mardi 28 novembre 2017

Programme des travailleurs agricoles saisonniers : une nouvelle forme d’esclavage?

Un article apparu dans Le Devoir le 24 juillet 2017 met en lumière une manifestation menée à l’oratoire Saint-Joseph par « [u]n groupe de travailleurs étrangers temporaires et des militants se portant à leur défense [qui] déplor[aient] des violations largement répandues des droits des travailleurs agricoles.[1]» Par l’entremise des trois déclarations faites par des manifestants, l’article illustre des biais du «Programme des travailleurs agricoles saisonniers». Dans la première déclaration, un travailleur guatémaltèque dénonce avoir reçu «une somme inférieure au salaire minimum pour son travail dans un poulailler, puisque son transport n’était pas payé.[2]»  En deuxième instance, un autre travailleur agricole à l’aide d’un interprète a manifesté son mécontent avec les modalités du  permis de travail puisque ceci est rédigé en français, langue qu’il ne maîtrise pas.[3] Finalement, « [l]es militants ont affirmé que les travailleurs devraient se voir accorder une résidence permanente ou des permis de travail ouverts afin qu’ils ne soient pas restreints à un seul employeur.[4]»
À la base, au Québec, le «Programme des travailleurs agricoles saisonniers» a été élaboré dans le but de répondre au manque de main-d’œuvre dans le secteur agricole liée au fait que les citoyens locaux ne sont pas très attirés par ce type de travail ni par le salaire offert. [5] D’un autre côté, les conditions offertes dans ce programme de travail supposent que « [ces travailleurs migrants] ont les mêmes droits et les mêmes responsabilités que tout autre travailleur québécois.[6]»
Cependant, le fonctionnement de ce programme sur le terrain ne fait que dévoiler des inégalités des droits au travail entre ces travailleurs migrants et les travailleurs québécois. Une de ces inégalités peut être expliquée par l’imposition aux travailleurs agricoles saisonniers d’un permis de travail nominatif  qui les oblige à être assujettis à leurs employeurs.  De la même manière, ces travailleurs se voient obligés de vivre dans des logements que leurs mêmes employeurs leur imposent.[7] Ces travailleurs ont l’obligation aussi de contribuer à l’assurance chômage et au régime de retraite auxquels ils n’auront pas accès puisque leur statut de travailleur temporaire ne le permet pas.
Ces exemples ne sont pas les seuls biais que présente ce programme. Au sein du travail, ces travailleurs sont exposés à vivre une situation d’exploitation puisque pour peur à ne pas être rapatriés à leur pays et perdre leur travail, ils n’ont pas autre choix qu’accepter les conditions de travail fixées par leur employeur.[8] Viviana Medina, organisatrice communautaire au Centre des travailleurs et travailleuses immigrants témoigne que « Le travailleur accidenté est rapatrié le lendemain, celui qui se plaint est rapatrié.[9]» Pareillement, le fait que  ces travailleurs soient majoritairement des Mexicains et Guatémaltèques[10] qui ne parlent pas ni comprennent le français ou l’anglais les rend plus susceptibles à être exploités, car les informations qui les sont données par rapport à leur contrat, leurs droits et leurs obligations sont généralement rédigés en français tel que le mentionne un travailleur dans la deuxième déclaration. De plus, ce ne sont pas tous les employeurs de ces travailleurs  qui parlent ou comprennent l’espagnol pour pouvoir se communiquer avec eux, ce qui place ces travailleurs mexicains et guatémaltèques dans un état de machine dont l’objectif est seulement de les faire produire sans s’intéresser à eux en tant qu’individu. 
Pour les employeurs, le fait de recruter ce type de main-d’œuvre agricole étrangère est très avantageux. En effet, ces employeurs peuvent compter avec une main-d’œuvre disponible en tout temps à un faible coût. Puisque ces travailleurs arrivent au Québec tous seuls, sans famille, ils ont une disponibilité des heures de travail plus flexibles que les employés locaux ; ceci représente pour l’employeur plus de profit dans peu de temps. Effectivement, Van Den Abeele (un employeur des trois travailleurs agricoles saisonniers guatémaltèques) déclare : «s’ils travaillent six jours, en général, ils seraient ouverts à en travailler un septième. De fait, ils peuvent travailler parfois jusqu’à 76 heures par semaine.[11]»
Bref, il faudrait faire une révision des lacunes du «Programme des travailleurs agricoles saisonniers» dans le but d’améliorer les conditions de travail de ces hommes qui viennent contribuer avec l’économie non seulement du Québec, mais de tout le Canada.

Par Fatima Isabel Varas Alza



[1]Le Devoir, Manifestation de soutien aux travailleurs agricoles, Montréal, Le Devoir, 24 juillet 2017,http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/504096/des-travailleurs-etrangers-temporaires-manifestent-a-montreal.
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] FORRIER, Stéphane, Vaudreil-Soulanges regorge de travailleurs étrangers, Viva, 01 août 2017, http://www.viva-media.ca/vedette-2/vaudreuil-soulanges-regorge-de-travailleurs-etrangers/.
[6] Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, Travailleurs agricoles étrangers, CNESST, http://www.csst.qc.ca/prevention/secteur/agriculture/Pages/travailleurs_agricoles_etrangers.aspx.
[8] Le Devoir, Manifestation de soutien aux travailleurs agricoles, Montréal, Le Devoir, 24 juillet 2017,http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/504096/des-travailleurs-etrangers-temporaires-manifestent-a-montreal.
[9] Ibid.
[11] FORRIER, Stéphane, Vaudreil-Soulanges regorge de travailleurs étrangers, Viva, 01 août 2017, http://www.viva-media.ca/vedette-2/vaudreuil-soulanges-regorge-de-travailleurs-etrangers/.

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