lundi 25 septembre 2017

Le salaire minimum : simple enjeu économique ?


Depuis quelque temps maintenant, un débat s’est lancé autour de l’enjeu d’une augmentation du salaire minimum, passant de 11,40$ à 15,00$ l’heure, d’ici 2019. (Larsen, 2017) Nous sommes donc portés à nous demander quels seront les bénéfices et/ou les inconvénients de cette hausse ? Pour ma part, je trouve assez difficile de me prononcer sur cette problématique, car je n’ai aucune connaissance empirique des répercussions sur l’individu (ou même la société dans son ensemble) qu’a permis un accroissement du salaire minimum dans le passé. Est-ce que l’augmentation du salaire minimum a permis à plusieurs individus de sortir de la pauvreté ? Permettez-moi d’en douter. 
Selon les commentaires consultés sur la page Facebook de CBC en lien aux publications sur cette question, les opinions ne semblent pas être consensuelles. Certains vous diront qu’une augmentation de 3,60$ l’heure ne fera qu’augmenter le coût de la vie. En effet, selon Lisa Summers, mère de famille,
tout ce que la hausse des salaires minimum fait est qu’elle rapproche la classe moyenne du seuil de pauvreté, car au final, elle aide peu ceux qui sont en dessous du seuil de pauvreté. Tout est plus dispendieux depuis l'augmentation. Je paye maintenant 120$ de plus pour la garderie en dépit d’une augmentation minime de mon salaire. (Traduit de l’anglais)
Le commentaire de Mme Summers n’est pas faux, car après cette hausse de la rémunération salariale, représentant plusieurs milliers de dollars par année pour chacun(e) des employés, les entreprises n’auront pas d’autre choix que de revoir leurs coûts de production et d’exploitation. D’autant plus que cette hausse salariale constitue une « aide » que pour les personnes qui sont actuellement en emploi, non pas les personnes qui sont au chômage, c’est-à-dire que cette mesure gouvernementale n’aide pas vraiment à la réinsertion en emploi. Les personnes qui au chômage vivent encore le même bordel. Cela dit, pour d’autres personnes, cette augmentation salariale peut être excellente pour la population et l’économie en générale : les individus ayant plus d’argent dans leurs poches, ils pourront dès lors dépenser davantage ; les entreprises n’auront qu’à s’adapter. Et s’adapter, elles le feront.
Le Bureau de la Responsabilité Financière de l’Ontario (BRF) croit pour sa part que cette augmentation salariale pourrait provoquer une perte allant jusqu’à 50 000 emplois, particulièrement les postes disponibles pour les adolescents, les jeunes adultes et les immigrants. (Larsen, 2017) La BRF prend cette position du fait que cette augmentation est plus importante et plus rapide que ce qui a été fait dans le passé, soutenant ainsi que les entreprises pourraient prendre des mesures drastiques afin de réduire leurs coûts. (Larsen, 2017)
Ces mesures drastiques dont on parle risquons de lancer des débats très bientôt en ce qui a trait aux nouvelles techniques d’automatisation. Du moins on en entend déjà parler, notamment dans cet article de CBC News, suggérant que cette hausse salariale pourrait séduire les employeurs vers l’automatisation de certains de leurs postes de travail. (Pham, 2017) Je pense notamment, en ce qui a trait à la restauration rapide, aux kiosques de prise de commande, à la production des frites ou même des boulettes, etc. D’autre figure importante dans l’industrie de la restauration rapide, dont l’ex-PDG de McDonald, Ed Rensi, en parlait déjà en mai dernier et disait qu’il était préférable, selon lui, d’acheter des robots à 35 000$, plutôt que d’engager de nouveaux employés. S’agit-il de propagande pour inciter les individus à demander un salaire plus faible ? Ce serait un sujet sur lequel nous pourrions débattre.
Cela dit, il ne faut pas se leurrer, les entreprises productrices de nouvelles techniques d’automatisation tenteront de s’imposer sur le marché, quelles qu’en soit les conséquences sociales. Nicolas Pham, journaliste à CBC, évoque par exemple l’entreprise Solo Series qui utilisa cette mesure d’augmentation du salaire minimum pour faire un coup marketing en affichant cette publicité (voir lien suivant : https://imgur.com/a/pRtUq) directement à l’entrée des restaurants. (Pham, 2017) Il est possible d’y voir tous les soi-disant bienfaits du kiosque automatique : « never comes late, no coffee breaks, no overtime pay, no vacation pay, etc. »
En somme, il est difficile de croire que nous en sommes maintenant rendus-là : un contexte où les individus sont non seulement en compétitions les uns contre les autres, mais aussi désormais en compétition contre la « machine ». Si cette nouvelle tendance se maintient, nous pouvons sans doute nous attendre à ce que les entreprises soient de plus en plus exigeantes. À titre d’exemple, je vous renvoie à cet article de Kevin Nielsen, paru tout juste avant l’ouragan Irma, dans lequel il montre une note affichée sur le babillard, destiné aux employés d’un restaurant Pizza Hut, et sur laquelle il était indiqué que les employés qui prévoyaient évacuer devaient inconditionnellement être de retour pour le travail dans un délai de 72 heures. « Failure to show for these shifts, regardless or reason, will be considered a no call / no show and documentation will be issued. In the event of an evacuation, you MUST return within 72 hours. » (Nielsen, 2017) La logique des sentiments dont préconisait Mayo n’est définitivement pas appliquée dans ce cas-ci.

Sources bibliographiques 

Larsen, Karin. « Ontario’s minimum wage hike could cost 50,000 jobs : provincial watchdog », dans CBCNEWS Business, [en ligne], article publié le 12 septembre 2017, disponible sous l’URL suivant : http://www.cbc.ca/news/business/ontario-minimum-wage-jobs-1.4285443, consulté le 18 septembre 2017.

Nielsen, Kevin. « Pizza Hut manager threatens emplyees who missed shifts to escape Hurricane Irma », dans Global News, [en ligne], article publié le 12 septembre 2017http://globalnews.ca/news/3735891/pizza-hut-manager-memo-hurricane-irma/?utm_source=GlobalNews&utm_medium=Facebook, page consulté le 18 septembre 2017.


Pham, Nicolas. « Ontario minimum wage hike sparks debate over replacing human workers with machines », dans CBCNEWS Windsor, [en ligne], article publié en ligne le 15 juin 2017, disponible sous l’URL suivant : http://www.cbc.ca/news/canada/windsor/ontario-minimum-wage-hike-sparks-debate-over-replacing-human-workers-with-machines-1.4160763, page consulté le 18 septembre 2017.


Pierre-Luc S.D.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire