Noël approche à
grand pas. Noël c'est le temps de consommer, de se rappeler la
naissance de Jésus et de célébrer l'amour. Noël c'est aussi le
moment où on se rappelle que certains et certaines sont plus
privilégiés, alors que d'autres font face à la solitude et à la
pauvreté.
Ces visions
polarisées reviennent à chaque année. C'est le temps de célébrer,
mais simultanément on se rappelle que notre consommation est
ostentatoire face à la pauvreté vécue par d'autres. C'est le temps
de se retrouver en famille, mais ces retrouvailles prennent un goût
amer au regard de l'isolement auquel devront faire face certaines
personnes. En tel contexte, on peut se demander qu'est-ce qui fait
qu'on continue à perpétuer une tradition dont le sens originel a
été édulcoré par sa marchandisation? Je crois que l'une des
raisons qui permet à Noël de revenir à chaque année, malgré les
tensions que cela suscite, est le retour systématique des Pères
Noël.
Mais pourquoi
reviennent-ils donc à chaque année? Nous ne sommes plus des enfants
de cinq ans, nous savons pertinemment que les Pères Noël ne passent
pas le reste de l'année dans le sud, daquiri
à la main, à se reposer en vue de la charge de travail qui les
attend. Difficile aussi de penser que les Pères Noël sont
simplement des barbus qui trépident d'impatience toute l'année pour aller se donner corps et âme afin de mettre de petites étoiles
dans les yeux des enfants lorsqu'on constate les conditions de
travail auxquelles ils doivent se contraindre. Selon Joboom (1), « Un
quart de travail de père Noël dure quatre heures. Quatre longues
heures pendant lesquelles il doit rester assis dans une chaleur
suffocante sans bouger. Un père Noël travaille à peu près tous
les jours pendant les fêtes. ». De
plus, les Pères Noël doivent faire du travail émotionnel avec les
enfants, enfants qui ne sont pas toujours « très sages »
mais qui recevront tout de même leur cadeau. Ils doivent enfin
négocier avec les photographes qui peuvent être embauchés
séparément et qui peuvent faire preuve d'impatience, tout comme les
parents et bambins évidemment. Le salaire attendu n'est pas très
élevé. Toujours selon le site Joboom, le salaire oscille sous la
barre des 15$ de l'heure, et il va de soi que le contrat de travail
est circonscrit dans une très courte période de l'année.
Pourtant,
je le répète, les Pères Noëls foisonnent sitôt décembre arrivé,
ne serait-ce que lorsqu'on regarde le nombre de petites annonces
comme sur le site Kijiji (2) où pour la région de Montréal uniquement
on constate plus de 80 offres de service de Pères Noël, que ce soit
pour les fêtes à domicile, centres d'achat, bureaux, écoles ou
garderies. Tous
mettent de l'avant les caractéristiques qui devraient leur permettre
de se démarquer, comme la « vraie barbe naturelle et douce »,
leur « Made-in Pole Nord » comme gage d'authenticité ou
encore la possibilité d'être inclus dans un « package »
spécial temps des fêtes qui regroupe Rudolph, Mère Noël, les
lutins, ou la Fée des Étoiles. Dans un autre ordre d'idées, il est
assez consternant de voir les agences proposer la « location »
des Pères Noël. Dans
mon monde à moi, le processus de location fait davantage référence
à une marchandise qu'à un service, et encore moins à la prise en
compte de la personne qui travaille. En
somme, les
Pères Noël apparaissent ici comme un bien, un bien jetable sitôt
les épines de sapin au sol. Une figurine dont on a pas vraiment à
se soucier de son bien-être, même si ce qu'on lui fait revêtir est un
costume plus approprié aux hautes altitudes traversées en traineau
volant qu'aux centres d'achat. Un robot qui sera à même d'encaisser
les conneries des enfants et de leurs parents sans sourciller, voire
même de produire la réponse à laquelle il a été programmé.
Les
Pères Noël sont-ils des travailleurs ou des objets? Rien n'est plus
sûr. Et si c'était ça, la grande réussite du capitalisme
noellien? Les
Pères Noël reviennent parce qu'ils sont traités comme des objets.
La demande est là, on les achète, les jette et l'année suivante on
renouvelle le stock! Emballés dans leur boîte de carton tout le reste de l'année (oubliés dans le fond d'un tiroir familial ou remisés dans les entrepôts de leurs propriétaires), difficile de penser comment ils pourraient se pencher sur leur situation.
Selon moi, Mathieu devrait aller leur proposer de se retrouver ensemble autour d'un bon verre de lait et de biscuits. Pourquoi ne pas justement s'allier avec anarcho-pyjama afin d'expérimenter de nouvelles façons de se mobiliser (3) ? Sans les enfants de leur bord, les Pères Noël risqueraient en effet d'être vus comme ce qu'ils sont présentement: des objets dans la chaîne de production de Noël dont la cause ne touche pas le reste de la société.
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http://www.jobboom.com/carriere/metier-pere-noel/
http://www.kijiji.ca/b-divertissement/grand-montreal/pere-noel/k0c165l80002
http://lagueuledelemploi.blogspot.ca/2015/11/de-biscuits-et-de-greve-reflexion-sur.html
http://lagueuledelemploi.blogspot.ca/2015/11/de-biscuits-et-de-greve-reflexion-sur.html
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