mardi 17 septembre 2013

La Peniche, une Société coopérative et participative, un levier de remise en cause de la marchandisation du travail ?

« Le choix de l’autogestion est concomitant à une rupture avec l’organisation du travail classique ». C’est le propos recueilli par un journaliste de Rue89, des associés de La Peniche,  une Société coopérative et participative (Scop) de l’Isère (France). Le sujet est encore peu banal dans les grands médias, alors même que ce type d’organisation prend peu à peu de l’ampleur, notamment soutenu par des avantages fiscaux et un accès privilégié à  la commande publique dans le cas français. Si la SCOP reste une société commerciale et est soumise à l’impératif de rentabilité comme toute autre entreprise, sa spécificité est ailleurs. Gouvernance démocratique -chaque salarié-coopérateur ne disposant que d’une voix lors des votes de l’assemblée générale (et ce, quel que soit son apport en capital)-, et  répartition des résultats visant à maintenir les emplois et le projet d’entreprise, ce sont les traits fondamentaux distinctifs de La Peniche, qui fait passer ses associés pour des « extra-terrestres dans le monde très hiérarchisé et inégalitaire des agences de communication » (Rue89). 

Il serait certes intéressant de questionner comment, depuis 2008, l’entreprise connaît une croissance continue et embauche une nouvelle personne chaque année, pourquoi tous sont payés 2000 euros net par mois, ou plus largement quels sont les impacts de ce nouveau rôle donné aux actionnaires. Ce qu'il sera simplement souligné ici est cette tentative, à travers la Scop, de remettre en cause le modèle de la compétence selon l’acception la plus utilisée, qui a remplacé progressivement celui de la qualification, en laissant émerger une logique individualisée et le primat de la responsabilité de l’individu dans la prise en charge de missions complexes au sein de l’entreprise. Or, ce nouvel outil de gestion est intégré dans « une vision utilitaire et instrumentale de l’homme au travail » (Brigitte Charles-Pauvers et Nathalie Schieb-Bienfait, 2012). 

Ainsi, le système d’organisation développé dans la Scop interroge la relation marchande qui s’est développée pour lier les hommes au travail, en proposant une nouvelle vision du collectif, et questionne sur « ce qui se joue dans le travail », en s’éloignant du « travail réduit à l’activité prescrite ». Cette réflexion sur la marchandisation du travail a été amorcé, il y déjà plus d’un demi-siècle, par Karl Polanyi, à travers son analyse de la construction de trois « marchandises fictives : travail, terre et monnaie ». L’économie par l’avènement du marché autorégulateur avait, selon lui, colonisé les autres secteurs de la société : « le développement du système du marché devait s’accompagner d’un changement dans l’organisation de la société elle-même » (Polanyi, 1944).  Le travail devait être mis en vente pour répondre aux nécessités de fourniture du système de production. S’il évoquait l’émergence d’un contremouvement qui allait réencastrer le marché dans le social, ce mouvement n’a été que limité et le travail continue d’être considéré comme une marchandise. 

Pourtant, d’autres leviers, tels que La Peniche, paraissent présenter des alternatives pour une vision que l’on appelle innovatrice de l’organisation du travail et du travail en lui-même, ou poussent au moins au questionnement. « L’idée était de monter une structure autogérée pour travailler autrement avec les gens, sans chef, en partageant les décisions et les tâches» précise un des associés de la Scop.

Anne-Gaëlle Kroll

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