« L’essayer,
c’est l’adopter » : si ce slogan que l’inconscient collectif s’était
habitué à lire dans les campagnes publicitaires ultra-sexistes pour les robots
ménagers des années 50, il est aujourd’hui utilisé pour parler de robots
« humains », destinés à remplacer nos mains d’œuvre dans les
usines. En effet, selon une étude de la
Fédération internationale de la robotique, on prévoit d’ici 2020 une arrivée de
plus de 1,7 millions de robots dans tous les secteurs industriels confondus à
travers le monde. Mais cette avancée fulgurante pose plusieurs problèmes,
notamment sur les plans éthiques et entrepreneuriaux : que vont devenir
les salariés remplacés par les nouveaux « joujoux » des chefs
d’entreprises ? Comment le monde de l’industrie va-t-il évoluer alors
qu’il semble déjà être plus rapide et efficace que jamais ?
Si
l’on prend le point de vue d’un directeur d’usine français interviewé par le
Monde, l’investissement de ce robot profite non seulement au rendement
économique de l’entreprise, mais aussi à faciliter la vie des employés : en
effet, il déclare que les ouvriers remplacés par les bras artificiels sont
affectés à d’autres activités, et qu’ils n’ont plus à fournir d’efforts spectaculaires
pouvant nuire à leur santé. Pour autant, les détails ne sont pas donnés sur la
nature des postes qu’ils occupent dorénavant, et on peut donc comprendre, si on
lie entre les lignes, que cette « révolution des robots » est surtout
intéressante pour les gains de productivité, mais sans doute beaucoup moins sur
le plan social. Des ouvriers ayant été habitués toute leur vie à un certain
cadre de travail doivent, du jour au lendemain, abandonner leur poste et apprendre
de nouvelles techniques. On suppose que le salarié doit être stable psychologiquement
: tous les efforts fournis pendant des dizaines d’années pour le bien de l’entreprise
sont remplacés par des « êtres supérieurs », plus forts, plus rapides
et jamais malades. Comment garder une reconnaissance de soi positive et se
sentir utile et méritant ? Le salarié doit en effet se trouver dans une
position d’aliénation totale face à l’entreprise : un changement de poste
engendre de gros efforts d’apprentissage, mais dans le cadre d’une affectation
comme celle-ci, le salarié doit se demander si son nouveau poste ne sera pas à
son tour remplacé par une nouvelle machine. On peut donc en déduire que cela
doit être une réelle source de stress : combien de temps va-t-il lui
rester jusqu’à ce que tout soit robotisé et donc jusqu’au licenciement ?
L’autre
aspect important de l’industrie robotique est celui du rôle de la Chine. En
effet, « avec l’installation d’environ 87 000 robots industriels en 2016 »,
les fournisseurs de robots chinois explosent les ventes à l’international et placent
leur pays dans les premiers du marché mondial de la robotique. La main d’œuvre chinoise
étant devenue moins intéressante que la main d’œuvre vietnamienne ou sri-lankaise,
on la remplace par des robots en tout genre afin de réacquérir une compétitivité
indétrônable à l’international. Ici se pose le problème des licenciements de
masse dans les entreprises chinoises : environ 100 millions d’ouvriers
chinois sous-payés risquent de se retrouver au chômage dans les 10 prochaines
années. « Notre but est que 80% des emplois dans les usines soient
remplacés par des robots » déclare une employée de la ville de Foshan. La
situation politique de la Chine ne permet pas aux citoyens de réclamer une
sécurité sociale et salariale descente, comme ça a été le cas dès le début du
20e siècle en Europe, et notamment en France. On place en second
plan la question de ce qu’il adviendra des salariés après l’installation de robots
dans les usines ou les restaurants. Si l’on ne parle que de l’aspect
sociologique de cette « révolution des robots » en Chine, on remarque
qu’elle représente la souffrance et l’insécurité dans laquelle des milliers d’ouvriers
chinois vivent chaque jour. On peut prendre l’exemple troublant de l’entreprise
Foxconn, un fournisseur d’Apple qui a « supprimé 60 000 emplois dans une
de ses usines », au profit des robots. De plus, cette entreprise est réputée
pour offrir à ses salariés des conditions déplorables de travail.
Pour
conclure, on fait face à de réels enjeux sociaux et psychologiques chez les
employés de ce genre d’entreprises, chez qui les taux de suicide étaient déjà
importants avant que s’ajoute le stress du licenciement dû à l’arrivée fulgurante
des robots. On peut plaider en faveur de la robotisation des entreprises en
préférant le chômage aux conditions de travail déplorables, mais là aussi on
met les individus dans des situations précaires, ainsi que le développement
économique des pays. « L'utilisation
des robots dans le secteur industriel vise à enrichir la Chine, soit. Mais il
pourrait aussi créer l'effet inverse pour les 100 millions d'ouvriers qui
travaillent dans les usines du pays. »
Margaux FARY
SOL2015
Références :
Cosnard,
Denis. 2017. « La « révolution des robots » s’impose dans les
usines », Le Monde, en ligne :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/09/27/la-revolution-des-robots-s-impose-dans-les-usines_5192358_3234.html (consulté le
30.07.2017)
VIPress.
2017. « 1,7 million de nouveaux robots pour transformer les usines dans le
monde d’ici 2020 », VIPress.net l’électronique
au quotidien, en ligne : http://www.vipress.net/17-million-de-nouveaux-robots-transformer-usines-monde-dici-2020/ (consulté le
30.07.2017)
Côté, Yvan. 2016. « La
révolution des robots arrive en Chine », Radio-Canada, en ligne :
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/789990/chine-robots-travailleurs-usines (consulté le 30.07.2017)
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