C’est lundi dernier, le 9 septembre 2013,
que la Loi éliminant le placement
syndical et visant l’amélioration du fonctionnement de l’industrie de la
construction est officiellement entrée en vigueur. En effet, les
entrepreneurs désirant embaucher des travailleurs pour un contrat dans
l’industrie de la construction doivent désormais passer par l’intermédiaire de
la Commission de la construction du Québec (CCQ). Les syndicats ne peuvent plus
placer directement leurs membres chez les employeurs qui cherchent de la
main-d’œuvre, ils peuvent uniquement référer des travailleurs à la CCQ qui
transmettra elle-même des listes d’employés potentiels aux entrepreneurs. Cette
ingérence de l’État au sein des relations entre patrons et travailleurs de la
construction a soulevé la grogne des syndicats qui se sont tout de même pliés à
la loi en demandant leur
permis du ministère du travail pour référer leurs membres. En adoptant
cette loi, l’Assemblée nationale vise à enrayer les monopoles syndicaux sur les
grands chantiers de construction qui ont laissé place à de nombreux abus de la
part de ces derniers, entre autres au niveau du placement préférentiel et de la
concurrence déloyale entre les travailleurs qualifiés (Québec,
2011).
Cette loi octroie au gouvernement un droit
d’ingérence dans les relations entre les patrons et les syndicats se traduisant
par un droit de regard concernant le placement des travailleurs sur les
chantiers de construction. Cette situation porte à réfléchir notamment sur le
rôle de l’État dans les relations patronales-syndicales qui fut historiquement
nécessaire afin d’instaurer de meilleures conditions pour les travailleurs, d’établir
un salaire minimum et des bases à un droit du travail (Castel, 1995). Ainsi,
l’État a joué un rôle fort important lors des grandes luttes syndicales afin de
règlementer ces situations conflictuelles entre patrons et employés. En effet,
le développement des syndicats, appuyés par l’État, à l’aube de la société salariale (Castel, 1995) amenait
alors un meilleur niveau de vie pour les ouvriers et des conditions sociales
assurant un minimum vital à tous les membres de la société. Cette nouvelle
ingérence accueillie plutôt froidement par le milieu syndical vient en quelque
sorte replacer une certain équité au sein des travailleurs puisqu’elle les rend
également susceptibles d’être embauchés sur un chantier de construction donné
sans égard à leur syndicat d’appartenance, équité qui a sérieusement été remise
en cause lors des travaux ayant menés à l’adoption de cette loi (Québec,
2011). Historiquement, le rôle de l’État a été orienté vers des politiques
sympathiques à la cause syndicale et défendant les droits des travailleurs,
optimisant ainsi les conditions de vie de l’ensemble de la société. Ce rôle
semble ici être devenu plutôt un modérateur de pratiques syndicales abusives et
vient même instaurer une loi favorable aux patrons qui verront leur liberté face à la sélection des travailleurs accrue.
Cette situation porte donc à réfléchir sur
le rôle que l’État a joué historiquement dans l’organisation des luttes
syndicales et sur la tournure que semble prendre ce rôle modérateur, mais aussi
sur les organisations syndicales elles-mêmes qui semblent dans ce cas avoir
perdu de vue leur raison d’être fondamentale.
Castel, R., 1995, «La société salariale», Les métamorphoses de la question sociale :
une chronique du salariat, p. 601-620.
Québec, 2011, Industrie de la construction - Un projet de loi pour éliminer le
placement syndical, mettre fin à l'intimidation sur les chantiers et améliorer
le fonctionnement de l'industrie de la construction, Gouvernement
du Québec.
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