La mobilisation
des associations des travailleurs domestiques ne parait ni absurde, ni impossible,
ni vain. Sin embargo nous le confirme
avec cette courte nouvelle : la Californie a rendu obligatoire le paiement
des heures supplémentaires des travailleuses domestiques. Tirer cette
information d’un journal mexicain montre l’ampleur des enjeux. Le
débat transcende les nationalités -en démontre notamment le nombre de migrants
travaillant dans ce type d’emploi-, les frontières -les pays en développement partagent
amplement leur part du phénomène- et les possibilités d’embauche – du travail
atypique au secteur informel.
Loin d’être vain ? Les employeurs devront payer les heures supplémentaires travaillées
au-delà de la semaine légale de travail de 45 heures. C’est la teneur d’une loi
qu’a ratifié le gouverneur de Californie le 26 septembre 2013. Les travailleurs domestiques seront donc payés 12 dollars l’heure supplémentaire (un salaire plus 50%) au
lieu de 8 dollars, qui correspond au salaire minimum. La capacité d’action
collective des travailleurs domestiques a d’abord touché l’Etat de
New-York, où, en 2011, une « charte des travailleurs domestiques » a
vu le jour. Elle signifiait l’égalité des droits avec les autres travailleurs
américains, en termes de salaire, de congés payés et de maladie, de
licenciement et d’indemnité. C’est surtout la Convention 189 sur les
travailleurs domestiques, adoptée en juin 2011 par l’OIT, qui a entériné au
niveau international la reconnaissance des travailleurs domestiques. Une
décision symbolique forte pour Tomas Monerrais. « En affirmant que les
employés de maison, les aides-soignants, les chauffeurs, les jardiniers et les
cuisinières sont des travailleurs comme les autres, (…) l'OIT encourage la
régulation d'un secteur dont 30 % des travailleurs sont totalement exclus de
toute protection sociale »[1].
Reste à savoir quels sont les Etats qui ont ratifié la Convention et la
transposeront dans leur droit national. C’est l’Uruguay qui a ouvert la marche,
mais ils sont pour l’instant peu nombreux !
Une mobilisation absurde ? Selon le législateur
démocrate qui a défendu la loi en Californie, « les employés domestiques sont
en majorité des femmes de couleur, beaucoup d’entre elles migrantes, et dont le
travail n’a pas été respecté par le passé ». Les travailleurs domestiques ont
bien des raisons de s’organiser collectivement pour défendre des droits souvent
bafoués. Conditions de vie indignes, difficulté au quotidien, maltraitance
morale voire physique, précarité administrative parfois intenable pour les
migrants, les travailleurs domestiques voient difficilement leur travail comme
un vecteur de liberté, d’épanouissement ou au moins de sécurité. Si l’OIT a
permis de sortir de l’invisibilité cette catégorie de travailleurs en se
focalisant sur la question du travail et des droits qui y sont rattachés, la
convention oublie d’autres enjeux prégnants, tels que la division sexuelle et
internationale du travail, selon Helen Schwenken[2].
Pas impossible ? En 2007, alors qu’il était interdit, pour
les travailleurs domestiques, de former un syndicat aux Etats-Unis, un
rassemblement de travailleurs domestiques à Atlanta a permis la création d’ une
alliance nationale des travailleurs domestiques (NDWA). L’objectif de ceux-ci
était de sortir de l’invisibilité pour porter sur la place publique leurs
revendications. Dans ce cas précis, une organisation nationale a été créée par
et pour les travailleurs. Pourtant, les conditions restent difficiles, puisque
les domiciles fermés entrainent l’isolement des lieus de travail, qui en ferait
un secteur inorganisable. Alors que le modèle associatif, souvent informel, a
surtout permis de répondre aux besoins individuels et quotidiens, le modèle
syndical a plutôt tenté « de récupérer l’identité de classe de la
mobilisation traditionnelle »[3].
Ainsi, malgré les obstacles apparents, ce type de mobilisation parait pousser à
un renouveau du syndicalisme ou à des formes alternatives d’organisation
collective.
[1] Thomas Monnerais « Travail domestique :
les esclaves modernes se révoltent », Alternatives Internationales 3/2013 (N°
58), p. 56-56.
[2] Helen Schwenken, "Mobilisation des
travailleuses domestiques migrantes : de la cuisine à l’Organisation
internationale du travail", Cahiers du Genre, n° 51/2011.
[3] Shireen Ally, "Caring about Care
Workers: Organizing in the Female Shadow
of Globalization", LABOUR, Capital and Society 38:1&2 (2005).
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