mercredi 2 octobre 2013

Le travailleur face au capitalisme global


La coupe du monde de football est l'événement sportif le plus populaire au monde. Depuis quelques années la FIFA, qui est l'organisation principale en matière de football international, octroie l'événement à des pays en développement. Cette ouverture de la FIFA aux pays traditionnellement ignorés s'inscrit dans une tentative d'inclusion de ces pays dans le système capitaliste global. Il y a eu l'Afrique du Sud en 2010, il y a le Qatar en 2022.

Or, la FIFA, les yeux bien bandés par les bénéfices économiques que cet événement lui rapport, semble peu préoccupé par les conséquences sociales, économiques et politiques de l'organisation de la coupe du monde dans des pays socialement arriérés comme le Qatar. En ce qui concerne l'Afrique du Sud, dans une des analyses les plus lucides sur les enjeux de la coupe du monde 2010 le professeur Gary Baines remarque que « Les préparatifs de la coupe 2010 démontrent que l'insertion de l'Afrique du Sud dans le capitalisme global ne remet pas en cause les héritages de l'apartheid: pauvreté matérielle et inégalités extrêmes[1] ».

L'organisation de la coupe du monde de football semble aussi être l'occasion parfaite pour faire du nettoyage social. Il n'y a qu'à se tourner vers le Brésil qui est chargé d'organiser l'édition 2014 pour s'en rendre compte. En effet, comme le rapportait le journal Le Matin plutôt cet été « À Rio de Janeiro, les sans-abris seraient assassinés pour ''nettoyer'' les rues[2] » à quelques mois de la coupe du monde. C'est ce qu'on appelle le capitalisme à visage humain? La base de ce système économique est l'exploitation de la force de travail, alors il ne peut y avoir un visage humain.  

Pour en revenir au Qatar, le journal britannique The Guardian s'est penché sur l'exploitation des travailleurs népalais qui sont engagés par les Qataris pour la construction des infrastructures qui accueilleront la coupe du monde 2022, cette semaine. Lors de la nomination du Qatar comme organisateur de la coupe du monde 2022, la FIFA ne s'est pas posé la question quant à la quasi-inexistence des droits de la femme, mais encore moins sur le traitement réservé aux homosexuels dans ce paradis économique. Mais encore, elle n'a pas pris en compte l'exploitation des travailleurs migrants, ou ce que le Guardian appelle simplement les « World Cup slaves ». Le journal rapporte qu'il a été possible d'observer en moyenne un décès par jour en un peu plus d'un mois. Les causes sont multiples, mais toutes reliées au mauvais traitement des travailleurs. C'est ça la flexibilité à son paroxysme. Le travailleur est devenu tellement interchangeable dans certaines régions du monde que, s'il meurt, on le remplace comme une machine qui rend l'âme. 
Plus tôt cette année l'organisme Human Rights Watch rapportait déjà le mauvais traitement réservé aux travailleurs migrants au Qatar lorsqu'il constatait que « la Loi sur le parrainage du Qatar est l'une des plus restrictives de la région du Golfe, dans la mesure où les ouvriers ne peuvent pas changer de travail sans la permission de leur employeur, qu'ils travaillent depuis deux ou vingt ans[3] ». C'est ce qu'on pourrait qualifié d'esclavagisme moderne qui est certainement encouragé par le développement global du capitalisme.
Le Guardian rapportait qu'il y avait confiscation des passeports,  refus de fournir de l'eau aux travailleurs, et plusieurs autres méthodes qui ont été mises en place afin d'atteindre la soumission absolue du travailleur qui devient quasi clandestin. Tout cela ramène au questionnement de l'encadrement des travailleurs au niveau international. Il semble difficile, sinon impossible d'encadrer le travail lorsqu'il est soumis au libre marché et à la logique néolibérale. Surtout lorsque des organisations mondiales comme la FIFA contribuent à l'intégration de régions aux pratiques sociales nébuleuses au marché mondial. Dans cette logique on considère qu'en intégrant le pays au capitalisme global le progrès social, politique et surtout économique se feront sentir. Tout ça se fait au détriment de l'éthique du travail.  Comment les travailleurs peuvent-ils s'organiser lorsqu'ils sont assujettis aux maîtres du monde économique. N'est-ce pas là la pathologie totalitaire que le néolibéralisme tend à promouvoir? Comment les travailleurs peuvent s'émanciper dans un tel contexte? Comment les travailleurs peuvent-ils se réapproprier leur force de travail lorsqu'ils ne s'appartiennent même plus?

Adis Simidzija     




[1] Baines Gary et al., « Jouer selon les règles de la Fifa » Politique et héritage de la Coupe du monde de football 2010 à Port Elizabeth, Politique africaine, 2010-2 no. 118, p. 24
[2]  « Des SDF seraient tués pour préparer le Mondial », Le matin (Genève), 24 juin 2013, http://www.lematin.ch/monde/Des-SDF-seraient-tues-pour-preparer-le-Mondial/story/23742509
[3]  « Qatar: Les ouvriers migrants du bâtiment sont victimes d'abus », Human Rigthts Watch, 12 juin 2013, http://www.hrw.org/fr/news/2012/06/12/qatar-les-ouvriers-migrants-du-b-timent-sont-victimes-dabus

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