Historiquement, la
crise économique de la fin des Trente Glorieuses amène son lot de précarité,
touchant fortement les diplômés collégiaux et universitaires, en proie à une
difficulté importante d’insertion sur le marché du travail. Effectivement, la
stabilité d’emploi tel qu’elle était connu chez la génération précédente était
en voie de disparition, laissant place aux contrats à durée déterminée et à l’accumulation
d’emplois sans réelle stabilité financière, laissant ainsi les jeunes étudiants
postsecondaire et les nouveaux diplômés dans une situation incertaine et
précaire. Depuis cette époque, la situation a peu changée, prônant l’acquisition
de diplôme d’études supérieures sans toutefois offrir de meilleurs débouchés,
bien qu’il existe des domaines dits « de valeur sur ». Il n’est pas rare de voir les médias écrire sur
ce sujet sans pour autant identifier clairement pour quelles raisons cette
précarité est toujours d’actualité.
Le Journal Metro, par
exemple, raffole des chroniques « conseils » pour les
étudiants/diplômés, essayant de donner des trucs pour les aider dans l’insertion
du marché du travail suite à l’obtention de leur diplôme. Toutefois, les
articles sont contradictoires, présentant à la fois des résultats de la
précarité et des avantages de ces emplois contractuels ou à temps partiel (ou
occasionnel). Par exemple, le chroniqueur Mario Charette traite dans deux
articles différents de ces sujets. Il mentionne dans l’un de ceux-ci que « […] 35
% obtiennent [des étudiants universitaires] leur diplôme de programmes
universitaires présentant de pauvres débouchés. Bien des nouveaux diplômés
devront donc faire face à une recherche d’emploi fort difficile. »[1]
Dans un autre article, il traite de la satisfaction qu’ont les employeurs à
employer des diplômés de l’enseignement supérieur : « 76 % d’entre
eux [employeurs] pensent que les diplômés de l’enseignement supérieur
fournissent un travail de meilleure qualité, et 45 % d’entre eux ont noté une
augmentation de la productivité. »[2]
La conclusion de ces deux articles
jumelés ensemble mène à comprendre que plus les étudiants obtiennent des
diplômes universitaires, plus les employeurs augmentent les exigences par
rapport à la scolarité de leurs futurs employés, plaçant ainsi les étudiants dans
une boucle sans fin de recherche de qualification par leurs diplômes, situation
paradoxale puisque plus ils seront diplômés, plus les critères d’embauches
seront élevés. M. Charette ajoute que « ce n’est pas la première fois
qu’on observe ce phénomène, qu’on appelle l’inflation des diplômes. »[3]
Un autre article, paru
en 2012 dans La Presse traite de l’aspect plutôt intentionnel des étudiants à
occuper des emplois moins stables et en plus grand nombre. En effet, Jacques
Hamel, professeur titulaire de sociologie à l’Université de Montréal, estime qu’ « on
doit être actif, [qu’] on redoute l’ennui et la routine. On ne veut pas rester
toute sa vie dans la même entreprise avec le même emploi. La vie sociale change
continuellement et la multiplication des activités est devenue une valeur […] »[4].
Autrement dit, ce serait un choix pour les étudiants d’avoir des emplois moins
stables, plutôt occasionnels, pour pouvoir ainsi pratiquer d’autres activités
sociales qui les mènent à un épanouissement personnel que le travail ne leur offrirait
pas. M. Hamel qualifie ces personnes comme faisant partie de la génération slash[5].
Il semblerait donc que la nouvelle génération préfèrerait les McJobs, les emplois flexibles et
instables pour pouvoir mieux s’adonner à leurs activités personnelles ou encore
pour expérimenter le plus de types d’emplois possibles, accordant moins d’importance
à leur sécurité financière. Toutefois, un autre article plus récent du Journal
Metro démontre que les étudiants continuent à croire qu’ils recevront un
salaire plutôt élevé (le sondage effectué illustre une attente moyenne de 50 668$)[6]
alors qu’en réalité, « […] la moyenne nationale se situerait à 45 000$
après deux années sur le marché du travail. »[7]
De manière plus
théorique, c’est ce que Robert Castel nomme comme étant « les
dérégulations du travail »[8]
dans le contexte français. Pour sa part, il décrit comment, suite aux Trente Glorieuses,
« l’importance du développement d’activité en deçà de l’emploi »
devient de plus en plus fréquente. En effet, « […] environ 73% des
nouvelles embauches se font sous des formes dites « atypiques » d’emploi
comme les CCD et l’intérim. »[9]
Voici quelques exemples de ces emplois atypiques, que nous pouvons retrouver
aussi au Québec : « Contrats aidés, stages plus ou moins rémunérés,
services à la personne qui se réduisent souvent à quelques heures par semaine,
différents types de travail à temps partiel, contrats courts y compris dans le
service public, etc. […] ».[10]
Suite à cette brève
revue des paradoxes entourant la précarité des diplômés ainsi que celle de la
population en générale, une seule question me vient à l’esprit : quelle
est la réalité entourant la vie des post-diplômés universitaires? S’agit-il
réellement d’un choix de vie, ou sont-ils les victimes d’un système
inégalitaire de travail? Pour ma part, je ne considère pas que la précarité
constitue le choix qu’un individu pourrait prendre. Rien n’oblige un individu à
prendre des emplois plus flexibles/instables pour s’adonner à des activités
personnelles. Un emploi stable et sécure n’empêche pas, selon moi, d’avoir des
loisirs hors travail. La précarité n’est pas la solution à une vie sociale
active et satisfaisante, à mon humble avis.
[1] CHARETTE,
Mario. Des conseils pour les diplômés,
Journal Métro, 7 mai 2013. Consulté en ligne le 21 octobre 2013 : URL :
http://journalmetro.com/opinions/de-bon-conseil/305936/des-conseils-pour-les-diplomes/
[2] CHARETTE,
Mario. L’inflation des diplômes,
Journal Métro, 9 avril 2013. Consulté en
ligne le 21 octobre 2013: URL : http://journalmetro.com/opinions/de-bon-conseil/289372/linflation-des-diplomes/
[3]
Idem.
[4] ROUGERIE, Marielle. Les 25-45 ans qui cumulent les jobs et les
occupations, La Presse, publié le 12 décembre 2012. Consulté en
ligne le 21 octobre 2013
[5] Idem.
[6] Désillusions estudiantines, Journal Métro,
19 septembre 2013, p.40.
[7] Idem.
[8] CASTEL,
Robert. « Grands résumé de La Montée
des incertitudes. Travail, protections, statut de l’individu, Paris,
Éditions du Seuil, La couleur des idées 2009 », SociologieS, p.3.
[9] Idem.
[10]Idem.
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