C’est à Montréal qu’on a vu se
dérouler récemment la Journée Mondiale des Stagiaires, tenant à sa tête des
étudiantes venant de filière d’enseignement, de soins infirmiers ou du secteur
du travail social, et manifestant, avec l’aide de 15 000 autres étudiants, pour
une répartition équitable des ressources dans les diverses filières
universitaires. Dans son article paru dans le Devoir en novembre dernier, Sophie
Chartier partage ses interactions avec les divers porte-paroles des mouvements
universitaires participant à la manifestions pour la rémunération équitable des
stages.
À l’issue de son échange avec
Mme. Thevenot (une mère de trois enfants travaillant comme infirmière), on
constate que celle-ci se trouvait dans une situation où, exerçant déjà dans son
domaine de profession, la majeure partie des enseignements qu’elle retrouvait
lors de son stage, constituait des apprentissages déjà acquis. Elle remettait donc
en question l’intérêt réel de son stage quant aux apprentissages visés, de même
que celui-ci n’étant pas rémunéré, il fut davantage perçu comme une corvée plutôt
qu’un enseignement. Arlette se retrouve donc dans une situation de double
emploi, s’occupant d’une part de son emploi d’infirmière et de son stage – jusqu’à
60 heures de travail – et d’autre part, de sa vie de famille. Aussi, le fait
qu’elle effectue son stage au sein de l’hôpital dans lequel elle était déjà
employée comme infirmière, rend la situation davantage aberrante ; surtout
quand on sait que c’est dans ce même hôpital que l’on favorise la rémunération
des stages des résidents en médecine au détriment des stages en infirmerie. Pour
les partisantes de l’association CUTE-UQAM comme Sandrine Belley, le problème
tient dans une valorisation jugée injuste de certains domaines d’enseignement
au détriment d’autre. Ceux-ci manifestent pour une rémunération de tous les
étudiants et s’opposent à une valorisation « basée sur une hiérarchisation
genrée des secteurs professionnels »[1].
Cette idée est aussi partagée par le porte-parole de CRAIES-UDEM, Antoine Côté,
qui dénonce une favorisation des métiers dits de prestiges, tel que la médecine
ou le droit, au détriment de profession que l’on pourrait définir comme
majoritairement féminine. Pour Sandrine Belley, les conditions et les
rémunérations sont différentes dépendamment qu’un élève effectue un stage en
éducation, ou un stage en génie mécanique. En accord avec Antoine, elle dénonce
une légitimation de l’emploi des femmes, jugé comme « accompli par
bonté de cœur »[2], et non
comme pour les hommes, comme un réel travail : argument majeur pour
justifier les inégalités faites aux femmes. Pour Valérie, notre militante en
enseignement, la manifestation qui se déroula cette année fut différente, car
on a pu y observer – plus que les années précédentes – une montée grandissante
du nombre de manifestantes, et on s’est intéressé d’autant plus à leur
condition et à leur l’exploitation dans nos sociétés actuelles. Notre reporter
nous indique également que les batailles que mènent ces associations ne sont
pas récentes ; cela fait maintenant plus de trois ans que beaucoup luttent pour
la rémunération de leur stage au baccalauréat, qui correspond à l’équivalent
d’environ trois mois de travail (en plus des études, sans compensation). Pour
Antoine le porte-parole de CRAIES, le constat est clair : les professions
à dominance masculine sont favorisées et bénéficient de bonnes conditions,
tandis que les professions dites féminines sont souvent sous-financées et ne
bénéficient pas de la reconnaissance qu’elle mérite. Pour lui, il faut une
« revalorisation de certains secteurs »[3]
Nous avons constaté au cours des dernières années, une
amélioration de la situation des femmes sur le marché du travail, due au fait
que les inégalités de sexe se réduisent, et que, sur le plan juridique,
celles-ci ont dorénavant accès à toutes les professions. Toutefois, il reste
encore du chemin à faire. En effet nous observons avec cette mobilisation que
l’égalité homme-femme n’est pas encore acquise, et que les inégalités de
traitement et les idées reçue persistent encore. C’est pourtant à l’État de
réguler et d’organiser le monde social et professionnel, mais cependant comme
on le voit avec Brunelle, l’état providence, en dépit de son idéal d’égalité, tend
souvent à renforcer la division sociale des sexes. On constate également avec
Hirata, une naturalisation et une dévalorisation des compétences féminines
(argument pour attribuer de faibles salaires), une persistance dans nos
sociétés d’une division sexuelle du travail, qui consiste en une séparation des
travaux en fonction du sexe, et enfin une iniquité salariale qui, malgré la mise
en place d’une loi en 1980 qui incite les entreprises à se réévaluer, ne pallie
pas aux inégalités de salaires qui continuent donc à s’ancrer. Au Québec, les
femmes constituent un des gros bataillons des pauvres, et ce malgré qu’elles
puissent occuper un emploi. Ce n’est donc pas l’absence de travail mais les bas
salaires qui sont la cause de leur pauvreté. Les femmes sont généralement dans
les professions dites du « care » : elles effectuent un travail
émotionnel qui, étant décrit comme naturel pour elles, n’est donc pas
valorisé comme tel. De même que plus on retrouve de femme dans un domaine, plus
les salaires sont faibles. Il a donc toujours été difficile pour les femmes de
se faire accepter à leur juste valeur, et les problèmes de formation non-adéquat
que l’on observe, constituent une des barrières a l’insertion sur le marché du
travail. Pour moi, dans la mesure où un individu occupe une vraie place et s’avère
être utile au sein de son entreprise, il fournit donc un travail qui, par
l’effort investis, devrait être rémunéré. De nos jours, le travail
s’automatise, et de ce fait, l’expérience est davantage valorisée. Cette course
à l’expérience incite les individus à effectuer des stages, souvent mal ou non
rémunéré, ce qui contribue à leur précarisation avant même leur entrée dans le
monde du travail, les obligeant souvent à occuper un travail durant leurs
études. On voit aussi plus de femmes dans les universités, cependant celles-ci
font souvent des études moins longues (désir d’enfant, plafond de verre, stages
non rémunérés). Pour Hamel, la nouvelle génération est autant intéressée par le
travail que les générations précédentes, leur intégration au travail se fait
juste plus difficilement dû à leur précarisation précoce. Finalement, on voit
avec Chauvel qu’au Québec il est plus facile qu’autrefois pour les jeunes
d’accéder à un emploi et des stages ; mais ceux-ci sont souvent mal rémunéré.
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