mercredi 4 janvier 2017


Loi 70; une reforme d’aide sociale ou de l’austérité déguisé  


Le 10 novembre 2016, l’Assemblée Nationale du Québec a adopté une loi qui réclame de « permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi ». Le projet de loi, présenté en novembre 2015, a été largement dénoncé  par différents partis prenantes québécois   (une loi qui serre le vis aux nouveaux prestataires - lapresse.ca[1] ; Loi 70: Québec coupe les vivres aux nouveaux assistés sociaux aptes à l'emploi - http://quebec.huffingtonpost.ca/ [2]; un projet de loi 70 hors la loi - IRIS[3]; La réforme de l'aide sociale va créer plus de pauvreté, accuse l'opposition -  PQ et Québec Solidaire[4]).  Cependant, Sam Hamad – l’ex-ministre de Travail de l’Emploi et de la Solidarité Sociale – réclame que cette loi va briser le « cercle vicieux » de l’aide sociale et aider aux alentours de 8000 jeunes québécois (dont 6200 provenant des familles déjà sur l’aide sociale) à regagner leur confiance et s’intégrer dans le marché du travail[5]. En plus, le gouvernement souhaite une compression annuelle de dépense qui peut atteindre 50 M CDN[6] .  Dans ce contexte, les chiffres les plus récents contredisent la notion de la « vache sacrée » - les services d’aides sociales par les mots de Sam Hamad –  et montrent que le nombre total de personnes assistées a chuté remarquablement  entre les années 1995 (802,000 personnes) et 2015 (436,000)[7], avec une diminution de plus de 25 mille personnes entre octobre 2013 et octobre 2016[8], le nombre le plus bas depuis octobre 1976[9].
Divisée en deux parties principales, la loi 70 introduit des modifications qui affectent les lois en relation avec l’accès des québécois-es aux services de développement et la reconnaissance des compétences ainsi que les lois sur le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale et sur la Commission des partenaires du marché du travail. La deuxième partie de la loi introduit le Programme objectif emploi qui vise à faciliter  l’intégration des prestataires  dans le marché du travail et qui risque de transformer dramatiquement les objectifs des services d’aide sociale.  
Dans ce cadre, le collectif pour un Québec sans pauvreté a élaboré une analyse détaillée des changements introduits et leurs impacts prévus. Cette analyse[10] est essentielle  pour approfondir notre compréhension des défis et enjeux imposés par cette nouvelle loi. En ce qui suit, on fournit une analyse des quatre principaux changements introduits par cette loi.
-          Le nouveau programme « objectif emploi » qui vise à « offrir…. un accompagnement personnalisé en vue d’une intégration en emploi » représente une sorte de redéfinition des principes et pouvoirs généraux de la loi sur l’aide aux personnes et aux familles. Cette dernière affirme, dans l’article 1 du premier chapitre, que « mettre en œuvre des mesures, des programmes et des services afin de favoriser l’autonomie économique et sociale des personnes et des familles » est un de ses principes généraux. Ainsi, les modifications priorisent l’intégration dans le marché du travail et conditionne l’accès aux prestations par la participation des prestataires dans un plan d’action bien précis.
-          Bien que le nouveau programme soit promu en tant qu’une intervention ciblant ceux qui font la demande pour la première fois, notamment pour les jeunes âgés de moins de 29 ans, on n’a pu trouver aucun article qui garantit que le nouveau programme ne se transforme en un outil d’exclusion, Exit Stratégie, des personnes assistées.
-          L’article 83.4 affirme que « le plan d’intégration peut prévoir que le participant est tenu d’accepter tout emploi convenable qui lui est offert ». Le gouvernement tient le droit de définir, unilatéralement, le terme « convenable ». M. Hamad (novembre, 2015 – point de presse[11]) affirme que le terme signifie un boulot qui répond aux compétences du prestataire même si ceci cause une dégradation des tâches à faire ou un long trajet. Ultérieurement, Francois Blais[12], le ministre successeur de M. Hamad, a clarifié que « convenable » signifie un emploi non dégradant, qui respecte les normes minimales du travail  et qui n’oblige pas la personne assistée à déménager.  Cependant, ces clarifications n’étaient pas intégrées dans la loi adoptée, en novembre dernier, et ne répondent pas à la question simple mais essentielle : est-ce que « convenable » signifie décent? Stable et sécuritaire? Un emploi qui assure une rémunération qui pousse les personnes assistées au-delà du piège de la pauvreté?  Des réponses qu’on manque, toujours.  
-          La loi 70 introduit des changements qui abrogent le chapitre III de la Loi sur le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale qui crée l’administration d’ « emploi-Québec ». Ainsi les principaux mandats d’emploi -Québec vont être attribués au ministre et la décision sur les plans d’intégration en emploi va être concentrée davantage au niveau du ministère de l’emploi et de la solidarité sociale, également, la nouvelle loi redéfinit un rôle consultatif de la Commission des partenaires du marché du travail ( amendement de l’article 38).

En plus de l’impact des changements techniques et pratiques introduits par la nouvelle loi, il est très important de signaler le changement politique régissant. Profondément, c’est l’objectif des services d’aides sociales qui est transformé et redéfini; la solidarité sociale et la responsabilité collective envers les personnes défavorisées est subordonnée pour une priorisation de l’intégration dans le marché du travail. Cela, nous amène à souligner deux problématiques; i) à quelle mesure cette loi accentue-t-elle la destruction des collectifs et pousse vers plus de parcellisation des droits sociaux et économiques?, et, ii) à quelle mesure cette loi peut-elle installer des mesures d’austérités adoptées par le gouvernement au cours des dernières années?  



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