dimanche 19 novembre 2017

Rémunération des stages : une grève étudiante au visage féminin

C’est à Montréal qu’on a vu se dérouler récemment la Journée Mondiale des Stagiaires, tenant à sa tête des étudiantes venant de filière d’enseignement, de soins infirmiers ou du secteur du travail social, et manifestant, avec l’aide de 15 000 autres étudiants, pour une répartition équitable des ressources dans les diverses filières universitaires. Dans son article paru dans le Devoir en novembre dernier, Sophie Chartier partage ses interactions avec les divers porte-paroles des mouvements universitaires participant à la manifestions pour la rémunération équitable des stages.
À l’issue de son échange avec Mme. Thevenot (une mère de trois enfants travaillant comme infirmière), on constate que celle-ci se trouvait dans une situation où, exerçant déjà dans son domaine de profession, la majeure partie des enseignements qu’elle retrouvait lors de son stage, constituait des apprentissages déjà acquis. Elle remettait donc en question l’intérêt réel de son stage quant aux apprentissages visés, de même que celui-ci n’étant pas rémunéré, il fut davantage perçu comme une corvée plutôt qu’un enseignement. Arlette se retrouve donc dans une situation de double emploi, s’occupant d’une part de son emploi d’infirmière et de son stage – jusqu’à 60 heures de travail – et d’autre part, de sa vie de famille. Aussi, le fait qu’elle effectue son stage au sein de l’hôpital dans lequel elle était déjà employée comme infirmière, rend la situation davantage aberrante ; surtout quand on sait que c’est dans ce même hôpital que l’on favorise la rémunération des stages des résidents en médecine au détriment des stages en infirmerie. Pour les partisantes de l’association CUTE-UQAM comme Sandrine Belley, le problème tient dans une valorisation jugée injuste de certains domaines d’enseignement au détriment d’autre. Ceux-ci manifestent pour une rémunération de tous les étudiants et s’opposent à une valorisation « basée sur une hiérarchisation genrée des secteurs professionnels »[1]. Cette idée est aussi partagée par le porte-parole de CRAIES-UDEM, Antoine Côté, qui dénonce une favorisation des métiers dits de prestiges, tel que la médecine ou le droit, au détriment de profession que l’on pourrait définir comme majoritairement féminine. Pour Sandrine Belley, les conditions et les rémunérations sont différentes dépendamment qu’un élève effectue un stage en éducation, ou un stage en génie mécanique. En accord avec Antoine, elle dénonce une légitimation de l’emploi des femmes, jugé comme « accompli par bonté de cœur »[2], et non comme pour les hommes, comme un réel travail : argument majeur pour justifier les inégalités faites aux femmes. Pour Valérie, notre militante en enseignement, la manifestation qui se déroula cette année fut différente, car on a pu y observer – plus que les années précédentes – une montée grandissante du nombre de manifestantes, et on s’est intéressé d’autant plus à leur condition et à leur l’exploitation dans nos sociétés actuelles. Notre reporter nous indique également que les batailles que mènent ces associations ne sont pas récentes ; cela fait maintenant plus de trois ans que beaucoup luttent pour la rémunération de leur stage au baccalauréat, qui correspond à l’équivalent d’environ trois mois de travail (en plus des études, sans compensation). Pour Antoine le porte-parole de CRAIES, le constat est clair : les professions à dominance masculine sont favorisées et bénéficient de bonnes conditions, tandis que les professions dites féminines sont souvent sous-financées et ne bénéficient pas de la reconnaissance qu’elle mérite. Pour lui, il faut une « revalorisation de certains secteurs »[3]
Nous avons constaté au cours des dernières années, une amélioration de la situation des femmes sur le marché du travail, due au fait que les inégalités de sexe se réduisent, et que, sur le plan juridique, celles-ci ont dorénavant accès à toutes les professions. Toutefois, il reste encore du chemin à faire. En effet nous observons avec cette mobilisation que l’égalité homme-femme n’est pas encore acquise, et que les inégalités de traitement et les idées reçue persistent encore. C’est pourtant à l’État de réguler et d’organiser le monde social et professionnel, mais cependant comme on le voit avec Brunelle, l’état providence, en dépit de son idéal d’égalité, tend souvent à renforcer la division sociale des sexes. On constate également avec Hirata, une naturalisation et une dévalorisation des compétences féminines (argument pour attribuer de faibles salaires), une persistance dans nos sociétés d’une division sexuelle du travail, qui consiste en une séparation des travaux en fonction du sexe, et enfin une iniquité salariale qui, malgré la mise en place d’une loi en 1980 qui incite les entreprises à se réévaluer, ne pallie pas aux inégalités de salaires qui continuent donc à s’ancrer. Au Québec, les femmes constituent un des gros bataillons des pauvres, et ce malgré qu’elles puissent occuper un emploi. Ce n’est donc pas l’absence de travail mais les bas salaires qui sont la cause de leur pauvreté. Les femmes sont généralement dans les professions dites du « care » : elles effectuent un travail émotionnel qui, étant décrit comme naturel pour elles, n’est donc pas valorisé comme tel. De même que plus on retrouve de femme dans un domaine, plus les salaires sont faibles. Il a donc toujours été difficile pour les femmes de se faire accepter à leur juste valeur, et les problèmes de formation non-adéquat que l’on observe, constituent une des barrières a l’insertion sur le marché du travail. Pour moi, dans la mesure où un individu occupe une vraie place et s’avère être utile au sein de son entreprise, il fournit donc un travail qui, par l’effort investis, devrait être rémunéré. De nos jours, le travail s’automatise, et de ce fait, l’expérience est davantage valorisée. Cette course à l’expérience incite les individus à effectuer des stages, souvent mal ou non rémunéré, ce qui contribue à leur précarisation avant même leur entrée dans le monde du travail, les obligeant souvent à occuper un travail durant leurs études. On voit aussi plus de femmes dans les universités, cependant celles-ci font souvent des études moins longues (désir d’enfant, plafond de verre, stages non rémunérés). Pour Hamel, la nouvelle génération est autant intéressée par le travail que les générations précédentes, leur intégration au travail se fait juste plus difficilement dû à leur précarisation précoce. Finalement, on voit avec Chauvel qu’au Québec il est plus facile qu’autrefois pour les jeunes d’accéder à un emploi et des stages ; mais ceux-ci sont souvent mal rémunéré.
 Par Méghan ORCESE 


[1] Rémunération des stages : Une grève étudiante au visage féminin, Le Devoir, 2017-11-12
[2] Rémunération des stages : Une grève étudiante au visage féminin, Le Devoir, 2017-11-12
[3] Rémunération des stages : Une grève étudiante au visage féminin, Le Devoir, 2017-11-12

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