Lorsqu’on
entend l’expression « conciliation travail-famille », on pense
généralement au problème social émanant de la façon dont le marché du travail
est construit qui fait en sorte qu’une femme, lorsqu’elle a une famille, est
plus restreinte au niveau professionnel puisqu’elle doit partager son temps
entre ces deux aspects de sa vie et que ce dévouement partiel au travail ne
fonctionne pas, supposément, avec certains postes ou certains milieux de
travail. Ce problème existe parce qu’on associe culturellement à la mère un
plus grand nombre de tâches dans la construction de la famille, qu’on considère
qu’il revient à elle plutôt qu’au père de s’occuper des enfants et de
l’entretien de la maison. Ces normes sont cependant en train d’évoluer et la
séparation des tâches reliées à la famille entre le père et la mère se fait de
plus en plus de manière équitable, même que certains pères doivent s’occuper de
l’entièreté de ces tâches, une semaine sur deux par exemple, dans le cas des
gardes partagées. Les pères se voient donc désormais dans l’obligation, eux
aussi, de concilier le travail et la famille. Comme le résume l’article
« Conciliation travail-famille : plus d’obstacle pour les
pères » d’Alexandre Vigneault dans La Presse, les législations ont suivi
ce changement de normes, avec les congés de paternité par exemple, mais dans
les faits, il reste plus difficile pour les hommes, dans certains milieux du
moins, d’avoir à la fois un emploi et une famille. Ces congés et autres mesures
de flexibilité existent mais ne seront pas nécessairement pris par les
travailleurs, notamment en raison des jugements fait par les collègues,
lorsqu’ils sont utilisés, mais aussi parce que le travailleur qui se décide à
les prendre verra sa qualité de travailleur changé, dans la tête de son patron,
et qu’il sera donc plus susceptible de perdre son emploi, par la suite. Aussi,
même si ces mesures existent dans certaines compagnies et que les patrons sont
en général assez ouverts aux négociations, les accommodements qui sont offerts
peuvent nuire aux conditions de travail, par exemple en enlevant le droit
d’avoir des pauses, durant les journées de travail, ou en obligeant à faire du
50 heures, une semaine sur deux, et ce sans un salaire à temps supplémentaire.
La
prise de responsabilité familiale de la part des pères est-elle donc réellement
encouragée? S’ils se risquent à des réprobations dans leur lieu de travail et à
des journées de travail beaucoup plus pénibles, la conciliation a un lourd
poids et si la conciliation est plus facile pour la mère, c’est encore elle qui
se retrouvera à s’acquitter du plus grand nombre de tâches familiales. Les
syndicats ont donc beau travailler à rendre la conciliation travail-famille
plus accessible pour les hommes, si les employeurs mettent en compétition les
travailleurs sur la base de qualités qui font d’eux traditionnellement des
« hommes », comme le fait d’être capable de travailler dans des
conditions inconfortables et de se dévouer entièrement à leur travail, sans
prendre de congés, si on les valorisent quand ils n’ont pas de « besoins
personnels » qui nécessitent qu’ils réduisent l’énergie qu’ils accordent
au travail, le rapport au travail des hommes restera le même et pourra même
s’empirer, considérant que l’existence de la possibilité d’user des mesures de
conciliation devient un matériel de mise en compétition des travailleurs. Cela
nous pousse à remettre en question le pouvoir des syndicats, même s’ils sont
capables de faire obtenir des avantages à leurs membres, lorsque le pouvoir des
employeurs sur les employés est tel qu’ils ne voient plus ces avantages comme
des gains mais plutôt comme des signes de faiblesse.
J’aimerais
aussi rappeler, en dernière instance, que malgré qu’on admette moins que les
hommes aient besoin d’accommodements en raison de leur vie familiale, il reste
que ce sont les femmes qui ont le plus de « bâtons dans les roues »
au niveau de la conciliation travail-famille puisqu’elles se voient toujours
empêcher l’accès à des postes de gestion en raison de cette conciliation qu’on
ne leur donne parfois pas le choix de faire ou de l’idée que ces postes ne
peuvent être occupés par des femmes, parce qu’elles sont faites pour d’autres
responsabilités que celles-là. En 2012, seulement 36%1 des emplois
de gestion étaient occupés par des femmes. Il est donc peut-être plus difficile
pour les hommes de se voir offrir la possibilité de concilier le travail et la
famille, mais il est encore plus difficile pour les femmes de se défaire de
l’obligation de concilier le travail et la famille.
Par Juliette Palardy-Proulx
_________________
1. Institut de la
Statistique du Québec, L’accès limité des
femmes aux emplois de gestion : un plafond de verre?, 2013. En ligne au
« http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/travail-remuneration/bulletins/acces-limite-femme.pdf »,
consulté le 3 décembre 2017.
Source de l’article :
VIGNEAULT, Alexandre, « Conciliation
travail-famille : plus d’obstacles pour les pères », La Presse, 3 décembre 2017, En ligne au : http://www.lapresse.ca/vivre/famille/201712/01/01-5145612-conciliation-travail-famille-plus-dobstacles-pour-les-peres.php,
consulté le 3 décembre 2017.
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