mardi 24 septembre 2013

"Des efforts qui portent fruit"

Le journal Métro collabore chaque semaine avec le projet Alliés Montréal de la Conférence régionale des élus de Montréal (CRÉ) dans le but de dresser un portrait positif de Québécois issus de l’immigration. On y présentait cette semaine le cas de Bruno Ferreira, ingénieur électrique et immigrant québécois d’origine brésilienne [1]. Monsieur Ferreira a complété une formation en ingénierie dans son pays natal et y a travaillé dans son domaine pendant deux ans, avant que lui et son épouse n’envoient une demande d’immigration au Québec, puisqu'ils désiraient voyager depuis longtemps. Le couple a donc entamé immédiatement une formation en français ainsi que des recherches afin de s’informer au sujet de la nouvelle culture à laquelle ils devraient éventuellement s’intégrer. C’est onze mois après la soumission de leur dossier qu’ils ont pu s’installer au Québec. Monsieur Ferreira a mis trois ans pour trouver un emploi dans son domaine, à Val-d’Or. Le couple a ensuite vécu dans la métropole pendant un an, pour finalement élire domicile de façon permanente et fonder une famille en Abitibi-Témiscamingue. Monsieur Ferreira conclut son bref récit en rappelant l’importance de travailler à sa migration avant même son départ et conseille une bonne planification, de l’organisation et surtout, beaucoup de persévérance.

L’initiative du journal Métro soulève en elle-même la question de la pertinence de présenter hebdomadairement des portraits d’immigrants dont le passage d’une culture à une autre a été un succès, et tout particulièrement sur la question de l’emploi. Pourquoi une telle initiative? La réponse réside sans doute dans les nombreuses critiques des programmes offerts aux immigrants canadiens et québécois, que l’on retrouve régulièrement dans le discours populaire : la barrière de la langue qui semble parfois infranchissable, le manque de soutien financier et professionnel de la part des gouvernements et des communautés, la question délicate de la reconnaissance des diplômes, la discrimination, etc. En effet, il s’agit selon toute vraisemblance d’encourager la population immigrante du Québec devant les nombreux obstacles que représente l’adaptation à un nouveau milieu de vie.

Le portrait ici dressé peut néanmoins sembler quelque peu idéalisé, voire carrément déconnecté de la réalité pour plusieurs. En effet, Ferreira et son épouse représentent une petite partie de la population immigrante et, qui plus est, l’une des plus privilégiées. Il va sans dire que les efforts déployés par monsieur et madame Ferreira sont louables et reflètent certainement le parcours d’autres immigrants ; notons dans le lot les recherches d’informations sur la culture québécoise, les cours de francisation suivis avant leur départ et la complétion d’un certificat pour les immigrants afin de les préparer convenablement aux divers examens. Il est toutefois important de préciser que monsieur Ferreira provient d’une famille aisée, a eu accès à une éducation universitaire qui a selon toutes attentes favorisé à la fois une adaptation fluide, un apprentissage plus facile du français ainsi qu’une perspective d’emploi prometteuse hors des frontières brésiliennes. Nous sommes loin du réfugié politique analphabète et étranger aux technologies informatiques, pour qui la question des obstacles à l’emploi est toujours sans réponse. Compte tenu des statistiques voulant que 53,2% des immigrants soient sur le marché du travail en 2009, que 33,2% des immigrants soient détenteurs d’un diplôme postsecondaire en 2006 et que le domaine de la fabrication constitue le secteur d’emploi le plus prometteur pour les immigrants au Québec [2], le récit de monsieur Ferreira s’éloigne malheureusement de certaines réalités de l’immigration et risque, au contraire, de narguer ceux n’ayant pas eu de tels privilèges quant à leurs difficultés en les responsabilisant devant leur condition, plutôt que de souligner le chemin qui est encore à parcourir de la part de nos gouvernements fédéral et provincial. Surtout considérant le titre de l'article : « Des efforts qui portent fruit »…

[1] Roy, Julie. Des efforts qui portent fruit. Journal Métro, 19 septembre 2013, Montréal.

[2] Arcand, Sébastien et Najari, Maher. (2010). Situation des immigrants au marché du travail québécois : bref portrait statistique. Commission des partenaires du marché du travail Québec. Document consulté en ligne, le 24 septembre 2013 : http://www.camo-pi.qc.ca/pdf/pdf_site/CAMO_rapport-synthese_vf2LR.pdf.

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