Le journal Métro collabore chaque
semaine avec le projet Alliés Montréal de la Conférence régionale des élus de
Montréal (CRÉ) dans le but de dresser un portrait positif de Québécois issus de
l’immigration. On y présentait cette semaine le cas de Bruno Ferreira,
ingénieur électrique et immigrant québécois d’origine brésilienne [1]. Monsieur
Ferreira a complété une formation en ingénierie dans son pays natal et y a
travaillé dans son domaine pendant deux ans, avant que lui et son épouse n’envoient
une demande d’immigration au Québec, puisqu'ils désiraient voyager depuis
longtemps. Le couple a donc entamé immédiatement une formation en français
ainsi que des recherches afin de s’informer au sujet de la nouvelle culture à
laquelle ils devraient éventuellement s’intégrer. C’est onze mois après la
soumission de leur dossier qu’ils ont pu s’installer au Québec. Monsieur
Ferreira a mis trois ans pour trouver un emploi dans son domaine, à Val-d’Or. Le
couple a ensuite vécu dans la métropole pendant un an, pour finalement élire
domicile de façon permanente et fonder une famille en Abitibi-Témiscamingue.
Monsieur Ferreira conclut son bref récit en rappelant l’importance de
travailler à sa migration avant même son départ et conseille une bonne
planification, de l’organisation et surtout, beaucoup de persévérance.
L’initiative du journal Métro
soulève en elle-même la question de la pertinence de présenter hebdomadairement
des portraits d’immigrants dont le passage d’une culture à une autre a été un
succès, et tout particulièrement sur la question de l’emploi. Pourquoi une
telle initiative? La réponse réside sans doute dans les nombreuses critiques des
programmes offerts aux immigrants canadiens et québécois, que l’on retrouve
régulièrement dans le discours populaire : la barrière de la langue qui
semble parfois infranchissable, le manque de soutien financier et professionnel
de la part des gouvernements et des communautés, la question délicate de la
reconnaissance des diplômes, la discrimination, etc. En effet, il s’agit selon
toute vraisemblance d’encourager la population immigrante du Québec devant les
nombreux obstacles que représente l’adaptation à un nouveau milieu de vie.
Le portrait ici dressé peut
néanmoins sembler quelque peu idéalisé, voire carrément déconnecté de la
réalité pour plusieurs. En effet, Ferreira et son épouse représentent une
petite partie de la population immigrante et, qui plus est, l’une des plus
privilégiées. Il va sans dire que les efforts déployés par monsieur et madame
Ferreira sont louables et reflètent certainement le parcours d’autres
immigrants ; notons dans le lot les recherches d’informations sur la culture
québécoise, les cours de francisation suivis avant leur départ et la complétion
d’un certificat pour les immigrants afin de les préparer convenablement aux
divers examens. Il est toutefois important de préciser que monsieur Ferreira
provient d’une famille aisée, a eu accès à une éducation universitaire qui a selon
toutes attentes favorisé à la fois une adaptation fluide, un apprentissage plus facile
du français ainsi qu’une perspective d’emploi prometteuse hors des frontières
brésiliennes. Nous sommes loin du réfugié politique analphabète et étranger aux
technologies informatiques, pour qui la question des obstacles à l’emploi est toujours
sans réponse. Compte tenu des statistiques voulant que 53,2% des immigrants
soient sur le marché du travail en 2009, que 33,2% des immigrants soient
détenteurs d’un diplôme postsecondaire en 2006 et que le domaine de la fabrication constitue le
secteur d’emploi le plus prometteur pour les immigrants au Québec [2], le récit
de monsieur Ferreira s’éloigne malheureusement de certaines réalités de l’immigration et
risque, au contraire, de narguer ceux n’ayant pas eu de tels privilèges quant à
leurs difficultés en les responsabilisant devant leur condition, plutôt que de
souligner le chemin qui est encore à parcourir de la part de nos gouvernements
fédéral et provincial. Surtout considérant le titre de l'article : « Des efforts
qui portent fruit »…
[1]
Roy, Julie. Des efforts qui portent fruit.
Journal Métro, 19 septembre 2013, Montréal.
[2]
Arcand, Sébastien et Najari, Maher. (2010). Situation
des immigrants au marché du travail québécois : bref portrait statistique.
Commission des partenaires du marché du travail Québec. Document consulté en
ligne, le 24 septembre 2013 : http://www.camo-pi.qc.ca/pdf/pdf_site/CAMO_rapport-synthese_vf2LR.pdf.
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