L’égalité est un terme que l’on retrouve de manière récurrente dans le débat
public français et un objet d’étude intéressant pour les sciences sociales. Pierre
Rosanvallon explique notamment que la France est sortie des inégalités au XXème
siècle grâce à trois ruptures : le réformisme de la peur avec des politiques
redistributives, les épreuves fortes vécues en commun lors de la première
guerre mondiale et de la Résistance, l’avènement d’une société collectivité
contre l’individualisme. La lutte contre les inégalités a donc prévalu
jusqu’aux années 1980, période à partir de laquelle la transformation du
capitalisme s’est accompagnée d’une tolérance sociale envers certains types
d’inégalités. Or, cette forme
d’acceptation et de résignation ne se fait pas sans encombre, dans une société
où l’idéal de solidarité reste sous-jacent, garanti par une croissance qui
allait de pair avec l’amélioration des satisfactions collectives et
individuelles. Notre conception du « vivre ensemble » est donc bien
amochée. Pendant les 30 Glorieuses, elle
était reliée à une aspiration à l’autonomie appréhendée comme indépendance,
liberté de choisir, selon Alain Ehrenberg. Or, au tournant des années 1980,
l’autonomie s’est transformée en autonomie de compétition, « qui divise la
société française, car elle équivaut pour nous à l’abandon des individus aux
forces du marché ». Le malaise social que décrit Ehrenberg s’explique donc par
une « crise de l’égalité » que doit affronter le pays.
Ainsi, l’égalité et la
solidarité, si chères à la France, balbutiantes lors de la révolution française
et renforcées pendant une grande partie du XXème siècle, ne seraient-elles plus
adaptées aux nouveaux enjeux ? C’est au moment où ces deux idées entrent
en crise, où leur fonctionnalité pour garantir le lien social est remise en
cause, que les débats autour de la justice sociale se ravivent, cherchant un
compromis difficile pour éviter l’éclatement de la société. La question
centrale reste finalement de trouver une alternative à une société salariale en
voie de désagrégation dans de nombreux pays européens, France incluse. Comme
l’affirme Pierre Strobel, si la société n’est plus fondée sur le travail mais «
sur la seule distribution des droits civils,
politiques et sociaux » aux
citoyens d’une nation, le rôle de l’Etat doit être réinventé.
Anne-Gaelle Kroll
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