Un
article apparu dans Le Devoir le 24 juillet 2017 met en lumière une
manifestation menée à l’oratoire Saint-Joseph par « [u]n groupe de travailleurs étrangers temporaires et des
militants se portant à leur défense [qui] déplor[aient] des violations
largement répandues des droits des travailleurs agricoles.[1]» Par l’entremise des trois
déclarations faites par des manifestants, l’article illustre des biais du
«Programme des travailleurs agricoles saisonniers». Dans la première
déclaration, un travailleur guatémaltèque dénonce avoir reçu «une somme
inférieure au salaire minimum pour son travail dans un poulailler, puisque son
transport n’était pas payé.[2]» En deuxième instance, un autre travailleur
agricole à l’aide d’un interprète a manifesté son mécontent avec les modalités
du permis de travail puisque ceci est
rédigé en français, langue qu’il ne maîtrise pas.[3] Finalement, « [l]es
militants ont affirmé que les travailleurs devraient se voir accorder une
résidence permanente ou des permis de travail ouverts afin qu’ils ne soient pas
restreints à un seul employeur.[4]»
À la base, au Québec, le «Programme des travailleurs
agricoles saisonniers» a été élaboré dans le but de répondre au manque de main-d’œuvre
dans le secteur agricole liée au fait que les citoyens locaux ne sont pas très
attirés par ce type de travail ni par le salaire offert. [5] D’un autre côté, les
conditions offertes dans ce programme de travail supposent que « [ces
travailleurs migrants] ont les mêmes droits et les mêmes
responsabilités que tout autre travailleur québécois.[6]»
Cependant, le fonctionnement de ce programme sur le
terrain ne fait que dévoiler des inégalités des droits au travail entre ces
travailleurs migrants et les travailleurs québécois. Une de ces inégalités peut
être expliquée par l’imposition aux travailleurs agricoles saisonniers d’un
permis de travail nominatif qui les
oblige à être assujettis à leurs employeurs.
De la même manière, ces travailleurs se voient obligés de vivre dans des
logements que leurs mêmes employeurs leur imposent.[7] Ces travailleurs ont
l’obligation aussi de contribuer à l’assurance chômage et au régime de retraite
auxquels ils n’auront pas accès puisque leur statut de travailleur temporaire
ne le permet pas.
Ces exemples ne sont pas les seuls biais que présente ce
programme. Au sein du travail, ces travailleurs sont exposés à vivre une
situation d’exploitation puisque pour peur à ne pas être rapatriés à leur pays
et perdre leur travail, ils n’ont pas autre choix qu’accepter les conditions de
travail fixées par leur employeur.[8] Viviana Medina,
organisatrice communautaire au Centre des travailleurs et travailleuses
immigrants témoigne que « Le travailleur accidenté est rapatrié le
lendemain, celui qui se plaint est rapatrié.[9]» Pareillement, le fait
que ces travailleurs soient
majoritairement des Mexicains et Guatémaltèques[10] qui ne parlent pas ni
comprennent le français ou l’anglais les rend plus susceptibles à être
exploités, car les informations qui les sont données par rapport à leur
contrat, leurs droits et leurs obligations sont généralement rédigés en
français tel que le mentionne un travailleur dans la deuxième déclaration. De
plus, ce ne sont pas tous les employeurs de ces travailleurs qui parlent ou comprennent l’espagnol pour
pouvoir se communiquer avec eux, ce qui place ces travailleurs mexicains et
guatémaltèques dans un état de machine dont l’objectif est seulement de les
faire produire sans s’intéresser à eux en tant qu’individu.
Pour les employeurs, le fait de recruter ce type de main-d’œuvre
agricole étrangère est très avantageux. En effet, ces employeurs peuvent
compter avec une main-d’œuvre disponible en tout temps à un faible coût. Puisque
ces travailleurs arrivent au Québec tous seuls, sans famille, ils ont une
disponibilité des heures de travail plus flexibles que les employés
locaux ; ceci représente pour l’employeur plus de profit dans peu de
temps. Effectivement,
Van Den Abeele (un employeur des trois travailleurs
agricoles saisonniers guatémaltèques) déclare : «s’ils travaillent six
jours, en général, ils seraient ouverts à en travailler un septième. De fait,
ils peuvent travailler parfois jusqu’à 76 heures par semaine.[11]»
Bref, il faudrait faire une révision des lacunes du
«Programme des travailleurs agricoles saisonniers» dans le but d’améliorer les
conditions de travail de ces hommes qui viennent contribuer avec l’économie non
seulement du Québec, mais de tout le Canada.
Par Fatima Isabel Varas Alza
[1]Le
Devoir, Manifestation de soutien aux
travailleurs agricoles, Montréal, Le Devoir, 24 juillet 2017,http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/504096/des-travailleurs-etrangers-temporaires-manifestent-a-montreal.
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] FORRIER,
Stéphane, Vaudreil-Soulanges regorge de
travailleurs étrangers, Viva, 01 août 2017, http://www.viva-media.ca/vedette-2/vaudreuil-soulanges-regorge-de-travailleurs-etrangers/.
[6] Commission
des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, Travailleurs agricoles étrangers,
CNESST, http://www.csst.qc.ca/prevention/secteur/agriculture/Pages/travailleurs_agricoles_etrangers.aspx.
[7] NOISEAUX,
Yannick, Transformations des marchés du
travail et innovations syndicales du Québec : Les travailleurs migrants
saisonniers, Collection Innovation sociale,https://books.google.ca/books?id=_1onDwAAQBAJ&pg=PP69&lpg=PP69&dq=permis+de+travail+nominatif&source=bl&ots=-6x0_0D_4c&sig=IsEiGfYhX1JozPbvOIAM5aXQwZY&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiSyeP2v93XAhVJ0YMKHQ1oC3IQ6AEISzAG#v=onepage&q=permis%20de%20travail%20nominatif&f=false.
[8] Le
Devoir, Manifestation de soutien aux
travailleurs agricoles, Montréal, Le Devoir, 24 juillet 2017,http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/504096/des-travailleurs-etrangers-temporaires-manifestent-a-montreal.
[9] Ibid.
[10]
Ferme, Travailleurs étrangers dans les
fermes du Québec : quelques chiffres, Les Affaires, 15 avril 2017, http://www.lesaffaires.com/dossiers-partenaires/main-duvre-etrangere-et-lagroalimentaire/travailleurs-etrangers-temporaires-dans-les-fermes-du-quebec--quelques-chiffres/586762.
[11] FORRIER,
Stéphane, Vaudreil-Soulanges regorge de
travailleurs étrangers, Viva, 01 août 2017, http://www.viva-media.ca/vedette-2/vaudreuil-soulanges-regorge-de-travailleurs-etrangers/.
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