jeudi 10 octobre 2013

Travailleurs domestiques et mobilisation collective : des avancées possibles

La mobilisation des associations des travailleurs domestiques ne parait ni absurde, ni impossible, ni vain. Sin embargo nous le confirme avec cette courte nouvelle : la Californie a rendu obligatoire le paiement des heures supplémentaires des travailleuses domestiques. Tirer cette information d’un journal mexicain montre l’ampleur des enjeux. Le débat transcende les nationalités -en démontre notamment le nombre de migrants travaillant dans ce type d’emploi-, les frontières -les pays en développement partagent amplement leur part du phénomène- et les possibilités d’embauche – du travail atypique au secteur informel.
Loin d’être vain ? Les employeurs devront payer les heures supplémentaires travaillées au-delà de la semaine légale de travail de 45 heures. C’est la teneur d’une loi qu’a ratifié le gouverneur de Californie le 26 septembre 2013. Les travailleurs domestiques seront donc payés 12 dollars l’heure supplémentaire (un salaire plus 50%) au lieu de 8 dollars, qui correspond au salaire minimum. La capacité d’action collective des travailleurs domestiques a d’abord touché l’Etat de New-York, où, en 2011, une « charte des travailleurs domestiques » a vu le jour. Elle signifiait l’égalité des droits avec les autres travailleurs américains, en termes de salaire, de congés payés et de maladie, de licenciement et d’indemnité. C’est surtout la Convention 189 sur les travailleurs domestiques, adoptée en juin 2011 par l’OIT, qui a entériné au niveau international la reconnaissance des travailleurs domestiques. Une décision symbolique forte pour Tomas Monerrais. « En affirmant que les employés de maison, les aides-soignants, les chauffeurs, les jardiniers et les cuisinières sont des travailleurs comme les autres, (…) l'OIT encourage la régulation d'un secteur dont 30 % des travailleurs sont totalement exclus de toute protection sociale »[1]. Reste à savoir quels sont les Etats qui ont ratifié la Convention et la transposeront dans leur droit national. C’est l’Uruguay qui a ouvert la marche, mais ils sont pour l’instant peu nombreux !
Une mobilisation absurde ? Selon le législateur démocrate qui a défendu la loi en Californie, « les employés domestiques sont en majorité des femmes de couleur, beaucoup d’entre elles migrantes, et dont le travail n’a pas été respecté par le passé ». Les travailleurs domestiques ont bien des raisons de s’organiser collectivement pour défendre des droits souvent bafoués. Conditions de vie indignes, difficulté au quotidien, maltraitance morale voire physique, précarité administrative parfois intenable pour les migrants, les travailleurs domestiques voient difficilement leur travail comme un vecteur de liberté, d’épanouissement ou au moins de sécurité. Si l’OIT a permis de sortir de l’invisibilité cette catégorie de travailleurs en se focalisant sur la question du travail et des droits qui y sont rattachés, la convention oublie d’autres enjeux prégnants, tels que la division sexuelle et internationale du travail, selon Helen Schwenken[2].
Pas impossible ?  En 2007, alors qu’il était interdit, pour les travailleurs domestiques, de former un syndicat aux Etats-Unis, un rassemblement de travailleurs domestiques à Atlanta a permis la création d’ une alliance nationale des travailleurs domestiques (NDWA). L’objectif de ceux-ci était de sortir de l’invisibilité pour porter sur la place publique leurs revendications. Dans ce cas précis, une organisation nationale a été créée par et pour les travailleurs. Pourtant, les conditions restent difficiles, puisque les domiciles fermés entrainent l’isolement des lieus de travail, qui en ferait un secteur inorganisable. Alors que le modèle associatif, souvent informel, a surtout permis de répondre aux besoins individuels et quotidiens, le modèle syndical a plutôt tenté « de récupérer l’identité de classe de la mobilisation traditionnelle »[3]. Ainsi, malgré les obstacles apparents, ce type de mobilisation parait pousser à un renouveau du syndicalisme ou à des formes alternatives d’organisation collective.




[1] Thomas Monnerais « Travail domestique : les esclaves modernes se révoltent », Alternatives Internationales 3/2013 (N° 58), p. 56-56.
[2] Helen Schwenken, "Mobilisation des travailleuses domestiques migrantes : de la cuisine à l’Organisation internationale du travail", Cahiers du Genre, n° 51/2011.
[3] Shireen Ally, "Caring about Care Workers: Organizing in  the Female Shadow of Globalization", LABOUR, Capital and Society 38:1&2 (2005).

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