mercredi 16 octobre 2013

L'État sous le joug du néolibéralisme intervient pour amenuiser les rapports collectifs de travail

     La rentrée parlementaire aura finalement lieu aujourd'hui après l' «habituelle» prorogation du parlement canadien qui a durée plus d'un mois cette fois-ci. Deux projets de loi attirent particulièrement mon attention en cette rentrée. Pour débuter, le projet de loi C-377 sera vraisemblablement voté pour une seconde fois à la chambre des communes après avoir été amendé par le Sénat1. Rappelons que ce projet de loi vise à ce que les syndicats ainsi que les sections locales produisent un rapport financier détaillé annuel et que ce dernier soit rendu public. Les membres ont déjà accès aux états financiers de leurs syndicat, droit qui leur est accordé à la fois par le code du travail (art 47.1) et le code canadien du travail (art. 110). Cependant, cette loi irait au delà de cette obligation en rendant certaines informations stratégiques aux mains des employeurs et des organisations antisyndicales.

     Le parcours quelque peu prévisible – vu le contexte majoritaire du parlement actuel- du projet de loi C-5252 mis de l'avant par le député conservateur Blaine Calkins le 13 juin dernier sera aussi à surveiller durant cette session parlementaire. L'adoption de ce projet de loi aurait comme conséquence de changer la procédure d'accréditation d'un syndicat3. Si en ce moment la signature de cartes de membre d'une majorité absolue de salariés visés par l'accréditation suffi grosso modo à ce qu'un syndicat soit accrédité, la situation serait fort plus complexe et tumultueuse dans l'avenir. En effet, le projet de loi vise à modifier le ratio de signataire de carte de membre à 45% tout en obligeant la tenu d'un scrutin de représentation secret dont les résultats prouvent que la majorité des employés de l'unité désirent bel et bien être représentée par le syndicat. Ceci étant, un salarié ne votant pas serait de facto considéré comme étant contre la syndicalisation. Parions qu'un tel schème de pensé n'inspirera pas une réforme des élections au fédéral ou le Premier Ministre actuel a été élu avec 39,6% des voies des 61.4% des citoyens s'étant prévalus de leur droit de vote4.

     Par ailleurs, cette loi ouvrirait aussi la porte à une campagne de syndicalisation où les syndiqués militants en sa faveur s'exposeraient à un certain risque. Dans les faits, le processus d'accréditation se déroule actuellement dans le secret pour éviter toute forme de représailles et de contre-attaque de la part de l'employeur. Il s'agit d'une peur légitime si l'on se fie à une étude de 2002 selon laquelle 29% des employeurs ont entrepris des mesures de représailles envers des employés à la suite d'une demande d'accréditation et ce, malgré la protection à cet effet qui leur est accordée en vertu de l'article 15 du code du travail. Il est donc possible d'anticiper de futurs obstacles à la mobilisation des travailleurs voulant se syndiquer. Le fait que le taux de syndicalisation ait baissé significativement dans les provinces canadiennes depuis qu'elles ont adopté un tel changement législatif5 soutien cette hypothèse.

     Le portrait dressé précédemment des deux projets de loi mis de l'avant par le gouvernement conservateur ne sont que deux mesures parmi d'autres visant le démantèlement progressif des syndicats au pays. Elles font en effet suite à la réduction des avantages fiscaux consentis aux fond des travailleurs par exemple. Ces mesures permettent d'anticiper la vraisemblable abolition de la formule Rand dans la forme ou elle se trouve actuellement. Une telle atteinte priverait les syndicats de ressources financières importantes limitant ainsi drastiquement leur moyens d'action social. La réforme du code du travail a un impact non négligeable sur l'avenir des syndicats au pays et c'est pourquoi les citoyens doivent s'en préoccuper et se mobiliser en conséquence.

     Historiquement, les syndicats ont d'abord été décriminalisés dans l’après guerre dans l'optique d'atteindre une paix industrielle puisqu'ils étaient avant tout perçu comme étant un outil d'expression des salariés. C'est dans ce contexte qu'est apparu le compromis salarial fordiste. En tant que promoteur de l'intérêt publique, l'État avait comme visé d'équilibrer le rapport de force entre les parties via la législation. Aujourd'hui cette vision a drastiquement changée et le compromis qui existait jadis n'en est plus un. Les syndicats sont d'avantage perçus comme étant un monopole, c'est a dire une force qui va à contre courant des dictas du marché. Selon ce point de vue, les syndicats sont créateur de chômage en augmentant les salaires pour une portion de salariés au delà de celui qui prévaudrait autrement. Bref, cette vision dominante explique la volonté de l'État à intervenir pour que le rapport de force des syndicats soit affaibli et que le marché puisse de nouveau être maître chez nous.



1C 377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), 1e sess, 41e lég, Canada, 2011 (3ieme lecture au Sénat le 26 juin 2013).
2C 525, Loi modifiant le Code du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dansla fonction publique (accréditation et révocation-agent négociateur), 1e sess, 41e lég, Canada, 2013 (dépôt et première lecture à la Chambre des communes le 5 juin 2013).
3 Martin, Sylvain. Avec C-525, Harper veux rabaisser les travailleurs au rang d'outils de production, L'aut'journal, 14 juin 2013. Document consulté en ligne : http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=4722
4 Les résultats, élection 2011, Radio-Canada, le 3 mai 2011. Document consulté en ligne: http://elections.radio-canada.ca/elections/federales2011/les_resultats/
5Charbonneau, Claudette. Vote à scrutin secret: mise à niveau ou ouverture aux tactiques antisyndicales?, CSN, 21 septembre 2009. Document consulté en ligne: http://www.csn.qc.ca/web/csn/lettre/-/ap/Lett21-09-09

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