mardi 22 octobre 2013

La précarité des nouveaux diplômés: Désillusion ou choix de vie?


Historiquement, la crise économique de la fin des Trente Glorieuses amène son lot de précarité, touchant fortement les diplômés collégiaux et universitaires, en proie à une difficulté importante d’insertion sur le marché du travail. Effectivement, la stabilité d’emploi tel qu’elle était connu chez la génération précédente était en voie de disparition, laissant place aux contrats à durée déterminée et à l’accumulation d’emplois sans réelle stabilité financière, laissant ainsi les jeunes étudiants postsecondaire et les nouveaux diplômés dans une situation incertaine et précaire. Depuis cette époque, la situation a peu changée, prônant l’acquisition de diplôme d’études supérieures sans toutefois offrir de meilleurs débouchés, bien qu’il existe des domaines dits « de valeur sur ».  Il n’est pas rare de voir les médias écrire sur ce sujet sans pour autant identifier clairement pour quelles raisons cette précarité est toujours d’actualité.

Le Journal Metro, par exemple, raffole des chroniques « conseils » pour les étudiants/diplômés, essayant de donner des trucs pour les aider dans l’insertion du marché du travail suite à l’obtention de leur diplôme. Toutefois, les articles sont contradictoires, présentant à la fois des résultats de la précarité et des avantages de ces emplois contractuels ou à temps partiel (ou occasionnel). Par exemple, le chroniqueur Mario Charette traite dans deux articles différents de ces sujets. Il mentionne dans l’un de ceux-ci que « […] 35 % obtiennent [des étudiants universitaires] leur diplôme de programmes universitaires présentant de pauvres débouchés. Bien des nouveaux diplômés devront donc faire face à une recherche d’emploi fort difficile. »[1] Dans un autre article, il traite de la satisfaction qu’ont les employeurs à employer des diplômés de l’enseignement supérieur : « 76 % d’entre eux [employeurs] pensent que les diplômés de l’enseignement supérieur fournissent un travail de meilleure qualité, et 45 % d’entre eux ont noté une augmentation de la productivité. »[2]  La conclusion de ces deux articles jumelés ensemble mène à comprendre que plus les étudiants obtiennent des diplômes universitaires, plus les employeurs augmentent les exigences par rapport à la scolarité de leurs futurs employés, plaçant ainsi les étudiants dans une boucle sans fin de recherche de qualification par leurs diplômes, situation paradoxale puisque plus ils seront diplômés, plus les critères d’embauches seront élevés. M. Charette ajoute que « ce n’est pas la première fois qu’on observe ce phénomène, qu’on appelle l’inflation des diplômes. »[3]

Un autre article, paru en 2012 dans La Presse traite de l’aspect plutôt intentionnel des étudiants à occuper des emplois moins stables et en plus grand nombre. En effet, Jacques Hamel, professeur titulaire de sociologie à l’Université de Montréal, estime qu’ « on doit être actif, [qu’] on redoute l’ennui et la routine. On ne veut pas rester toute sa vie dans la même entreprise avec le même emploi. La vie sociale change continuellement et la multiplication des activités est devenue une valeur […] »[4]. Autrement dit, ce serait un choix pour les étudiants d’avoir des emplois moins stables, plutôt occasionnels, pour pouvoir ainsi pratiquer d’autres activités sociales qui les mènent à un épanouissement personnel que le travail ne leur offrirait pas. M. Hamel qualifie ces personnes comme faisant partie de la génération slash[5]. Il semblerait donc que la nouvelle génération préfèrerait les McJobs, les emplois flexibles et instables pour pouvoir mieux s’adonner à leurs activités personnelles ou encore pour expérimenter le plus de types d’emplois possibles, accordant moins d’importance à leur sécurité financière. Toutefois, un autre article plus récent du Journal Metro démontre que les étudiants continuent à croire qu’ils recevront un salaire plutôt élevé (le sondage effectué illustre une attente moyenne de 50 668$)[6] alors qu’en réalité, « […] la moyenne nationale se situerait à 45 000$ après deux années sur le marché du travail. »[7]

De manière plus théorique, c’est ce que Robert Castel nomme comme étant « les dérégulations du travail »[8] dans le contexte français. Pour sa part, il décrit comment, suite aux Trente Glorieuses, « l’importance du développement d’activité en deçà de l’emploi » devient de plus en plus fréquente. En effet, « […] environ 73% des nouvelles embauches se font sous des formes dites « atypiques » d’emploi comme les CCD et l’intérim. »[9] Voici quelques exemples de ces emplois atypiques, que nous pouvons retrouver aussi au Québec : « Contrats aidés, stages plus ou moins rémunérés, services à la personne qui se réduisent souvent à quelques heures par semaine, différents types de travail à temps partiel, contrats courts y compris dans le service public, etc. […] ».[10]

Suite à cette brève revue des paradoxes entourant la précarité des diplômés ainsi que celle de la population en générale, une seule question me vient à l’esprit : quelle est la réalité entourant la vie des post-diplômés universitaires? S’agit-il réellement d’un choix de vie, ou sont-ils les victimes d’un système inégalitaire de travail? Pour ma part, je ne considère pas que la précarité constitue le choix qu’un individu pourrait prendre. Rien n’oblige un individu à prendre des emplois plus flexibles/instables pour s’adonner à des activités personnelles. Un emploi stable et sécure n’empêche pas, selon moi, d’avoir des loisirs hors travail. La précarité n’est pas la solution à une vie sociale active et satisfaisante, à mon humble avis. 


[1] CHARETTE, Mario. Des conseils pour les diplômés, Journal Métro, 7 mai 2013. Consulté en ligne le 21 octobre 2013 : URL : http://journalmetro.com/opinions/de-bon-conseil/305936/des-conseils-pour-les-diplomes/
[2] CHARETTE, Mario. L’inflation des diplômes, Journal Métro, 9 avril 2013.  Consulté en ligne le 21 octobre 2013: URL : http://journalmetro.com/opinions/de-bon-conseil/289372/linflation-des-diplomes/
[3] Idem.
[4] ROUGERIE, Marielle. Les 25-45 ans qui cumulent les jobs et les occupations, La Presse, publié le 12 décembre 2012. Consulté en ligne le 21 octobre 2013
[5] Idem.
[6] Désillusions estudiantines, Journal Métro, 19 septembre 2013, p.40.
[7] Idem.
[8] CASTEL, Robert. « Grands résumé de La Montée des incertitudes. Travail, protections, statut de l’individu, Paris, Éditions du Seuil, La couleur des idées 2009 », SociologieS, p.3.
[9] Idem.
[10]Idem.



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