Loi 70; une reforme d’aide sociale ou de l’austérité déguisé
Le 10 novembre 2016,
l’Assemblée Nationale du Québec a adopté une loi qui réclame de
« permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi
qu’à favoriser l’intégration en emploi ». Le projet de loi, présenté en novembre
2015, a été largement dénoncé par différents
partis prenantes québécois (une loi qui serre le vis aux nouveaux
prestataires - lapresse.ca[1] ; Loi 70:
Québec coupe les vivres aux nouveaux assistés sociaux aptes à l'emploi - http://quebec.huffingtonpost.ca/ [2];
un projet de loi 70 hors la loi - IRIS[3];
La réforme de l'aide sociale va créer plus de pauvreté,
accuse l'opposition - PQ et Québec
Solidaire[4]). Cependant, Sam Hamad – l’ex-ministre de Travail
de l’Emploi et de la Solidarité Sociale – réclame que cette loi va briser le
« cercle vicieux » de l’aide sociale et aider aux alentours de 8000
jeunes québécois (dont 6200 provenant des familles déjà sur l’aide sociale) à
regagner leur confiance et s’intégrer dans le marché du travail[5].
En plus, le gouvernement souhaite une compression annuelle de dépense qui peut
atteindre 50 M CDN[6] . Dans ce contexte, les chiffres les plus récents
contredisent la notion de la « vache sacrée » - les services d’aides
sociales par les mots de Sam Hamad – et
montrent que le nombre total de personnes assistées a chuté remarquablement entre
les années 1995 (802,000 personnes) et 2015 (436,000)[7],
avec une diminution de plus de 25 mille personnes entre octobre 2013 et octobre
2016[8],
le nombre le plus bas depuis octobre 1976[9].
Divisée en deux parties principales, la loi 70 introduit des modifications
qui affectent les lois en relation avec l’accès des québécois-es aux services
de développement et la reconnaissance des compétences ainsi que les lois sur le
ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale et sur la Commission des
partenaires du marché du travail. La deuxième partie de la loi introduit le Programme
objectif emploi qui vise à faciliter l’intégration
des prestataires dans le marché du
travail et qui risque de transformer dramatiquement les objectifs des services
d’aide sociale.
Dans ce cadre, le
collectif pour un Québec sans pauvreté a élaboré une analyse détaillée des
changements introduits et leurs impacts prévus. Cette analyse[10]
est essentielle pour approfondir notre compréhension
des défis et enjeux imposés par cette nouvelle loi. En ce qui suit, on fournit une
analyse des quatre principaux changements introduits par cette loi.
-
Le nouveau
programme « objectif emploi » qui vise à « offrir…. un
accompagnement personnalisé en vue d’une intégration en emploi » représente
une sorte de redéfinition des principes et pouvoirs généraux de la loi sur l’aide
aux personnes et aux familles. Cette dernière affirme, dans l’article 1 du
premier chapitre, que « mettre en œuvre des mesures, des programmes et des
services afin de favoriser l’autonomie économique et sociale des personnes et
des familles » est un de ses principes généraux. Ainsi, les modifications priorisent
l’intégration dans le marché du travail et conditionne l’accès aux prestations
par la participation des prestataires dans un plan d’action bien précis.
-
Bien que
le nouveau programme soit promu en tant qu’une intervention ciblant ceux qui
font la demande pour la première fois, notamment pour les jeunes âgés de moins de
29 ans, on n’a pu trouver aucun
article qui garantit que le nouveau programme ne se transforme en un outil d’exclusion,
Exit Stratégie, des personnes assistées.
-
L’article
83.4 affirme que « le plan d’intégration peut prévoir que le participant
est tenu d’accepter tout emploi convenable qui lui est offert ». Le
gouvernement tient le droit de définir, unilatéralement, le terme « convenable ».
M. Hamad (novembre, 2015 – point de presse[11])
affirme que le terme signifie un boulot qui répond aux compétences du prestataire
même si ceci cause une dégradation des tâches à faire ou un long trajet. Ultérieurement, Francois Blais[12],
le ministre successeur de M. Hamad, a clarifié que « convenable »
signifie un emploi non dégradant, qui respecte les normes minimales du travail
et qui n’oblige pas la personne assistée à déménager.
Cependant, ces clarifications n’étaient
pas intégrées dans la loi adoptée, en novembre dernier, et ne répondent pas à
la question simple mais essentielle : est-ce que « convenable »
signifie décent? Stable et sécuritaire? Un emploi qui assure une rémunération qui
pousse les personnes assistées au-delà du piège de la pauvreté? Des réponses qu’on manque, toujours.
-
La loi 70
introduit des changements qui abrogent le chapitre III de la Loi sur le
ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale qui crée l’administration d’ « emploi-Québec ».
Ainsi les principaux mandats d’emploi -Québec vont être attribués au ministre et la décision sur les plans d’intégration en emploi
va être concentrée davantage au niveau du ministère de l’emploi et de la
solidarité sociale, également, la nouvelle loi redéfinit un rôle consultatif de
la Commission des partenaires du marché du travail ( amendement de l’article
38).
En plus
de l’impact des changements techniques et pratiques introduits par la nouvelle loi,
il est très important de signaler le changement politique régissant. Profondément,
c’est l’objectif des services d’aides sociales qui est transformé et redéfini; la solidarité sociale et la responsabilité collective
envers les personnes défavorisées est subordonnée pour une priorisation de l’intégration
dans le marché du travail. Cela, nous amène à souligner deux problématiques; i)
à quelle mesure cette loi accentue-t-elle la
destruction des collectifs et pousse vers plus de parcellisation des droits
sociaux et économiques?, et, ii) à quelle
mesure cette loi peut-elle installer des mesures d’austérités adoptées par le gouvernement
au cours des dernières années?
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