Un article
du New York Times citant le récent rapport de l’OCDE sur le développement des
compétences dans 23 pays développés fait un bilan de la situation des
États-Unis en comparant les habilitées linguistiques, mathématiques et de
résolutions de problèmes des individus de 18 à 65 ans.
Selon le
rapport, les États-Unis se trouvent dans une situation paradoxale où ils
comptent un niveau d’éducation très élevé, mais obtiennent un score sous la
moyenne dans la plupart des catégories. Alors, si les États-Unis sont si riches
et développés, comment est-il possible qu’il ne soit pas plus intelligent? Une question
soulevée par Anthony P. Carnevale de Georgetown University à laquelle il
propose l’explication que l’Amérique tire sa richesse d’une minorité très éduquée
et spécialisée, d’une économie flexible ainsi qu’une capacité d’attirée les
plus «grands cerveaux» du monde. D’une certaine façon, la société est très polarisée
entre ceux qui performent beaucoup et ceux qui n’en ont pas les capacités (ou
les moyens). Carnevale suggère aussi que les États-Unis ont toujours accepté un
niveau supérieur d’inégalité (comparé aux autres pays de l’OCDE), car il y
avait toujours eu la possibilité (ou l’espoir) d’une mobilité vers le haut, ce
qui aujourd’hui est lourdement remis en question, principalement chez la masse
grandissante de jeunes décrocheurs. L’étude démontre aussi que les plus touchés
par le «manque de compétences» sont principalement les immigrants, bien qu’il
ne soit pas très loin en dessous de la moyenne «blanche» américaine.
Une
économie flexible semble être le plus gros avantage d’une masse de travailleurs
aux faibles «compétences», bien que ce terme renvoie seulement aux habilités «commercialisables»
ou valorisées sur le marché de l’emploi. Du même coup, cela conforte l’idée d’une
«armée de chômeur» (Standing, 2011) disponible à travailler dans une panoplie d’emplois
précaire qui ne nécessite formellement aucune compétence. On pourrait comparer
cette situation avec l’introduction dans le marché de l’emploi à ce que Pionet
(2007) appelle le savoir-être comme base de qualification, en plus du
savoir-faire (compétences) qui semble être de moins en moins valorisé dans les emplois
précaires. Par exemple, les centres d’appel sortant tel que décrit par Buchanan
et Koch-Schulte (2000) ne nécessitent aucune compétence particulière, même si
ce ne sont pas tous les individus qui ont les habilités pour faire face à un
haut niveau de stress et de performance. D’où les nombreux problèmes d’épuisement
professionnel, d’anxiété et de stress.
En bref, ce
dernier rapport de l’OCDE permet de mettre en compétition les différents pays
sur la base du développement des compétences «utilitaires». Cette compétition jugée
«saine» pour les marchés s’étend donc à tous les niveaux : que ce soit
entre les individus chômeurs pour obtenir un meilleur emploi (Standing), les
employé d’une entreprise pour ne pas être exclu vers les périphéries (Durand)
ou encore entre les entreprises sur la bourse, tous les secteurs de l’activité
économique, et par conséquent l’activité sociale, sont mit sous-tension afin d’optimiser
la production de richesses. En somme, il me semble que la mise en compétition
des compétences n’est qu’un autre effet (ou stratégie) de l’entreprise néolibérale.
Ali Romdhani
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