emploi et, vu la période durant laquelle s’est effectuée les licenciments, soit après la période d’achalandage des fêtes, la recherche d’un nouvel emploi était relativement difficile. Il est donc impératif, sur la base des cas de Sears et de Target, dans le contexte actuel de mondialisation, que le gouvernement canadien modifie les lois relatives à la gestion de la faillite des entreprises pour éviter que les droits des travailleur.seuses soient baffoués par des entreprises privées qui en tirent profit.

Par Justine Chenier



[1] Radio Canada. « Colère et inquiétude chez les employés de Sears Canada » En ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1060779/sears-canada-fermeture-colere-confusion-employes. Consulté le 1 novembre 2017

[2] Radio-Canada. « Sears Canada ferme et les fonds de retraite des employés fondent » En ligne : http://www.rcinet.ca/fr/2017/10/11/sears-fermeture-faillite-employers-fonds-retraite-pensions/. Consulté le 1 novembre 2017




[3] Boucher, Marie-Pierre et Yanick Noiseux. 2018 (À paraître) « Quarante ans de politiques d’emploi néolibérales au Québec », Octares, France. p.8
[4] Bourdieu, Pierre. Mars 1998. « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, Paris, p. 11-15. [en ligne]

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